"Nuits Appalaches" - Chris Offut
"Quiconque ne savait pas vivre dans les bois ne méritait pas de respirer."
C’est du premier que vient Tucker. Un pays de collines loin de tout qui a lui aussi deux visages : selon que vous vivez sur une crête ou dans ses vallons encaissés, vous voyez la lumière, ou pas. Crêtes ou vallons, les médecins n’y viennent pas, laissant le soin aux accoucheuses des montagnes de s’occuper au moins des naissances. Pour le reste, les habitants s’arrangent avec les plantes qu’ils trouvent dans les bois ou en bordure de rivières. Ils se ressemblent tous : trapus, costauds et bigleux, reconnaissables aussi par leur parler montagnard. Ils suscitent la condescendance et la supériorité de ceux qui se croient aptes à leur donner des leçons parce qu’ils portent de beaux costumes et ont des emplois stables.
Tucker ne mesure lui-même qu’un mètre soixante-cinq, c’est un p'tit gars souple et solide, dont on remarque les yeux vairons. En digne fils du Kentucky, c’est un taiseux, qui a vécu une enfance à la limite de la misère ; l’argent était réservé au strict nécessaire : on n’achetait ni vêtements, ni accessoires, ni bandes dessinées. Très débrouillard, il ne craint pas la solitude, et est capable de tirer sa subsistance de la nature.
Nous sommes en 1954. Tucker rentre de Corée. Il s’est enrôlé dans l’armée à la mort de sa mère en mentant sur son âge et l’armée lui a plu : il aime les instructions explicites et la simplicité.
Sur le chemin du retour vers ses terres natales, il rencontre Rhonda, en mauvaise posture, son oncle -qui est accessoirement le shérif du comté- tentant d’abuser d’elle alors qu’ils reviennent de l’enterrement de son père. Rhonda a quinze ans, elle est minuscule mais combattive. Tucker la sort des griffes de son agresseur. Ils se plaisent, "se mettent ensemble" aussitôt, à la fois naïfs et pragmatiques : pour le jeune homme, il n’y a pas de question à se poser, puisqu’ils ont couché ensemble, ils n’ont plus qu’à se marier…
Lorsqu’on les retrouve dix ans plus tard, ils ont cinq enfants dont quatre sont lourdement handicapés. Tucker subvient à leurs besoins en transportant de l’alcool de contrebande pour un bootlegger. Ils vivent hors des radars de la morale sociétale, unis par des liens qui semblent indestructibles, un amour à la fois profond, simple et loyal.
Jusqu’au jour où, pris dans la toile des accointances liant les notables et ses employeurs trafiquants, Tucker doit faire le sacrifice de sa liberté…
Il est dans ma PAL celui-là. Je l'ai acheté juste après avoir lu "les gens des collines" qui m'a beaucoup plu.
RépondreSupprimerJ'aurais du faire comme toi : j'ai lu "Les gens des collines" juste après celui-là, et du coup j'ai moins aimé... "Nuits Appalaches" est à mon humble avis bien meilleur...
SupprimerExact Ingannmic, "Les gens des collines" est moins bon.....
SupprimerIl fera l'objet de mon prochain billet..
SupprimerIl m semble l'avoir repéré, peut être pas au bon moment...
RépondreSupprimerJe crois qu'on voit cet auteur assez souvent sur les blogs... en tous cas je recommande, le fond, la forme, tout m'a plu !
SupprimerJe ne connais pas du tout Chris Offut mais tu as l'air conquise par ce roman. Pour ma part, je suis rarement déçue par les éditions Gallmeister.
RépondreSupprimerNous sommes d'accord, c'est une maison plutôt fiable.. on y trouve même quelques pépites.. c'est le cas ici.
SupprimerJ'aime beaucoup la seconde citation ! Ces romans avec des personnages qui nous broient le coeur... mais ça a l'air bien.
RépondreSupprimernathalie
Oui, elle est assez représentative de l'ensemble je trouve. c'est une écriture à la fois directe et poétique. Et c'est TRES bien...
SupprimerUn bien bon bouquin : "Roman qui marie l’eau et le feu, la beauté et la noirceur du monde, l’amour et la mort. Dans cette nature si belle et si bien décrite par l’écrivain, cette région des Appalaches qui pourrait être un Paradis mais où pourtant des drames s’y nouent, des vies s’achèvent brutalement. "
RépondreSupprimerTrès juste, cette citation du Bouquineur ! C'est vrai que la nature est omniprésente, et que j'en parle peu... et un très bel alliage en effet, de poésie et de noirceur. Le couple formé par Tucker et Rhonda est sans doute l'un des plus touchants que j'ai "rencontrés"..
SupprimerFormidable roman, typiquement Gallmeister "première génération" dirais-je. J'ai beaucoup aimé aussi Le bon frère et les nouvelles de Kentucky straight, mais le plus marquant reste ces Nuits appalaches.
RépondreSupprimerJ'aurais été déçue si tu ne l'avais pas aimé !
Ouf, me voilà rassurée (j'aurais été désolée de te décevoir) !
SupprimerMais oui, j'ai été conquise, et ce qui me restera de cette histoire pourtant sombre et triste, c'est je crois la beauté qui s'en dégage...
Malgré les bons retours sur cet auteur, je n'ai pas encore sauté le pas. Un jour, sans doute (plus tôt que ça ne l'aurait été certainement si tu n'avais pas été aussi enthousiaste que tu ne l'es). Je note aussi qu'il vaut mieux ne pas aborder l'auteur avec ce titre, sous peine de trouver les autres plus "fades".
RépondreSupprimerSinon, tu ne lis que celui-là ! Franchement, "Les gens des collines" est selon moi dispensable. Mais Kathel cite d'autres titres que je ne connais pas, et qui ont l'air très bien...
SupprimerJe n'avais encore jamais entendu parler de cet auteur.
RépondreSupprimerEn tout cas, ta chronique me donne envie de découvrir ce titre, merci.
Il vaut vraiment le détour, oui, je garderai longtemps en mémoire Tucker et Rhonda...
SupprimerTu m'as convaincue de le rajouter à ma PAL. Je suis toujours partante pour un bon Gallmeister ;-)
RépondreSupprimerDe même ! C'est une maison d'éditions qui m'a valu quelques coups de cœur (Wilderness, Le pouvoir du chien, Sale boulot, et j'en oublie sans doute)...
SupprimerAh oui, c'est ça. Tu les as vraiment enchaînés en fait.:)
RépondreSupprimerIls sont relativement courts, et je les avais tous les deux :)...
SupprimerVoilà une belle façon de remplir la case Kentucky du challenge 50 états, 50 romans que je continue envers et contre tout (surtout en pensée...)
RépondreSupprimerC'est l'intention qui compte comme on dit !! J'ai vu passer ce défi, très intéressant, mais je n'ai personnellement même pas envisagé d'y participer...
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