LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Les âmes égarées" - Joseph O'Connor

Un bel emballage...

Quel plaisir de retrouver Joseph O'Connor, la musicalité de ses textes, ce ton tout en pudeur, cette finesse dans l'analyse des émotions !

La première impression que l'on retire de la lecture de ce recueil, c'est celle d'une profonde mélancolie. 

Ce qui, ici, égare les âmes, est le lot inévitable de toute existence, ces mauvaises surprises ou ces malheurs attendus qui viennent bouleverser un bonheur, ou tout au moins une certaine forme de tranquillité, que l'on considérait comme acquis. La perte d'un proche, occasionnée par la mort ou la séparation, la maladie, la vieillesse, les désillusions face au constat que la vie n'a pas été à la hauteur de leurs attentes, plombent les personnages d'une tristesse silencieuse, voire d'une irrépressible détresse, qui rongent et détruisent, mais que ceux qui l'éprouvent s'interdisent d'exprimer, par humilité et discrétion, parfois par fierté.

L'auteur ne s'attarde pas sur les événements à l'origine de ces désespoirs. Ce qui l'intéresse, c'est la façon dont survivent -ou pas- ceux qui ont subi la blessure, ce sont les résonances des tragédies sur la psychologie et le comportement de ses héros, les subterfuges auxquels ils ont recours pour dissimuler leurs peines. Des subterfuges qui peuvent prêter à pleurer comme à rire, la mélancolie de l'ensemble n'empêchant pas quelques pointes -bienvenues- d'humour...

Pour autant, Joseph O'Connor ne se contente pas de l'auscultation de destins personnels. Ses textes sont certes des histoires d'hommes et de femmes touchés par le malheur, mais ce sont aussi des histoires d'irlandais. Élément qui prend à plusieurs reprises toute son importance, l'auteur abordant notamment les clivages intergénérationnels qui opposent les pères et les grands-pères à une jeunesse oublieuse d'un passé pourtant récent, et souvent étrangère à tout engagement politique. Lors d'une incursion dans le passé, retraçant la misérable existence d'une famille installée à New York au début du XXème siècle, il rappelle aussi qu'être irlandais, c'est souvent être immigrant, avec toutes les vexations, et le mépris que cela peut supposer.

L'héritage, la filiation sont ainsi d'autres notions régulièrement évoquées dans "Les âmes égarées", d'un point de vue individuel aussi bien que sociétal. Il y est question des difficultés qui président parfois aux relations entre enfants et parents mais aussi de leurs manifestations les plus émouvantes, tout comme de l'influence que peut avoir l'histoire d'un pays et de vos ascendants sur votre propre façon d'appréhender le monde.

En une parfaite osmose entre l'anecdotique et le sociologique, l'auteur du sublime "Muse" démontre une fois de plus sa capacité à "rendre le laid joli" -pour reprendre l'expression qu'un de ses personnages emprunte lui-même à la culture française-, son écriture parant d'un écrin de poésie et d'humanité un propos a priori déprimant. Sous sa plume, ses personnages, dépeints à la fois avec lucidité et une bienveillante tendresse, acquièrent une dimension complexe et fortement touchante.

>> Lire les avis de Kathel et d'Eeguab.

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Commentaires

  1. J'ai aimé tout ce que j'ai lu de Joseph O'Connor avec une préférence pour Inishowen.Merci.

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    1. Je n'ai pas lu Inishowen, mais j'ai bien l'intention de découvrir toute l’œuvre de cet auteur qui ne m'a jamais déçue non plus. A ce jour, mon cœur balance entre "A l'irlandaise" et "Muse"...

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  2. Réponses
    1. Mais toi aussi. C'est d'ailleurs ton avis qui m'a tentée : le format nouvelles, au départ, me rendait un peu réticente.
      Mais Joseph O'Connor en maîtrise parfaitement l'art, aucun de ces textes ne m'a laissée sur ma faim, et j'ai aimé les chutes de ses histoires, certes courtes mais riches..

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