LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"L’homme qui plantait des arbres" - Jean Giono

"La société de cet homme donnait la paix."

Bon, j’avoue avoir cédé à la facilité… j’avais initialement prévu d’inaugurer la première thématique de cette saison 5 de "Les Classiques c’est fantastique" en lisant le célébrissime "Walden" d’Henry David Thoreau, que j’ai à mon grand dépit abandonné après en avoir lu le premier tiers, découragée par son écriture désuète et certains passages abscons. Contrainte de trouver, de lire et de chroniquer un autre titre dans un délai par conséquent réduit, je me suis finalement tournée vers cette courte nouvelle de Jean Giono.

"L’homme qui plantait des arbres" est la réponse à une commande du magazine The Reader’s Digest, qui réclama à son auteur un texte sur le personnage le plus extraordinaire qu’il avait rencontré.

Il met ainsi en scène Eléazard Bouffier, dont le narrateur -a priori Jean Giono, donc- a fait la connaissance une quarantaine d’années plus tôt, alors qu’il parcourait, à pied, l’intérieur des terres provençales. L’homme, quinquagénaire, détonnait dans ces contrées où la rudesse du climat cumulée à l’isolement rendaient les conditions de vie difficiles. D’apparence soignée, propriétaire d’une ruine qu’il avait transformée en un foyer propre et solide, au confort rudimentaire mais accueillant, il vivait là avec son chien et son troupeau de brebis, loin de la plaine qu’il avait quittée après perdu son fils puis son épouse.

Il partagea sa soupe avec le promeneur, et lui offrit de passer la nuit chez lui. 

C’est la scène à laquelle il assista le lendemain qui ancra chez le narrateur la conviction d’avoir affaire à un être exceptionnel. Après les avoir préalablement triés, Eléazard se mit à semer des glands. Jugeant que ce pays mourait par manque d’arbres, il avait décidé d’y remédier. Ainsi, depuis trois ans, il avait planté un total de cent mille chênes, dont dix mille étaient sortis de terre.

Quelques années plus tard, il lui rendit de nouveau visite, surpris, la Grande guerre étant passé par là, de le trouver encore vivant -et toujours aussi alerte- et de constater les extraordinaires résultats de son entreprise de replantation forestière, diversifiée par l’ajout de hêtres et de bouleaux. Les deux hommes se fréquentèrent ainsi plusieurs décennies durant, au cours desquelles le narrateur se réjouit d’être le spectateur du cercle vertueux produit par l’initiative d’Eléazard : la dispersion des graines par le vent multiplia les arbres, dont le retour réalimenta les cours d’eau, incitant les hommes à se réinstaller dans ces endroits encore déserts peu de temps auparavant.

Bien qu’évidente et amenée de manière quelque peu schématique, la morale de l’histoire n’en reste pas moins réconfortante, et on ne s’étonnera pas de certains raccourcis dans un texte ayant pour vocation de divertir les lecteurs d’un magazine. L’action d’Eléazard, patiente, bienfaisante et désintéressée, renvoie l’agitation humaine, y compris dans ses manifestations les plus violentes et destructrices, à sa vacuité. En travaillant sur du long terme, l’homme qui plante des arbres porte sa vision au-delà de lui-même, perpétue générosité et espoir, et en retire une humble mais inaltérable sérénité.

Un bref mais réel plaisir de lecture, grâce à la plume fluide et très évocatrice de Jean Giono (je retiendrai notamment parmi ses belles images celle du vent soufflant à travers les carcasses de maison en ruines avec les "grondements (…) d’un fauve dérangé dans son repas").


Un autre titre pour découvrir Jean Giono : Le Bestiaire

Une participation à l'activité proposée par Fanny & Moka autour des Classiques, qui entame sa cinquième saison, dont vous trouverez le programme ICI. La thématique de ce mois de mai était L'écrivain-e et la nature

