LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Pas Sidney Poitier" - Percival Everett

Hors normes...

Difficile de faire son entrée dans la vie lorsque vous vous prénommez Pas Sidney, et que votre nom de famille est Poitier...
Ça l'est d'autant plus si vous êtes noir, et si votre presque homonyme et vous vous ressemblez comme deux gouttes d'eau...
Et ça l'est encore d'autant plus si vous ne répondez pas exactement aux critères qui définissent l'américain "bon teint", et il ne s'agit pas que de couleur de peau...

Pour toutes ces raisons, le dernier héros de Percival Everett nous est immédiatement sympathique.
Né au terme d'une grossesse de 24 mois qualifiée d'hystérique, d'une mère célibataire, fort intelligente mais complètement loufoque, il se retrouve brutalement orphelin à l'âge de sept ans. Malgré son excentricité, Mme Poitier s'est montrée très avisée dans ses investissements, ce qui laisse Pas Sidney à la tête d'une fortune colossale. Recueilli par Ted Turner, le patron de Turner Diffusion, dont la défunte, à la suite des dits investissements, étaient l'une des principales actionnaires, le jeune garçon grandit dans ses propres quartiers, entouré de son propre personnel, le tout étant financé par l'héritage maternel.

Ses premiers pas dans le monde extérieur, notamment à l'école, sont marqués par des relations conflictuelles avec les enfants de son âge, qui, en raison de sa couleur de peau et/ou de son singulier patronyme, le prennent pour cible.
Et ce n'est que le début d'une série d'événements qui, au fil des années, vont l'amener à faire l'expérience de la discrimination, sous des formes plus ou moins subtiles et plus ou moins violentes.

Avec cette farce burlesque, Percival Everett dépeint une fois de plus les travers d'une société américaine avec laquelle il semble n'en avoir pas fini de régler ses comptes, une société centrée sur les apparences, et le pouvoir de l'argent.
"Pas Sidney Poitier" est un récit très drôle, dans lequel toutes les situations sont tournées à la dérision, et dont les personnages sont des caricatures de ce qu'ils représentent, l'auteur les affublant ainsi des défauts censément inhérents à leur statut social, ou à leur fonction. Les membres de la police sont des rustres racistes et décérébrés, les afro-américains des classes aisés se prévalent de la clarté de leur épiderme... et tout est à l'avenant.

Sous l'aspect réjouissant de "Pas Sidney Poitier", pointent le cynisme et l'amertume. Et je dois dire qu'à certains moments, j'ai même ressenti un certain malaise, certes fugace, mais néanmoins bien réel. Je crois que cela tient au fait que la progression du personnage dans l'existence prend parfois des allures de cauchemar, mais d'un cauchemar crédible, ou presque. En effet, le monde de Percival Everett n'est finalement qu'un reflet -bien que partiel et légèrement déformé- du nôtre. Son héros paraît être en décalage partout où il se trouve, parce qu'il est différent, mais aussi parce que lui-même refuse de faire siens les principes qui semblent prévaloir à tous les niveaux de la société, qui sont ceux de l'uniformité, du conformisme. Lui ne veut pas renier ses particularités, et ne parvient pas à comprendre l'intérêt démesuré de ses concitoyens pour l'argent.

J'ai beaucoup apprécié ce roman, que j'ai préféré à "Désert américain", lu récemment. L'esprit y est certes le même, mais j'ai trouvé que "Pas Sidney Poitier" souffrait bien moins de l'aspect grand-guignolesque, et de l'éparpillement qui avait émoussé mon enthousiasme à la lecture de 'Désert américain".

>>Lire l'avis de Thomas.

>>D'autres titres pour découvrir Percival Everett :
"Effacement"
"Désert américain".

Commentaires

  1. Je l'ai repéré, tu confirmes donc ;)

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  2. Il faut décidément que je persévère dans la lecture de cet auteur que je viens de découvrir.

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  3. >> Cécile : tu peux y aller sans crainte...

    >>Ys : le problème, c'est que tu as commencé par le meilleur...
    Bon, j'exagère, j'ai beaucoup aimé celui-là, et j'avais aussi vraiment apprécié "Blessés", qui est différent. On n'y retrouve pas ce ton burlesque, qui donne des allures de farce à la plupart de ses autres romans (enfin, à ceux que j'ai lus, en tout cas...).

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