LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Eichmann à Buenos Aires" - Ariel Magnus

"Même en ayant perdu la guerre, l'Allemagne avait gagné la prospérité économique qu'elle avait toujours désirée, cette fois sans que les Youpins récupèrent l'argent, lesquels avaient obtenu, outre une compensation financière, la scandaleuse Wiedergutmachung, leur Eretz Israel tant désirée. Tout le monde était content et il aurait dû se sentir coupable ? Qu'on lui dise de quoi, par pitié !"

Qu’un homme en exil en Argentine accueille sa famille, qu’il n’a pas vue depuis sept ans, venue l’y rejoindre, pourrait être un événement banal. Et pourtant… et ce n’est pas parce que cet épisode survient par hasard le même jour que la mort d’Eva Perón qu’Ariel Magnus s’y intéresse. C’est parce c’est homme, que l’on nous présente comme étant Ricardo Klement, est en réalité Adolf Eichmann.

Nous sommes en 1952. Comme nombre de nazis, le criminel de guerre a profité de la tolérance voire de la complaisance du président argentin pour échapper à la menace d’une arrestation ou d’une capture qui pèse sur lui. Après avoir élevé des lapins, il travaille comme ingénieur pour une entreprise hydroélectrique de Tucumán tenue par Carlos Fuldner, un SS argentin-allemand très impliqué dans l’aide à la fuite des anciens nazis. Suite à la faillite de l’entreprise, la famille s’installe à Buenos Aires, où Ricardo/Adolf sera tour à tour gérant d’une teinturerie, mécanicien...

Un homme ordinaire, en somme, médiocre même, qui n’aime rien tant que parler de lui et supporte difficilement le spectacle de certaines scènes sanglantes. Un homme sans grandes ambitions, si ce n’est celle de vivre auprès de son épouse et de ses enfants, puis attendant, lorsqu’ils ont grandi, de devenir grand-père.

Mais les pensées de l’homme, en s’immisçant dans la relation de ce quotidien tranquille, ouvrent un vertigineux abyme.

Adolf Eichmann est un homme sans remords, ancré dans ses certitudes nauséabondes, ruminant l’échec d’un projet qui vouait l’Allemagne à la grandeur. Au fil de ses digressions mentales, qui se parent d’un caractère parfois philosophique, il exprime une cruauté inimaginable et un cynisme involontaire, persuadé du bien-fondé de ses convictions. Il évoque sa mission au sein du IIIème Reich comme s’il s’agissait d’un travail comme un autre, tantôt affichant une vision comptable, comme lorsqu’il fait deviner à ses enfants le nombre maximum de personnes qu’on peut mettre dans un wagon pour que ce soit rentable, tantôt présentant son action sous le prisme d’une stratégie militaire, comme si l’Allemagne avait été en guerre contre les juifs…

La seule chose qu’il regrette, finalement, c’est de n’avoir pas pu finir son travail…

J’avais des craintes en entamant ce roman, dont le sujet est tout de même fort risqué. En faisant le choix pertinent d’une narration à la troisième personne, Ariel Magnus aborde son sujet avec une neutralité lui évitant les écueils d’un "je" qui aurait pu nuire à la crédibilité du texte -essentiellement fondé, comme le précise la postface de l’auteur, sur les écrits d’Eichmann-, et lui fournir la tentation de faire basculer son personnage dans la monstruosité.

La structure du texte m’a en revanche donné un peu de mal, avec sa mise en page d’un seul bloc et ses bonds en avant dans le temps, sans transition, qui rendent l’ensemble un peu confus, voire parfois indigeste.


Une idée piochée chez Marilyne, et une première participation au mois Latino.


Cette lecture devait également s'inscrire dans le cadre de l'activité habituellement organisée du 27 janvier (Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de la Shoah) au 3 février par Eva & Patrice et Passage à l'Est !, consistant à lire sur le thème de l'Holocauste, mais ils ont fait le choix de ne pas la renouveler cette année. 


Commentaires

  1. A la bibli j'ai vu une BD, là c'est sur Mengele, pareil, accueilli en Amérique latine...

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    1. Oui et il y avait eu le roman d'Olivier Guez, La Disparition de Josef Mengele, sur ce sujet aussi, mais je ne l'ai pas lu (je crois que j'en avais été dissuadée par certains avis, notamment un d'Athalie, peut-être...). Tu aurais pu emprunter la BD pour le Mois Latino ! :)

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  2. Je ne suis pas certaine d’avoir envie de passer du temps avec un type aussi nauséabond.

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    1. C'est sûr que sa compagnie n'est pas des plus agréables...

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  3. J'aime bien aussi quand tu me parles des livres que je ne lirai pas. Ca me permet de savoir quand même quelque chose à leur sujet ;-)

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    1. Très juste ce que tu dis ! Je me rends compte moi aussi, souvent, avoir en tête, en plus des livres que j'ai lus, quelques notions sur tout un tas d'autres dont je n'ai que lire des avis les concernant...

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  4. J'avais déjà lu cette remarque quelque part que "la prospérité allemande était quand même plus agréable à vivre sans les juifs"
    je ne sais pas à propos de quel personnage aussi sympathique que Eichmann !!!

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    1. Ils ont été quelques-uns de cet acabit, malheureusement...

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  5. ah oui quelle horreur ce type, tu as quand même été courageuse pour plonger dans sa vie

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    1. J'étais très curieuse de voir comment l'auteur abordait ce sujet complètement casse-gueule quand même. Sur le fond, il s'en sort bien, c'est juste que la forme parfois un peu lourde m'a un peu éloignée du récit..

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  6. Il faut un certain culot à l'auteur pour se lancer là-dedans. Je ne le lirai pas, d'autant plus que tu as des bémols.

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    1. Complètement ! Dans sa postface, l'auteur explique s'être beaucoup inspiré des propres écrits d'Eichmann, ce qui confère sa crédibilité au texte. Mais c'est vrai que le style m'a parfois pesé..

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  7. Ca m'a tout l'air d'un roman très audacieux qui peut faire écho au film qui vient de sortir "Zone of interest". Les deux m'intéressent mais il faut bien choisir son moment pour ce type de lecture/visionnage, c'est certain.

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    1. La forme (cette narration à la 3e personne) et le fait que l'auteur insiste sur la banalité du quotidien du héros permet de prendre du recul, ici.

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  8. ça fait froid dans le dos ! Je vois que tu as de sérieux bémols en plus.

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    1. L'écriture m'a donné par moments un peu de mal, j'ai trouvé que c'était parfois un peu brouillon...

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  9. En plus du sujet, qui ne fait pas rêver, le texte "d'un seul bloc" me freine sérieusement. Je passe sans remords.

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