"Effacement" - Percival Everett
Fils, petit-fils, et frère de médecins, Thelonious « Monk » Ellison a reçu une éducation et une instruction qui, liés à une intelligence hors du commun, lui ont permis d’être un écrivain talentueux. C’est un romancier exigeant, dont l’œuvre est difficilement accessible, et qui a la « particularité » d’être noir. « Particularité » non pas pour lui, qui ne s’est jamais véritablement interrogé sur l’incidence de sa couleur de peau, mais au regard des autres, et notamment de ses lecteurs potentiels, pour lesquels son apparence physique induit l’écriture d’une certaine catégorie de romans. Catégorie dans laquelle se classe notamment le dernier roman de Juanita Mae Jenkins, auteure noire qui vient de publier un best-seller dont l’action se déroule dans un ghetto et qui met en scène des personnages incultes et caricaturaux, issus des bas-fonds des quartiers afro américains. Thelonious est perplexe et furieux face au succès de cet ouvrage dénué de toute qualité littéraire…
Suite à l’assassinat de sa sœur par des militants anti-avortement, il se voit contraint de s’occuper de sa mère, qui sombre peu à peu dans la maladie d’Alhzeimer, puisque son frère Henry, homosexuel en prise avec un divorce difficile, en est incapable. Cette responsabilité implique une importante participation financière qu’il ne peut assumer, jusqu’au jour où un manuscrit adressé à son agent conquiert les éditeurs. Et c’est là que cela se corse…en effet, ledit manuscrit n’est autre qu’un exercice de style que Thelonious a réalisé sans le prendre au sérieux, dans lequel il s’essaie à cette fameuse « littérature afro-américaine ». Le résultat : un court récit avec pour personnage principal un jeune noir vivant dans les quartiers pauvres, haineux, violent, et qui ne sait pas aligner 2 mots sans les ponctuer de multiples grossièretés. Le comble, c’est que ce roman rencontre un succès phénoménal parce qu’il est considéré comme « vrai » et authentique !
Pour lui qui s’était juré de ne jamais compromettre son art, la situation est difficile : il a l’impression de devoir assumer une « négritude » qu’un lui impose comme étant une composante essentielle – sinon comme la composante principale- de sa personnalité. C’est comme si les rôles étaient inversés, aussi : c’est le public qui impose à l’artiste ce qu’il doit « produire », et non plus l’artiste qui livre au public le résultat d’un travail volontaire et réfléchi de sa part.
La place qu’occupent d’ailleurs écrivains et autres peintres ou sculpteurs dans la société et les messages qu’ils peuvent faire inconsciemment passer par l’image que l’on a d’eux, est une préoccupation qui revient dans « Effacement » à intervalles réguliers, d’une façon tout à fait originale, mais que je ne dévoilerai pas ici, par égard pour ceux qui décideraient de le lire… C’est un roman très riche, varié, ponctué d’anecdotes et de réflexions qui vont de conseils sur la pêche à la truite à des explications sémantiques parfois absconses.
J’ai dans un premier temps lu « Blessés » du même auteur (recommandé par Laiezza) et j’ai été frappée par les similitudes existant entre les personnalités des narrateurs des 2 romans : ce sont des hommes cultivés, intelligents, avec un sens des responsabilités affirmé, et en même temps d’une grande humilité. De plus, dans les deux récits, l’auteur évoque les difficultés à imposer aux yeux des autres une image de soi qui serait déterminée non pas par notre apparence mais par notre personnalité, nos actes et tout ce que l’on peut exprimer.
L'avis de Zaph :
RépondreSupprimerça a l'air bien, ce bouquin !
;)
C'est mieux que bien !
RépondreSupprimerC'est... Grandissime !
RépondreSupprimerMerci pour cette grande découverte, je viens d'aller lire les résumés d'autre de ses livres. Je veux découvrir cet auteur et commencerai je pense par celui-ci! un grand merci!Le genre de découvertes qui m'enchantent.
RépondreSupprimerExcellent bouquin (à relire dans quelques temps)
RépondreSupprimerTu peux aussi en lire d'autres de cet auteur. Bien que celui-ci est à mes yeux son meilleur, il a écrit d'autres excellents titres, tels "Blessés", ou "Pas Sydney Poitier", par exemple.
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