Commentaires

nathalie a dit…
Oui pour un texte aussi simple, pas évident d'arriver à une telle poésie, je crois avoir commencé Giono par là d'ailleurs.
Luocine a dit…
J'ai lu cette nouvelle il y a longtemps et j'avais bien aimé mais j'avais été déçue d'apprendre que ce personnage n'avait pas existé.
je lis je blogue a dit…
J'ai lu cette nouvelle en octobre dernier, dans le cadre de l'activité autour de Giono. J'avais choisi la facilité moi aussi mais je ne l'ai pas regretté. L'optimisme du texte met de bonne humeur et nous rassure sur la nature humaine. Si je me souviens bien, Giono a été disqualifié du concours du Reader's Digest. Le jury aurait pris le texte au pied de la lettre et aurait reproché à son auteur de ne pas avoir écrit une fiction.
Sacha a dit…
J'avais été déçue d'être déçue par Walden que j'ai moi aussi abandonné assez rapidement. J'ai bien aimé L'homme qui plantait des arbres, un peu scolaire comme tu le relèves, mais très plaisant pour le style et le message. Un joli choix pour ce rendez-vous sur la nature !
Des Livres Rances a dit…
J'avais adoré ce texte, il existe d'ailleurs une version animée très chouette sur YouTube. Et comme toi j'ai lâchement abandonné Walden (2 fois), impossible de rester concentré plus de 10 minutes d'affilié.
Aifelle a dit…
Lu il y a pas mal de temps ; il est vite lu c'est sûr, mais c'est du Giono et ça reste beau.
manou a dit…
Je connais bien "l'homme qui plantait des arbres". J'adore Giono il faudrait que je relise certains titres pour les présenter sur mon blog. Tu n'es pas du tout tombée dans la facilité, tous les textes de Giono mérite réflexion...il ne faut pas se fier aux apparences :)
claudialucia a dit…
Un classique, en effet ! Pas mon préféré ! Tous les livres de Giono mériteraient de figurer dans ce challenge. J'ai relu le chant du monde en 2019 . J'avais peur d'être déçue par rapport à ma première lecture et puis la magie du style a agi.
Kathel a dit…
Sur le thème de la nature, j'ai le souvenir (admiratif) d'autres romans de Giono : L'iris de Suse, Le chant du monde... et j'en ai d'autres à lire...
Natiora a dit…
J'ai aussi choisi Giono pour ce thème avec "Le chant du monde", que j'ai beaucoup aimé, notamment pour ses descriptions si évocatrices de la nature, comme tu le soulignes. Une prochaine fois j'aimerais lire "L'homme qui plantait des arbres", en espérant être aussi conquise.
Ingannmic, a dit…
C'est vrai qu'il est bien pour commencer... je n'ai plus qu'à continuer : Un de Baumugnes et Un roi sans divertissement sont sur mes piles, le premier suite à ton avis je crois...
Ingannmic, a dit…
La rédaction du Reader's Digest aussi, qui a taxé l'auteur d'imposture... comme c'était mentionné sur la 4e de couverture, j'ai entamé la lecture en étant avertie donc pas de déception, mais c'est vrai qu'on aimerait que cet Elezéar soit une vraie personne.
Ingannmic, a dit…
Je me souviens, oui, vous aviez d'ailleurs été plusieurs à avoir choisi ce titre pour la lecture commune. L'anecdote à propos du Reader's Digest était en effet précisée au dos de mon édition. Giono a rétorqué en expliquant qu'en tant qu'écrivain, c'était logique qu'il rencontre des personnages imaginaires !
Et je te rejoins complètement sur la manière dont on reçoit ce texte, qui fait du bien, oui.
Ingannmic, a dit…
J'ai pris en effet un grand plaisir à lire cet éloge de la simplicité et de la patience..
Ingannmic, a dit…
Deux autres lecteurs qui n'ont pu aller au bout de Walden, qu'on m'a tant vanté... me voilà rassurée ! Et je m'en vais de ce pas fouiller YouTube à la recherche de cette version animée.
Ingannmic, a dit…
C'est sûr, il ne faut pas bouder son plaisir, même quand il est bref !
Ingannmic, a dit…
C'est un auteur que je connais très peu, sans doute parce qu'il pâtit (à tort) d'une image quelque peu désuète. Mais j'ai décidé de passer outre ces préjugés, deux autres titres m'attendent sur ma pile ! Le fait que tu aies l'intention de le relire est très bon signe, et m'encourage !
Ingannmic, a dit…
Le chant du monde a aussi été proposé (par Natiora, qui a laissé un commentaire ci-dessous) à l'occasion de ces "Classiques " de mai. Je débute en Jean Giono, mais j'ai bien compris qu'il fallait approfondir !
