"L’homme qui plantait des arbres" - Jean Giono
"La société de cet homme donnait la paix."
"L’homme qui plantait des arbres" est la réponse à une commande du magazine The Reader’s Digest, qui réclama à son auteur un texte sur le personnage le plus extraordinaire qu’il avait rencontré.
Il met ainsi en scène Eléazard Bouffier, dont le narrateur -a priori Jean Giono, donc- a fait la connaissance une quarantaine d’années plus tôt, alors qu’il parcourait, à pied, l’intérieur des terres provençales. L’homme, quinquagénaire, détonnait dans ces contrées où la rudesse du climat cumulée à l’isolement rendaient les conditions de vie difficiles. D’apparence soignée, propriétaire d’une ruine qu’il avait transformée en un foyer propre et solide, au confort rudimentaire mais accueillant, il vivait là avec son chien et son troupeau de brebis, loin de la plaine qu’il avait quittée après perdu son fils puis son épouse.
Il partagea sa soupe avec le promeneur, et lui offrit de passer la nuit chez lui.
C’est la scène à laquelle il assista le lendemain qui ancra chez le narrateur la conviction d’avoir affaire à un être exceptionnel. Après les avoir préalablement triés, Eléazard se mit à semer des glands. Jugeant que ce pays mourait par manque d’arbres, il avait décidé d’y remédier. Ainsi, depuis trois ans, il avait planté un total de cent mille chênes, dont dix mille étaient sortis de terre.
Quelques années plus tard, il lui rendit de nouveau visite, surpris, la Grande guerre étant passé par là, de le trouver encore vivant -et toujours aussi alerte- et de constater les extraordinaires résultats de son entreprise de replantation forestière, diversifiée par l’ajout de hêtres et de bouleaux. Les deux hommes se fréquentèrent ainsi plusieurs décennies durant, au cours desquelles le narrateur se réjouit d’être le spectateur du cercle vertueux produit par l’initiative d’Eléazard : la dispersion des graines par le vent multiplia les arbres, dont le retour réalimenta les cours d’eau, incitant les hommes à se réinstaller dans ces endroits encore déserts peu de temps auparavant.
Bien qu’évidente et amenée de manière quelque peu schématique, la morale de l’histoire n’en reste pas moins réconfortante, et on ne s’étonnera pas de certains raccourcis dans un texte ayant pour vocation de divertir les lecteurs d’un magazine. L’action d’Eléazard, patiente, bienfaisante et désintéressée, renvoie l’agitation humaine, y compris dans ses manifestations les plus violentes et destructrices, à sa vacuité. En travaillant sur du long terme, l’homme qui plante des arbres porte sa vision au-delà de lui-même, perpétue générosité et espoir, et en retire une humble mais inaltérable sérénité.
Un bref mais réel plaisir de lecture, grâce à la plume fluide et très évocatrice de Jean Giono (je retiendrai notamment parmi ses belles images celle du vent soufflant à travers les carcasses de maison en ruines avec les "grondements (…) d’un fauve dérangé dans son repas").
Commentaires
Et je te rejoins complètement sur la manière dont on reçoit ce texte, qui fait du bien, oui.
J'ai l'intention de l'offrir à mes petits enfants : à leur tour de penser aux arbres
J’ai lu le « Walden » de Thoreau il y a bien longtemps, un classique précurseur de l’écologie mais je reconnais que passé l’enthousiasme, à cette époque de découvrir cet auteur, Thoreau est devenu assez difficile à lire ce que m’ont confirmé d’autres bouquins de l’écrivain…