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"La grâce des brigands" - Véronique Ovaldé

"... le but de toutes les histoires c'est de satisfaire le désir ardent de celui qui les lit. Pour ce faire il faut obéir aux lois idéales de la rêverie, aux coïncidences et à l'appétit de correspondances mystérieuses".

Les romans de Véronique Ovaldé déçoivent rarement. On s'y installe confortablement, avec la quasi certitude d'y trouver une bonne histoire, des héros bien campés, et cette note aigre douce qu'elle instille à tous ses textes. "La grâce des brigands" ne déroge pas à la règle.

Maria Cristina Väätonen, jeune écrivain à succès, vit en Californie. Ayant quitté son lointain village de Lapérouse (au Canada) à seize ans, titulaire d'une bourse pour l'université de Los Angeles, elle a délaissé ses études lorsqu'elle est devenue, suite à un heureux concours de circonstances, l'assistante du  poète aussi colossal par son physique que par son art Rafaël Claramunt, exilé argentin charismatique, blasé, épicurien, mais obnubilé par son éventuelle -et utopique- nobellisation. C'est lui qui introduit sa protégée dans le monde de l'édition, avec un roman autobiographique se concluant par la mort de sa sœur et de sa mère dans un accident de voiture. Un roman finalement pas si autobiographique que cela, puisqu'après des années de silence, sa mère la contacte pour lui demander de venir chercher le neveu de cinq ans dont Maria Cristina Väätonen ignorait l'existence, sa sœur Meena étant incapable de s'en occuper.

En retournant à Lapérouse après plus d'une décennie d'absence, c'est aussi vers le souvenir de son enfance qu'elle revient, une enfance dont elle garde encore les traumatisants stigmates...
Dans la petite maison "rose-cul" laide et décrépite, dépourvue de toilettes et de salle de bains, abritant un repoussant capharnaüm, l'attend celle qu'elle a fuie en partant aux Etats-Unis : sa mère brutale et déséquilibrée, habitée d'une démence mystique et paranoïaque qui a fait vivre à ses filles un enfer quotidien, de hontes et de brimades, d'angoisses et d'interdits souvent insensés, les figeant dans un mode de vie arriéré, fait de tabous, de superstitions. Le père, Liam, mort quelques années après que Maria Cristina ait quitté leur foyer, dépressif et résigné, n'a pas eu la force, malgré son affection pour ses filles, de les soulager du poids de la rigoriste folie maternelle.

Malgré la rupture avec sa famille dysfonctionnelle, malgré son succès en tant que romancière, et malgré ses postures affirmées, elle est restée vulnérable, introspective, peu sûre d'elle et irritable, à l'image de l'enfant inquiète, perturbée, qui imaginait pour s'endormir son propre enterrement et le regret qu'on aurait d'elle... Son éducation l'a enfermée dans une différence et une solitude lui procurant une angoisse sous-jacente mais permanente, comme si le seul fait d'être au monde était un gage d'insécurité. Les circonstances de l'accident ayant enrayé le développement mental de sa sœur l'ont par ailleurs affligé d'une culpabilité encombrante.

"La grâce des brigands" est ainsi le récit d'une émancipation, de la manière dont l'héroïne tente d'échapper à l'emprise de son passé, aux carcans hérités de son enfance. Les rencontres et les expériences qu'elle vit, alliées à la force qu'elle trouve en elle pour dépasser ses fêlures, lui permettront de se réaliser en tant que femme.

L'écriture agréablement élégante de Véronique Ovaldé et son sens de la formule rendent la lecture facile, mais le plaisir va au-delà de celui que procure cette fluidité. Parce que l'auteur manie également avec brio l'art du contre-pied, faisant surgir aux moments où l'on ne s'y attend pas des touches d'inattendu ou des incongruités qui s'insèrent naturellement dans l'intrigue, et dotant ses héros, que l'on n’imagerait pas rencontrer dans la réalité mais qu'elle parvient pourtant à rendre complètement crédible parce qu'elle leur donne corps, d'une piquante singularité.

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Commentaires

  1. Je suis sûre que j'ai lu au moins un bouquin d'elle mais je ne me souviens plus lequel.
    PS : j'aime la citation de Sandor Laraï dans la nuit du bûcher.

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    1. A vrai dire, bien que ses romans me procurent toujours un moment agréable, on ne peut pas dire non plus qu'ils me laissent un souvenir impérissable... et je suis ravie que tu aies remarqué cette citation en effet juste et percutante, je n'étais pas sûre qu'elle soit très lisible, dans la bannière..

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  2. Je suis bien d'accord avec toi, lire un roman de Véronique Ovaldé, c'est l'assurance de passer un agréable moment de lecture.

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    1. C'est ce que je me dis à chaque fois que je me replonge dans un de ses romans. Il se trouve que j'avais offert celui-ci à une amie, qui me l'a ensuite prêté, puisque je ne l'avais pas lu, et elle l'a aimé aussi.

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  3. il est dans ma PAL avec 2 autres de ses livres mais toujours pas lus... J'avais prévu de commencer celui-ci car l'histoire me plaît

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    1. Et Véronique Ovaldé sait bien raconter les histoires... j'avais aussi vraiment aimé Déloger l'animal et Les hommes en général me plaisent beaucoup.

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  4. Il me semble que j'en ai déjà lu un d'elle qui ne m'avait pas enthousiasmé. Mais est-ce elle ? Et que raconte-t-il ? Aucun souvenir. Quel commentaire passionnant...

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    1. Mais c'est gentil d'être passé et d'avoir pris la peine de le laisser quand même !

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  5. Je n'avais pas du tout aimé "Soyez imprudents les enfants", du coup je n'ai jamais retenté Ovaldé.

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    1. Je ne l'ai pas lu, mais si c'est le ton qui t'a déplu, ce n'est en effet pas la peine d'insister, car à ma connaissance, on le retrouve dans l'ensemble de son oeuvre...

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