"Le testament de Dina" - Herbjørg Wassmo
"C’était à croire que les femmes étaient une race à part, nées pour être là où on les attendait. Un mal nécessaire".
Et ce n’est pas Karna, sa petite-fille, qui contestera cette affirmation. Suite au décès de sa grand-mère, investie par cette dernière d’une lourde et atypique mission, elle avoue en son nom, le jour de son enterrement, les deux meurtres que Dina a commis en toute impunité, le premier sur la personne de son premier mari Jacob, le second sur celle du russe Léo Zjukovsky.
Ces révélations posthumes plongent Karna dans une forme de folie qui la rend muette et sujette à des crises au cours desquelles elle manifeste une violence tournée aussi bien contre elle-même qu’envers les autres.
Epileptique, elle est déjà suivie de près par son père, le médecin Benjamin Grønelv, et très entourée par Anna sa belle-mère. Mais cette fois ni leurs attentions, ni l’amour de Peder, le jeune homme talentueux mais pauvre que Dina avait pris sous son aile et qu’elle destinait à reprendre la tête de son chantier naval, ne suffisent à ramener la jeune femme à la raison. Aussi, ses parents se voient contraints de l’interner, loin de leur froide Norvège du Nord, dans un établissement près de Copenhague. Originaire de la capitale danoise, Anna l’accompagne. Ses visites quasi quotidiennes à sa belle-fille l’amènent à faire une rencontre décisive en la personne de Joakim, un médecin aussi charismatique qu’excentrique.
Le récit tourne alternativement autour du trio que forment Karna, Benjamin et Anna, mais s’attache plus particulièrement à cette dernière, prétexte à Herbjørg Wassmo pour dresser un beau portrait de femme moderne aux prises avec les diktats d’une société paternaliste mais qui a la chance d’être entourée d’hommes qui comprennent et acceptent sa quête de liberté et d’indépendance, qu’elle assume elle-même avec honnêteté et courage. Car si Benjamin, à l’opposé de sa mère, est un homme raisonnable, conciliant à l’extrême, que l’on pourrait être tenté dans un premier temps de taxer de mollesse ou de faiblesse, il révèle peu à peu, à sa manière discrète mais solide, la noblesse d’un caractère marqué par la tolérance et la générosité.
Quant à Karna, elle reste perdue dans les limbes d’une fantasmagorie exprimant le traumatisme non seulement de la mort de Dina, mais aussi et surtout celui qu’ont incrusté en elle que les non-dits et les secrets empoisonnés hérités de sa famille.
Avec "Le testament de Dina", Herbjørg Wassmo adopte une dynamique et une temporalité différentes de celle de sa trilogie, dont l’intrigue resserrée, énergique, nous emmenait sur plusieurs dizaines d’années. Quelques mois séparent ici le début et la fin d’une histoire qui tire sa consistance de l’analyse, fine et progressive, de la psychologie des personnages.
Elle nous fait ainsi naviguer aux abords des mystères infranchissables de la démence tout en tentant de la traduire, décortique les atermoiements d’Anna en butte à la difficulté de s’affirmer et d’être maîtresse de son destin et installe ce faisant un univers qui se fait parfois violent voire morbide, à l’unisson de certains de ses héros entravés par le poids de filiations toxiques, tel le flamboyant mais désespéré personnage de Joakim. S’épanouir ou ne serait-ce qu’atteindre à une modeste sérénité demande de se détacher autant de démons personnels que de convenances liberticides ou des tabous posés sur toute expression d’un mal-être qu’il faut taire à tout prix.
Si ce testament n’a pas le souffle et l’originalité que son inoubliable héroïne conférait à la trilogie qui le précède, il n’en est pas moins un très bon roman, profond et mélancolique.
J'avais beaucoup aimé la trilogie de Dina et Cent ans. Tu me donnes envie de me remettre à cette autrice.
RépondreSupprimerDans ce cas tu pars avec le même historique que moi avant cette lecture, que tu devrais apprécier..
SupprimerJ'ai lu le premier tome il y a bien longtemps et je n'avais pas continué. Je ne sais plus pourquoi. A l'époque, j'avais sûrement trouvé cette histoire trop sombre. Il faudrait que je recommence, depuis je me suis bien accoutumée aux romans nordiques (et j'ai assisté à une belle rencontre avec l'auteure).
RépondreSupprimerDina, oui c'est sombre mais en même temps flamboyant ! Une des héroïnes qui a marqué ma vie de lectrice... et je t'envie d'avoir rencontré l'auteure, elle est sans doute très intéressante.
SupprimerEncore un beau pavé pour le challenge ! Pas (encore) lu l'auteur : il me semble avoir essayé mais je n'avais pas trop accroché, ce n'était peut-être pas le bon moment, en tout cas je pense retenter à l'occasion.
RépondreSupprimerJe ne sais pas avec quel titre tu as essayé, mais la trilogie de Dina est extraordinaire, et se lit très facilement.
SupprimerMais quel bonheur La trilogie de Dina... un grand souvenir de lectrice, assurément ! Je la relirai sûrement un jour... j’ignorais qu’il y avait des suites ...
