LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Dans la gueule de l’ours" - James A. McLaughlin

"Là-bas dans l'Ouest, c'était la guerre sainte des ranchers contre les prédateurs et leur vénération pour des animaux domestiques indo-européens qu'ils élevaient sur des terres trop sèches pour les nourrir. Ici, dans les Appalaches, on rencontrait de robustes travailleurs des champs qui refusaient de se promener en forêt durant tout l'été parce qu'ils avaient peur des serpents.".

Rice Moore a été embauché par la richissime famille Traver comme gardien de la réserve de Turk Mountain, vallée des Appalaches, où subsiste un rare fragment de forêt primaire. Une forêt telle que les hommes ont oublié qu’elle devrait être, notamment propice au maintien d’une population d’ours unique de son espèce. Biologiste de formation, Rice y éradique les espèces invasives, traque les intrus que l’interdiction de pénétrer dans la réserve n’aura pas dissuadés... Il faut dire que les gens du cru ne voient pas d’un très bon œil que de riches étrangers s’accaparent une part de ce territoire qu’ils considèrent comme le leur au nom "d’une éthique de protection environnementale qu’ils jugent absurde et élitiste". Les autochtones de ce coin perdu d’Amérique habitent des maisons en bardeaux flanquées de paraboles, sur le terrain desquels pourrissent de vieilles caravanes et des 4X4 customisés ; ce sont surtout tous des chasseurs, d’ours pour certains. Leur hostilité envers Rice et ce qu’il représente est palpable, et la biologiste qui l’a précédé, Sara Birkeland, en a elle-même tragiquement fait les frais. Elle a dû quitter la réserve après avoir été agressée et violée par des coupables qui n’ont toujours pas été identifiés, le shérif ne semblant pas déployer beaucoup de zèle pour faire avancer l’enquête.

Et puis apparaît dans la forêt un étrange ramasseur de champignons, qui conduit Rice au cadavre écorché d’une ourse. L’animal a probablement été victime du trafic illégal d’organes ou de membres d’animaux sauvages, nouvelle manne du crime organisé. Voilà qui n’arrange guère les affaires de Rice. Décidé à traquer les braconniers, il craint toutefois que cela n’attire l’attention sur sa présence dans ce qui représentait jusqu’alors le refuge parfait pour fuir les représailles d’un cartel mexicain qui a quelques raisons de lui en vouloir.

Voici pour la facette prosaïque, disons, du roman.

Ce qui fait son originalité, tout en lui conférant une dimension troublante, c’est l’atmosphère qu’induit la proximité de la forêt, et ses effets sur le héros.

Tout au long du récit, la nature -et plus précisément cette impressionnante forêt, profuse et puissante- est omniprésente, avec ses vibrations et ses stridulations, ses odeurs et ses lumières, les vibrations de ses arbres. Les Cherokee disaient de cette Turk Mountain qu’elle est hantée, et elle exerce de fait sur Rice un attrait qui devient de plus en plus névrotique. Depuis son arrivée dans la réserve, il a l’impression de se déplacer dans un perpétuel rêve éveillé, est même parfois pris de sortes d’hallucinations. Dans cet environnement où la frontière entre vie sauvage et vie domestique est poreuse, son objectivité scientifique, son contrôle de la situation, et jusqu’à la conscience de lui-même, menacent de se dissoudre…

"Dans la gueule de l’ours" est ainsi un roman aux bifurcations inattendues, qui entrelace les genres -policier, fantastique, récit philosophique- avec un naturel déroutant.

A lire.

J'ai eu le plaisir de faire cette lecture en commun avec Maryline et Keisha : leurs avis ICI et LA.

Petit Bac 2022, catégorie GROS MOT

Commentaires

  1. Je l'ai noté quelque part celui-là qui a l'air vraiment très bien, cette ambiance me plait déjà.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai vu qu'entretemps tu avais aussi lu les avis de Maryline et Keisha, qui sont moins enthousiastes que moi. Je précise que ce qui a suscité un de leurs bémols est ce qui m'a, à l'inverse, plu : une certaine lenteur dans le récit, qui permet de rendre la pénétration insidieuse et progressive de l'étrange atmosphère sylvestre dans l'esprit du héros..

      Supprimer
  2. C'est amusant les lectures communes. Maryline n'est pas du tout convaincue. Keisha plus positive, mais on ne sent pas l'enthousiasme. Et chez toi, j'ai presque envie de le lire tout de suite :-) Je l'avais noté et perdu de vue, je re-note.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et oui, c'est ce qui en fait la richesse, même si du coup, j'imagine qu'il n'est pas facile pour vous de faire un choix : le lire... ou pas ?!

      Supprimer
  3. C'est sûr que les autochtones dépouillés de leur territoire de chasse ne sont pas fan des visées environnementalistes des descendants de colons qui s'accaparent les terres...
    Toi tu donnes envie de le lire, mais mon hésitation initiale (la violence, et pourquoi ce cartel mexicain) me suggère que je vais passer, pas pour moi celui-là.
    nathalie

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le cartel fait partie du passé du héros, et explique sa volonté de s'exiler loin du monde.. et ce n'est pas sa violence que je retiens de ce roman (il y en a, mais je ne l'ai pas trouvée particulièrement sanglante ou insupportable.

