LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"L'attentat" - Harry Mulisch

"Le commencement ne s'efface jamais, pas même quand vient la fin".

En 1945, Anton Steenwijk a douze ans. Il vit à Haarlem, petite ville de la périphérie d'Amsterdam, avec ses parents et son frère aîné Peter. Un soir d'hiver, des résistants assassinent dans leur rue le représentant local de l'occupant nazi. Leurs voisins, par un égoïste et fatal réflexe de survie, traînent le cadavre devant la porte des Steenwijk. Seul Anton survit aux représailles exercées par la police allemande, qui, ne sachant que faire du jeune garçon, l'installe temporairement dans une cellule où, dans l'obscurité la plus totale, il côtoie le temps d'une courte nuit la résistante qui y est maintenue prisonnière.

Quatre épisodes, de 1952 à 1981, succéderont à celui de cet événement fondateur du récit, comme des clichés figeant certaines étapes de l'existence d'Anton, en même temps qu'ils reviendront sur le drame de janvier 45, d'une part pour témoigner de la manière dont son souvenir est perçu par Anton, d'autre part pour en préciser, au gré de rencontres avec certains de ses acteurs plus ou moins directs, les circonstances.

Recueilli par son oncle, Anton fait des études de médecine. Il songe rarement à sa famille, dont la pensée lui vient parfois à l'occasion de réminiscences inattendues provoquées par des associations d'idée, sous forme de lieux emplis de sang, de flammes et de cris, de détonations, comme s'échappant momentanément d'un cachot hermétiquement clos, enfoui quelque part au fond de lui, dont la violence est toutefois tempérée par le rai de lumière qu'y instille le souvenir de la jeune résistante. La période qui a suivi la tragédie a comme subi une distorsion du temps qui la relègue dans une dimension parallèle, et l'empêche de se l'approprier, rendant difficile toute tentative de faire comprendre à d'autres ce qu'a été la guerre. C'est pourquoi il ne l'évoque jamais.

Devenu anesthésiste, puis mari et père, il repousse de plus en plus loin le Haarlem de janvier 45, inconsciemment mais avec application, jusqu'à qu'il se rappelle à lui...

Au gré des épisodes brefs mais chargés de sens qui constituent le récit, Harry Mulisch aborde, presque mine de rien, la question de la responsabilité des actes, et de la légitimité de la violence comme rempart à une violence plus grande. Le combat contre la barbarie justifie-t-il le sacrifice de vies innocentes ? Et comment composer, en tant que proches de ces victimes, avec le possible sentiment qu'elles n'aient été que des dommages collatéraux négligeables au cœur d'enjeux déterminés par d'autres ? En induisant ces questionnements, il met en évidence la relativité des notions de culpabilité et d'innocence, exhaussée par le passage du temps, qui fait parfois douter de la solidité de l'héritage laissé par les héros d'hier, notamment lorsque l'Histoire se répète.

"A l'inhumanité, on ne peut opposer que l'absurdité."

La froideur de son héros, la distance qu'il semble avoir pris avec le drame, peut donner l'impression d'une approche presque clinique de ces thématiques pourtant tragiques. Mais ne nous y trompons pas, si l'analyse de l'auteur est davantage intellectuelle et morale que sentimentale, il laisse suffisamment de place à l'évocation des résonances des traumatismes sur ses personnages pour que son récit ne soit pas désincarné. 

A lire...

Une idée piochée à l'occasion d'une LC réalisée par Goran et Patrice.

Commentaires

  1. Je n'ai aucun souvenir de ce roman, lecture imposée du cours de néerlandais à l'école secondaire, à part un très vague "c'était pas mal".

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    1. Je ne sais pas si j'en garderai moi-même un souvenir très net, parce que cet aspect un peu "froid" que j'évoque fait que c'est une lecture qui pousse plus à la réflexion qu'elle ne génère d'émotion. Il n'en reste pas moins que c'est une lecture qui passionne par les thématiques abordées, et intrigue, par la manière dont elles sont amenées..

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  2. mon neveu s'appelle Anton - je ne suis pas certaine que cette distance voulu par l'auteur pour son héros me plaise tant que ça. Il a sans doute plus voulu faire passer cette réflexion que tu abordes au détriment de l'histoire. En te lisant, j'ai l'impression que du coup cela devient didactique, ce que je déteste dans un roman (je préfère du coup les essais, ponctués d'expérience que l'inverse)

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    1. Ce n'est pas vraiment didactique, ou en tous cas je n'en ai pas eu l'impression, parce qu'il n'insiste pas tant que ça sur ses pistes de réflexions, il est assez habile pour faire en sorte qu'elles se dégagent du récit de manière apparemment naturelle... et puis il ne propose pas de réponse aux questions qu'il pose. Cette façon de faire m'a fait penser à J.M. Coetzee (et notamment à son titre Disgrâce), dont les personnages suscitent souvent peu d'empathie, l'auteur préférant de même placer ses récits sur un plan plus intellectuel qu'émotionnel (McEwan procède ainsi, également). Cette lecture était aussi l'occasion d'aborder la période de l'occupation allemande depuis un point de vue (les Pays-Bas) inhabituel.
      Mais je ne tenterai pas de te convaincre, vu ton commentaire, il risque en effet de ne pas te plaire !

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  3. Quels sujets et thèmes de réflexion costauds !^^ Je ne me sens pas d'attaque pour une lecture d'été/vacances mais à voir sur une autre période.

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    1. Mais oui, pourquoi pas ? De plus, il est assez court, et cet aspect "clinique" que j'évoque rend la lecture facilement supportable.

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  4. les thèmes abordés, le questionnement m'intéressent, mais si tu dis qu'il donne pas de réponses, ça me freine un peu, je le note quand même

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    1. Ce n'est pas vraiment gênant, dans la mesure où ce sont des thématiques qui ne peuvent appeler une réponse unique... Tu devrais tenter, il est court, et facile à lire !

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  5. Réponses
    1. J'espère qu'il te plaira (mais je n'ai pas trop de doute)...

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