Ingannmic, a dit…
De même, j'ai deux autres de ses titres sur ma pile, Giono est clairement une de mes lacunes littéraires, que j'ai bien l'intention de combler... et c'était en effet l'auteur rêvé pour répondre à la thématique choisie par Fanny et Moka.
Ingannmic, a dit…
J'ai en effet lu (et commenté) ton billet, qui m'a conforté dans mon projet de découvrir plus amplement cet auteur. L'homme qui plantait des arbres se lit en un rien de temps, tu peux te lancer sans risques !
Dominique a dit…
Mon livre est très ancien mais je l'ai parcouru récemment après avoir écouté un podcast sur les arbres qui en parlait
J'ai l'intention de l'offrir à mes petits enfants : à leur tour de penser aux arbres
Le Bouquineur a dit…
Giono c’est toujours très beau….
J’ai lu le « Walden » de Thoreau il y a bien longtemps, un classique précurseur de l’écologie mais je reconnais que passé l’enthousiasme, à cette époque de découvrir cet auteur, Thoreau est devenu assez difficile à lire ce que m’ont confirmé d’autres bouquins de l’écrivain…
Ingannmic, a dit…
C'est en effet le livre idéal pour initier les plus jeunes à l'amour des arbres...
Le Bouquineur a dit…
Tu as mis le doigt sur le problème, on imagine Giono comme un auteur dépassé, désuet…. Comme beaucoup d’autres de sa génération. En fait, la littérature française était à son sommet dans la première moitié du XXème siècle, la beauté de la langue écrite alors… whaou ! Je sais que c’est une remarque de vieux, mais je le suis !
Cristie a dit…
J'ai adoré !
Ingannmic, a dit…
La vieillesse est relative, paraît-il ... ! Je ne doute pas de la qualité des écrits du début du XXème siècle, j'ai d'ailleurs un ami qui ne lit quasiment que ça, et qui de temps en temps m'oriente vers certains auteurs (j'avoue que ça ne colle pas à tous les coups).
Ingannmic, a dit…
Tu me rassures toi aussi sur Thoreau, je me suis demandée si mon incompréhension n'était pas liée à mes limites intellectuelles :). Mais Giono, c'est passé comme une lettre à la poste !
Ingannmic, a dit…
Voilà un beau cri du cœur, pour un titre qui le mérite amplement !
Sandrine a dit…
Lu il y a très longtemps et au programme de mes (re)lectures pour préparer une formation sur littérature et nature/environnement/écologie...
Violette a dit…
C'est drôle, dans mes souvenirs ce n'était justement pas si fluide et facile à lire...
PHILIPPE a dit…
Je l'ai lu il y a très longtemps et, si je m'en souviens bien, je n'avais pas beaucoup aimé. Il faudrait que je le relise...
Ingannmic, a dit…
Intéressant, comme formation.... cela vise quel public ?
Ingannmic, a dit…
Je ne doute pas que ses œuvres plus longues demandent davantage de concentration, mais celui-là s'avale en un rien de temps...
Ingannmic, a dit…
Ou pas, si tu n'as pas aimé... Tu sais ce qui t'avait déplu ?
Comme elle est belle, cette histoire ! Toujours beaucoup d'émotion quand je la relis. Et puis Giono, c'est tellement.... géant.
Ingannmic, a dit…
Bonjour Marie, ayant l'intention de relire Giono bientôt, ton commentaire me réjouit !
Moka a dit…
Nous avons choisi le même titre et je trouve qu'il avait parfaitement sa place dans notre sélection. Quelle belle parenthèse de lecture !
L'ourse bibliophile a dit…
J'ai hésité à lire ce titre mais je ne l'avais pas sous la main et guère le temps pour me le procurer. Tant pis, mais ta chronique conforte mon désir de le découvrir un jour et, par la même occasion, la plume de Giono.
Jerome a dit…
Un classique incontournable. A tel point qu'il va être offert à tous les élèves de CM2 de France cette année (ma fille a déjà ramené son exemplaire à la maison^^).
Ingannmic, a dit…
@Moka = c'est vrai, c'est une lecture qui fait du bien... je suis ravie d'avoir découvert ce titre à l'occasion de cette saison 5 des classiques, et tant pis pour Walden !
Ingannmic, a dit…
@L'ourse bibliophile = Giono est de ces auteurs qui pâtissent à tort d'une image un peu vieillotte, comme Mauriac ou Aymé. C'est bien que les blogs permettent de leur rendre une visibilité bien méritée !
Ingannmic, a dit…
@Jérôme = je ne savais pas, merci pour l'info ! Une bonne idée, oui, de le faire lire par la jeunesse, cela en sensibilisera peut-être certains aux vertus de la simplicité.. ?