      Supprimer
  4. Tu décris bien "les autochtones de ce coin perdu d’Amérique" et tu pointes exactement le mélange des genres qui m'avait plu dans ce roman... Mais il est dur par moment, j'ai atteint mes limites dans cette lecture !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tiens, c'est drôle, j'ai l'impression d'avoir occulté cet aspect. C'est chez toi que j'ai dû noter ce titre (et ton billet avait été appuyé par un avis aussi très positif de Jean-Marc).

      Supprimer
  5. Ca m'a l'air intéressant...? Je le note au cas où.....

    RépondreSupprimer
  6. Le côté fantastique, voilà ce qui m'a un poil moins plu, mais sinon, c'est original et pas mal du tout!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ignore si je suis le seul dans ce cas, mais impossible d’aller chez toi en ce moment : "Connexion bloquée : problème de sécurité potentiel". J'espère que ce n'est qu'un incident passager.

      Supprimer
    2. @Keisha : J'ai le même problème. Je t'en avais déjà parlé, ça s'était résolu, et là c'est revenu.... mais cela dépend depuis quel PC je me connecte. Comme c'est avec le pro que je suis bloquée, je soupçonne en effet que ça vient de la sécurité...

      Supprimer
    3. @Keisha Moi je n'ai pas de problème, je passe tous les jours et ça va.

      Supprimer
    4. J'avoue n'y rien comprendre. En tout cas, facebook refuse de mettre des liens de mon blog, pfff, tant pis, mais avec les blogueurs ça m'ennuie.

      Supprimer
  7. Je te rejoins pour l'originalité des thèmes, de l'atmosphère. C'est cet aspect prosaïque qui m'a laissée à distance, et le fantastique ( alors que l'aspect rêve éveillé, au contraire, m'a emportée ). Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un " polar ", j'ai un peu décroché avec le genre. Nos lectures communes sont très intéressantes, j'apprécie vraiment de confronter ma lecture à la tienne, poursuivons ! ( pas seulement avec Mauriac :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Même si j'en lis bien moins qu'à une époque, j'essaie de revenir régulièrement vers le polar, que j'affectionne (comme j'aime tout le reste, c'est le problème...).
      Et oui, avec plaisir pour poursuivre nos LC !

      Supprimer
  8. De toute évidence, tu es plus sensible aux cow-boys taiseux que Marilyne 😄 Je retiens que ce roman vaut quand même (et surtout ?) pour son atmosphère entre réalité et hallucination.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est un bon résumé, c'est bien ce qu'il faut en retenir...

      Supprimer
  9. un billet intéressant que je lis avec plaisir sans que cela me conduise à lire ce roman

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est déjà ça... ceci dit, je ne te l'aurais en effet pas forcément conseillé..

      Supprimer
  10. Tu as l'air plus franchement conquise que Keisha et Marilyne. Je ne sais pas trop si j'y trouverais mon compte à vous lire toutes les trois. Dans le doute...^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je comprends qu'il soit difficile de se faire une opinion, vu nos divergences.. si tu as envie de te laisser convaincre, tu peux lire les avis de Kathel et Jean-Marc (Actu du noir, si tu ne connais pas. Il est dans mes liens en bas de page :).

      Supprimer
  11. Cela sort de l'ordinaire... merci pour la découverte :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Son originalité est ce qui fait en grande partie son intérêt, en installant une ambiance hybride et étrange, entre roman noir et récit fantastique...

      Supprimer
  12. La couverture, mais aussi l'atmosphère que tu évoques ma fait penser à Sous les ossements des morts. Je me trompe ? De toute façon, je le note, et j'ai une virée en librairie prévue cette après-midi ... ^-^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et bine maintenant que tu me le dis, ça me saute aux yeux, pour la couverture ! Pour l'ambiance aussi, oui, tu as sans doute raison, on y retrouve en effet ce mélange de surnaturel et de noir..

      J'en profite pour t'informer d'une LC autour de Mauriac le 15 janvier (ça te rappelle des souvenirs, non ?), à l'initiative de Maryline. Nous lirons toutes les 2 Le nœud de vipères, mais c'est ouvert à tout autre titre. Si ça te dis. Je referai sûrement un rappel d'ici là..

      Supprimer
    2. Dans la gueule de l'ours est sur mes étagères ! Et Mauriac, évidemment, ça me rappelle un super challenge ^-^ et je vous suis sur Le noeud de vipères,. Dans mes souvenirs, c'est vraiment un des meilleurs.

      Supprimer
    3. J'espère qu'il te plaira.. et chic, pour la LC Mauriac !

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Compte tenu des difficultés pour certains d'entre vous à poster des commentaires, je modère, au cas où cela permettrait de résoudre le problème... N'hésitez pas à me faire part de vos retours d'expérience ! Et si vous échouez à poster votre commentaire, déposez-le via le formulaire de contact du blog.