RépondreSupprimerNous sommes d'accord ! Et il n'y a, à ce jour du moins, qu'une suite, qui est ce titre, et qui, tu l'auras compris, est différente de la trilogie. Je conseille, mais c'est quand même un peu en-dessous ..
SupprimerJe rectifie : en fouillant sur internet, je réalise qu'il y a d'autres suites : "L'héritage de Karna", en 3 volumes...
Supprimer... et aussi "Fils de la providence", centré sur le personnage de Benjamin.
SupprimerJ'avais beaucoup aimé Cent ans... Ah... tous ces auteurs que j'aimerais continuer à lire...
RépondreSupprimerTu n'as pas lu "Le livre de Dina" ?!! Ne passe pas à côté, il est excellent (et court : il y a trois tomes, mais de mémoire, ils avoisinent tous les 20 pages, et se lisent très vite).
SupprimerHa Dina ! Quelle héroïne ! Comme pour toi, elle a marqué ma vie de lectrice ... ( avec Dalva et Emma Bovary ...)D'ailleurs Emma aurait sans doute adoré être l'une ou l'autre. Bref, même si j'ai bien aimé son testament, notamment les questions que soulèvent le personnage d' Anna dans son choix de liberté, il vous bien admettre que le souffle sulfureux de Dina manque un peu. Une autre trilogie est aussi à lire, celle de Tora ( très très très sombre)
RépondreSupprimerNous nous rejoignons à 100 % sur cette lecture (et sur Dina !). Tu fais bien de me rappeler l'existence de l'autre trilogie, car je crois que tu m'en avais déjà parlé, mais j'avais oublié.. je note.
SupprimerJ'adore cette romancière (ce qu'elle écrit du moins ;-) ) et j'ai l'impression de n'avoir jamais lu la suite de Dina...
RépondreSupprimerEt visiblement il y a le choix, puisqu'hormis ce titre, elle a écrit 4 autres ouvrages mettant en scène les descendants de la flamboyante norvégienne..
SupprimerJe dois avoir La trilogie de Dina sur au moins trois listes différentes, mais je ne perds pas espoir. Je pensais que c'était un vieux roman écrit par un auteur à barbe blanche du début XXe, mais je vois à la lecture des commentaires que j'étais complètement à côté de la plaque!
RépondreSupprimerOui, Herbjørg Wassmo est une femme séduisante, moderne et contemporaine ! Mais cela m'arrive aussi, ce genre d'a priori..
SupprimerToujours pas lu cette auteure. Ça a toujours été dans mes vagues projets mais je n'ai toujours pas sauté le pas. À tort visiblement...
RépondreSupprimerOui, car je suis sûre qu'elle te plaira !
SupprimerJ'avais beaucoup aimé la trilogie de départ et surtout Dina, personnage à la forte personnalité, tellement différente de toutes les héroïnes habituelles.... J'ai également aimé celui-ci mais surtout pour ce qu'il évoque sur le traitement et les conditions de vie dans les hôpitaux psychiatriques. :-)
RépondreSupprimerIl est très bien aussi, mais différent de la trilogie. Il aborde en tous cas des thèmes très intéressants (notamment, comme tu l'écris, celui des traitements psy à cette époque), et ses personnages, certes moins charismatiques que Dina, n'en sont pas moins très attachants.
SupprimerMalheureusement, je n'avais pas accroché à la trilogie. Il faudrait que je tente à nouveau. Je me souviens d'une écriture très poétique, mais l'histoire me laissait de marbre...
RépondreSupprimerDans ce cas ce titre te plaira peut-être davantage = il y a moins de rebondissements, les personnages y sont plus nuancés de Dina, et c'est la dimension psychologique qui prédomine, plus que l'histoire.
SupprimerJe ne connais pas cette auteure et étant donné ce que tu en dis , et le nombre de blogueuse pour qui cette écrivaine est importante je me dois de rectifier ce manque.
RépondreSupprimerC'est en effet une auteure nordique à découvrir. "La trilogie de Dina" est une belle réussite d'un point de vue romanesque et son héroïne est mémorable !
SupprimerJe ne sais pas pourquoi je ne l'ai toujours pas lu alors qu'elle est notée, sur notée et très notée depuis des années. Faudrait que je me lance, histoire de faire comme tout le monde !
RépondreSupprimer... et surtout parce qu'il y a des chances que tu y prennes du plaisir !!
SupprimerÇa y est, c'est lu. Excellent roman, merci de l'avoir porté à mon attention. Mais alors, cette fin !
RépondreSupprimerWow, quelle efficacité ! J e suis ravie qu'il t'ait plu, tu n'as plus qu'à lire la trilogie de Dina ! Et oui, terrible, la fin...
SupprimerJ'avais beaucoup aimé la trilogie mais j'ai peur qu'en l'absence de Dina, l'intérêt s'affaiblisse !
RépondreSupprimerDisons qu'il est différent, moins rythmé, plus "subtil" aussi dans l'approche psychologique des personnages. Mais c'est une lecture que j'ai appréciée, même si j'avoue une préférence pour la trilogie, c'est vrai.
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