"Effondrement" - Horacio Castellanos Moya
Constituée presque uniquement de dialogues, illustré de
brèves descriptions qui pourraient passer pour des indications scéniques,
l’épisode est à la fois rocambolesque (Madame finit par enfermer Monsieur dans
la salle de bains), grotesque et glaçant, par l’expression de cette violence
acrimonieuse qui dénote une furie pathologique.
Le texte connaît ensuite une première rupture, en basculant dans une forme épistolaire. Nous lisons la correspondance échangée entre Esther et son père de 1969 à 1972. Six ans se sont écoulés depuis le mariage, Esther et Clemente sont partis vivre au Salvador, et ont dorénavant deux garçons. Les lettres expriment l’inquiétude face aux relations de plus en plus tendues entre leurs pays respectifs, qui entrent bientôt dans la Guerre de cent heures, également connue sous le nom de guerre du Football (pour ceux qui souhaitent en savoir plus : parenthèse historique ICI). La folie grandissante de Lena y est aussi évoquée, se manifestant par d’intempestifs coups de téléphone qui se terminent irrémédiablement par des accès de fureur et des insultes, motivés par le refus de sa fille de rentrer au Honduras. Étrangement, il y est peu question de Clemente, si ce n’est pour évoquer l’association d’alcooliques anonymes qu’il dirige et qui semble regrouper toutes les sommités militaires d’Amérique centrale, ou sa collection de briquets et de stylos… Quant à Esther, elle n’inspire guère la sympathie, avec son mépris bourgeois pour "les ploucs et les brutes du peuple" et son égocentrisme d’enfant gâtée. Elle représente ainsi ces femmes d’une classe dominante conservatrice qui bénéficient de leurs privilèges comme d’un dû, tout en se révélant d’un apolitisme ignare. Et comme c’est à travers le prisme de ce désintérêt pour les enjeux du monde qui l’entoure que le lecteur découvre le contexte, ce dernier se pare d’une sorte d’opacité créant une sensation de distance.
Un nouveau bond dans le temps, et une nouvelle rupture de
ton, nous projettent dans une troisième et dernière partie qui se déroule en
1991, dont la narration est portée par l’homme à tout faire des Mira Brossa,
témoin de l’effondrement de leur clan.
Comme dans la plupart de ses romans, Horacio Castellanos Moya dresse avec "Effondrement" l’impitoyable portrait d’une élite bourgeoise dont il fustige l’hypocrisie et satirise les névroses. Toutefois, la virulence de son propos est amoindrie par la forme que prend son récit dans la deuxième partie, où la correspondance entre Esther et son père se révèle redondante et assez terne.
Dommage, cela démarrait sur les chapeaux de roues, mais l'élan, assez vite, retombe…
Bon, pas assez enthousiaste...
RépondreSupprimerTu peux passer en effet, je ne voudrais pas te dégoûter définitivement de la littérature sud-américaine...
SupprimerL'atmosphère a l'air bien étouffante .. je passe, je sens que ça m'agacerait assez vite ce genre de personnages. Dommage pour le contexte historique qui doit être intéressant.
RépondreSupprimerOui, mais il est survolé, du coup. C'est en effet dommage, d'autant qu'il est assez difficile de trouver des auteurs salvadoriens. Ceci dit, j'avais aimé La mort d'Olga Maria, du même auteur.
SupprimerTout comme keisha... (Goran : http://deslivresetdesfilms.com/)
RépondreSupprimerOui, il vaut mieux se consacrer à d'autres titres...
SupprimerMoi, j'ai adoré cet effondrement... D'ailleurs j'arrive bientôt avec un billet sur ce roman...
RépondreSupprimerJe suis curieuse de lire ton avis, mais je me souviens en effet que tu l'avais lu avec un avis positif.. j'ai beaucoup aimé le début, mais j'ai trouvé beaucoup de longueurs et de superficialité dans la 2e partie...
SupprimerA lire ton résumé, ça me rappelait quelque chose... effectivement, je l'ai lu il y a une petite dizaine d'années, pas commenté sur le blog et noté d'un petit "2 étoiles" sur Babelio. Ce n'était pas l'enthousiasme, semble-t-il. ;-)
RépondreSupprimerJe ne pense pas en garder un souvenir mémorable non plus...
SupprimerLa satire d'une élite bourgeoise ... Voilà qui aurait pu me plaire ... Mais il y a trop de réticences dans ton billet.
RépondreSupprimerAh, mais la satire du milieu bourgeois, on la retrouve dans "La mort d'Olga Maria" que j'avais beaucoup aimé.
SupprimerJe n'ai encore jamais lu l'auteur, clairement ce n'est pas celui-ci qu'il faut choisir pour débuter. Je note plutôt le titre que tu indiques en commentaire " La mort d'Olga Maria ".
RépondreSupprimerOui, c'est une bonne idée..
SupprimerTiens, c'est drôle, j'ai emprunté ce roman hier puis j'ai lu des avis sur le net et je me suis dit que je le lirai pas... j'ai raison alors ^^
RépondreSupprimerTon intuition t'a en effet évité de perdre du temps...
SupprimerLe mépris de cette classe sociale envers ceux qu'ils considèrent comme inférieurs a l'air d'être une constante dans ces pays ? Les dictatures n'ont pu avoir cours que parce qu'elle servait les intérêts de ces gens. Mais Erasmo a l'air plus sympathique ?
RépondreSupprimerTu as tout à fait raison, ces dictatures militaires qui ont fleuri en Amérique latine (avec le soutien, bien souvent, d'une Amérique du nord prête à tout pour combattre le communisme y compris hors de ses frontières) se sont "assises" sur des classes dirigeantes bien contentes de pouvoir conserver leurs privilèges. Quant à Erasmo, c'est vrai qu'il suscite plus de sympathie, voire une certaine compassion (on se demande comment il supporte sa femme), mais il est bien lui aussi du côté des privilégiés (avec les inégalités que cela suppose), même s'il est plus "paternaliste" que méprisant.
SupprimerTu as piqué ma curiosité. Il me faut découvrir cet auteur. Maintenant, quel titre me recommandes-tu?
RépondreSupprimerJe n'en ai lu que 3, et mon préféré est à ce jour "La mort d'Olga Maria".
SupprimerC'est alors celui que je note. Merci!
SupprimerMalgré ton avis mitigé, je suis intriguée. J'ai dans ma pal "Là où vous ne serez pas" du même auteur, j'espère avoir le temps de le lire ce mois-ci.
RépondreSupprimerJ'espère aussi que tu en auras le temps ! Castellanos Moya a une écriture intéressante et singulière, que l'on reconnaît d'un titre à l'autre (du moins ceux que j'ai lus), très énergique, et parfois lancinante. C'est d'ailleurs ainsi que démarre cet "Effondrement", mais malheureusement, cela ne dure pas. Le genre épistolaire n'est sans doute pas celui qui lui convient le mieux, je le trouve bien meilleur dans les dialogues, voire les monologues.
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