LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Les gens des collines" - Chris Offut

"Les collines nous tuent à petit feu."

Je n’ai pas perdu de temps pour retrouver Chris Offut après la belle découverte que m’a valu "Nuits Appalaches". On retrouve dans "Les gens des collines" celles de ce Kentucky rural et perdu, dans les bois desquelles poussent en abondance pommes de mai et vergerette. Les plus aguerris y trouveront même du ginseng. En voilà d’ailleurs un, d’aguerri… c’est Tucker, héros de "Nuits Appalaches", dorénavant octogénaire mais toujours alerte, qui parcourt les bois une arme à la ceinture, et démontre qu’il n’a pas perdu son sens pratique : il vient de tomber sur un cadavre mais avant de prévenir les secours, il protège les jeunes pousses de ginseng trouvées alentour, afin qu’elles ne soient pas piétinées par ceux qui viendront enlever le corps…

Mais Tucker n’est ici qu’un personnage secondaire, puisque c’est sur Mick Hardin que se concentre l’attention de l’auteur. Le jeune homme sert depuis quatorze ans sous les armes, d’abord comme parachutiste puis au sein de la division des enquêtes criminelles de l’armée, spécialité homicides. Un poste qui le tient souvent éloigné de chez lui et de son épouse, actuellement enceinte, aux dépens d’un mariage qui bat sérieusement de l’aile. Il faut dire qu’à ses longues absences s’ajoute une acuité surnaturelle qui, si elle se révèle très utile pour son métier, mène la vie dure à son entourage, qui se sent constamment mis à nu. Pris entre le regret d’être rentré d’Allemagne et celui d’avoir un jour quitté le Kentucky, Mick noie dans l’alcool de vieilles ruminations et la perte de son estime de soi. 

Sa sœur Linda, qui a grandi en ville avec leur mère au décès de leur père (pendant que Mick passait son enfance chez son grand-père dans une cabane perdue au milieu des bois, y héritant d’un savoir de la débrouille et de l’auto-suffisance remontant à la Grande Dépression), est quant à elle devenue shérif de Morehead, leur bourgade natale. Se montrant aussi rustre que les hommes brutaux parmi lesquels elle évolue, elle a su se faire une place et forcer le respect.

Chargée de l’enquête autour du meurtre de la femme dont le corps a été retrouvé dans les bois, on lui impose l’assistance d’un agent du FBI. Ne faisant aucun effort pour dissimuler l’agacement que suscite cette association forcée, elle sollicite l’aide de son frère, qui investigue de manière officieuse.

Un prétexte à l’auteur pour nous immerger dans l’univers de ces gens des collines, ce Kentucky qui a la triste particularité d’être la seule région d’Amérique où l’espérance de vie diminue, et que Mick connait comme sa poche. Imprégnés d’une culture qui élève la famille de sang au-dessus de tout -les traits d’un individu suffisant à savoir à laquelle il appartient-, ils peuvent entretenir les rancunes opposant un clan à l’autre de génération en génération, perpétuant des vengeances sur des décennies. Un simple désaccord ou une discussion banale peuvent dégénérer en bagarres ou en fusillades, les différends se réglant hors de toute intervention des autorités. 

Etonnamment, il semblerait cette fois que la mort de la victime, à laquelle on ne connaissait ni ennemi ni mauvaises fréquentations, ne soit liée ni à un conflit entre voisins, ni à une affaire de drogue.

Méfiants, abrupts, les gens des collines prennent très tôt l’habitude ne pas montrer à quel point ils sont futés. Mais si les témoins qu’il interroge en savent long mais disent peu, Mick n’est pas dupe et il est surtout lui aussi très malin. Il n’extorque aucune confession mais déduit, parvenant indirectement à ses fins, sans que les gens aient l’impression d’avoir été forcés.

Si on retrouve dans ce titre l’association d’humour, de tendresse et de noirceur qui m’a tant plu dans "Nuits Appalaches", je dois avouer avoir été moins emballée que par ma précédente lecture. Mick et Linda sont certes des héros à la personnalité attachante, mais on ne prend pas suffisamment le temps de les côtoyer, les bifurcations confuses de l’enquête ayant par ailleurs tendance à nous faire perdre le fil du récit.




Petit Bac 2023, catégorie PAYSAGE.

Commentaires

  1. Quan on aime, on continue! je te comprends fort!

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    1. C'est assez rare que je lise deux titres d'un même auteur d'affilée, mais là je les avais tous les deux à portée de main, et Nuits Appalaches est tellement bien... dommage que celui-ci soit en-dessous.

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  2. Je retiens le nom de l'auteur quoi qu'il arrive. Merci pour cette nouvelle piste de lecture

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  3. Un auteur à lire en commençant par Nuits Appalaches alors. C'est assez rare qu'on soit aussi satisfait d'une (sorte de) suite qu'on l'a été du premier volet, surtout en les enchaînant plus ou moins. L'attente est si grande, le risque l'est d'autant de ne pas y retrouver très exactement les mêmes saveurs.

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    1. Ce n'est pas vraiment une suite au premier : l'apparition du personnage de Tucker est plus une sorte de clin d'œil. En revanche, on retrouve le même contexte, je parlerais plutôt de "diptyque" en quelque sorte. Et il vaut mieux, quitte à lire les deux, commencer par celui-là, sinon il y a un risque de déception, comme ça l'a été pour moi.
      En fait, le conseil que je te donne, c'est de ne lire que Nuits Appalaches, parmi les deux.. (je ne m'engage pas sur ceux que je n'ai pas lus).

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  4. Voilà un bout de temps que je n'ai pas lu de Gallmeister, alors pourquoi pas le Kentucky...

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    1. Une contrée que je ne connaissais pas. J'ai eu l'occasion d'entendre l'auteur sur un salon, c'est sa région natale, et le portrait qu'il en a dressé était plutôt sombre, on est dans une de ces régions rurales où la drogue (notamment l'Oxycontin) fait des ravages, où les perspectives d'emploi se font de plus en plus rares, un terroir rustre... Bref, idéal pour faire le cadre d'un roman !

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  5. On m'avait prêté ce titre mais je n'avais réussi à trouver le temps de lire plus que les premières pages, qui ne m'avaient pas vraiment motivée. Donc, Nuits Appalaches à tenter, plutôt !

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  6. J'ai beaucoup aimé Nuits appalaches et les deux autres titres de Chris Offutt que j'ai lus (Kentucky straight et Le bon frère), et je compte donc bien lire celui-ci !

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    1. Je retiens les titres que tu cites, car je reviendrai vers cet auteur, c'est sûr !

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  7. En ce qui me concerne, j'ai souvent remarqué que le premier livre que je découvre d'un auteur reste mon préféré. Ce serait amusant qu'après avoir lu "les nuits appalaches", je revienne te dire que je le trouve moins bon que "les gens des collines" ;-)

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    1. Oui, ce serait drôle, mais... j'ai un peu de mal à y croire, là, tout de suite !! Je suis très impatiente de ton avis sur Les nuits Appalaches, maintenant !

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  8. J'avais bien aimé "Nuits Appalaches" mais sans plus. Si tu dis que celui-ci est en-dessous, je passe mon tour sans aucun regret.

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    1. Peut-être que tu préfèrerais celui-là ?
      Je l'ai trouvé plus superficiel, mais d'autres pourraient le trouver plus "efficace"...

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  9. Encore un auteur à découvrir, peut-être pas avec ce livre ci mais avec celui que tu lui as préféré. Quel en est le titre s'il te plaît? Merci :-)

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    1. C'est Nuits Appalaches (le billet précédant celui-ci), à découvrir, oui.

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