LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Le jardin de l'aveugle" - Nadeem Aslam

"Comment ne pas demander de l'aide, celle des autres, celle de Dieu, en ces temps troublés où il semble que l'on assiste à la destruction de l'idée même de l'humanité ?"

Pakistan, au lendemain des attentats du 11 septembre. Ici, certains les qualifient de "bataille du World Trade Center et du Pentagone", car "il n'y a pas d'innocents dans un pays coupable". Pour eux en effet, il n'est pas question d'acte terroriste, mais de l'épisode d'une guerre les opposant au reste du monde... D'ailleurs, en Afghanistan, pays voisin envahi par les armées occidentales, elle fait rage...

Rohan et son fils s'apprêtent à partir pour Peshawar. Etudiant en médecine, Jeo souhaite y apporter son aide aux blessés afghans. Son véritable but, inavoué à son père, est de se rendre en Afghanistan, au cœur des combats, où il saura se rendre vraiment utile. Seul Mikal, son frère adoptif, connait ses projets et décide de l'accompagner. Mais tout ne se passe pas comme prévu pour les deux jeunes hommes. Tombés aux mains des talibans à leur arrivée sur place, ils sont contraints de se battre aux côtés des djihadistes.

Entremêlant haine et amour, barbarie et poésie, "Le jardin de l'aveugle" est un roman dense, dans lequel les destins individuels subissent le chaos d'un contexte de violence. La guerre y est omniprésente, exhaussant la propension des hommes, quel que soit leur camp, à la cruauté et à l'aveuglement. Des cellules où des captifs afghans attendent d'être torturés par les soldats américains aux places fortes tenues par des seigneurs de guerre afghans, en passant par les brimades quotidiennes subies par une population civile prise en étau, Nadeem Aslam nous la fait vivre au plus près, et dans toute son horreur. Et elle n'oppose pas que les armées occidentales au régime taliban. C'est aussi une guerre fratricide, dressant parfois les uns contre les autres les membres d'une même famille. Les femmes sont comme souvent parmi les premières victimes de la vague d'extrémisme religieux qui submerge la région. Laisser entendre le tintement d'un bijou est punissable de coups de fouets et la prison pour adultère attend celles qui ne peuvent prouver le viol pour lequel elles portent plainte. Même les cimetières leur sont interdits.

Au Pakistan, les fanatiques éduqués à l'obscurantisme, abreuvés d'humiliation, de rancœur et de frustrations, sont susceptibles à chaque instant de laisser exploser leur violence, notamment envers ceux qui, ayant fréquenté les "bonnes écoles", ne rêvent que de se rendre en occident, et accusent les premiers d'avoir rendu leur pays invivable. Les drames que vivent les héros, en butte à l'hostilité en raison de leur manque d'ardeur religieuse, illustrent l'enfer qu'est devenu la société pakistanaise, où l'intolérance et l'impunité des fanatiques les placent dans un danger et une peur permanents.

Nadeem Aslam livre avec ce roman un récit rendu oppressant par l'acharnement haineux dont ses personnages, cernés de toutes parts par une forme de fascisme intellectuel et moral, sont l'objet. La peur est omniprésente, qui détermine les actes, épaissit les silences... L'incompréhension totale de l'autre, le reniement systématique de son intégrité, de sa liberté, qui s'expriment à travers les actes des fanatiques, sont véritablement effrayants.

Le courage irréductible de ceux qui refusent de céder à cette peur, souvent avec une évidente humilité qui le rend d'autant plus admirable, et les manifestations d'amour, de compassion, de tolérance qui affleurent ici et là, laissent briller malgré tout une petite lueur d'espoir, sans laquelle la lecture serait insupportable...

Le style est travaillé, mais l'écriture pourtant très fluide, et j'ai été touchée par la pudeur déployée par l'auteur vis-à-vis de ses héros. Ses envolées lyriques sont réservées à la description d'un environnement naturel tantôt hostile, tantôt luxuriant -le fameux jardin du titre, celui de la maison où vivent Rohan et sa famille, apparaissant comme une oasis de paix et de beauté dans ce monde de laideur- ; les émotions qui habitent le protagonistes sont quant à elles surtout suggérées, laissées à l'imagination du lecteur.

Une belle découverte.

Cette lecture entre dans le cadre de l'activité Lire le monde, initiée par Sandrine. 

Commentaires

  1. Merci pour ce billet. Je n'ai pas pu être de cette lecture commune mais ce n'est que partie remise. Cet auteur-là me semble tout à fait intéressant pour ce qu'il pourra m'apprendre de ce pays et de sa situation. Des gens aussi qui vivent là-bas.

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    1. Mais de rien, c'était un plaisir, je crois que c'était la 1ère fois que je lisais un récit se déroulant au Pakistan... dommage que l'auteur n'ait pas suscité davantage d'engouement, j'aurais aimé lire d'autres avis à son sujet.

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  2. De cet auteur, j'ai lu La vaine attente, il y a six ans, et c'était une très belle lecture, parfois douce, parfois éprouvante.

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    1. Je note, on y retrouve apparemment l'alternance entre violence et poésie qui m'a plu dans ce titre.

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  3. A un moment, j'ai envisagé de participer à cette lecture commune mais je n'ai pas eu le temps. Je note cependant pour une lecture future parce que j'ai envie d'en savoir plus sur le Pakistan, et ton billet ne fait que confirmer mon envie.

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    1. Peut-être qu'une autre LC sera organisée autour de cet auteur... et c'est vrai que ce n'est pas si souvent que l'on a l'occasion de découvrir ce petit pays à l'histoire tourmentée.

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