LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Le roitelet" - Jean-François Beauchemin

"Je veux bien tenter de décrire le Monde tel qu’il est, mais quelque chose manque au réel. L’apparition périodique de fantômes dans ma vie est peut-être le moyen qu’a trouvé mon cœur pour combler le plus concrètement possible ce manque."

C’est une succession d’épisodes disparates évoqués par un narrateur écrivain dont le frère, son cadet de deux ans, est atteint de schizophrénie. Son lien à ce frère est le fil rouge du récit, nourri de souvenirs qui, de l’enfance au présent, balaient plusieurs décennies.

Il y est question du terrible destin auquel la maladie condamne sans espoir de guérison (d’autant plus que son frère refuse la plupart du temps de prendre son traitement), fait de souffrance et de solitude, de repli sur soi et de paranoïa, de dislocation de la personnalité, qui fait passer en quelques secondes de l’optimisme ou de la joie à l’abattement le plus profond. Les moments de lucidité sont tout aussi douloureux que ceux de crise, son frère exprimant alors la conscience d’être en train de perdre sa propre réalité. L’expression de l’amour inconditionnel porté à ce frère qu’il est le seul à pouvoir approcher et raisonner un peu lorsqu’il est en crise, et la relation de ses tentatives -vouées à l’échec- pour tenter de combler la brèche creusée par la maladie, sont très émouvantes.

C’est aussi, en creux, le portrait de ce narrateur dont la parole révèle une personnalité à la fois introspective et naturellement ouverte aux manifestations les plus subtiles -voire les moins tangibles- du monde qui l’entoure. On est frappé du contraste entre la simplicité de sa vie, comblée par une femme aimante, une maison à la campagne et des voisins bienveillants, et la complexité des questionnements permanents qui l’habitent. Obsédé depuis l’enfance par l’âme et ses défaillances (puisqu’elle a échoué à guérir son frère), il a précocement eu l’intuition de la richesse de l’intériorité des êtres (humains et animaux), et de la possibilité d’y trouver les clés d’un ancrage stable et fructueux au monde. Il refuse de se contenter des limites connues du réel, et exprime dans sa manière d’observer ce qui l’entoure un besoin constant de magie, qui le dote d’une propension à accepter (ou imaginer ?) la part de surnaturel qu’il décèle dans la réalité. C’est ainsi qu’un fantôme s’invite soudain dans le récit, qu’on y entend des vaches applaudir, ou que "le soleil (y) fait un bruit d’essieu rugueux en parcourant le ciel"… C’est souvent très beau, l’écriture est soignée, et riche d’une poésie qu’elle doit notamment à cette dimension un peu fantasque, mais suffisamment légère pour ne pas désorienter le lecteur. C’est aussi profond, sans doute trop… à force de philosopher et de ne faire s’exprimer ce frère peu loquace qu’à coups de brillantes sentences à caractère existentielles, l'auteur amoindrit la portée émotionnelle et la crédibilité de son texte, et a fini par me détacher de ses personnages.


Un autre titre (que j'avais trouvé formidable) pour découvrir Jean-François Beauchemin : Le jour des corneilles

Commentaires

  1. "Le jour des corneilles" est le livre que j'ai pour découvrir cet auteur, d'ici la fin de l'année, je pense.

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  2. Je l'ai lu, c'est très beau, en effet, mais l'aspect philosophique m'a perdue aussi en route. Je n'ai pas capable de mettre des mots dessus (je n'ai pas trop essayé ! ) ;-)

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  3. C'est bizarre parce que quand j'ai lu Le Jour des corneilles, j'ai apprécié, mais cet été, j'ai essayé de le relire, et cela m'est tombé des mains... je ne suis pas tentée de persévérer.

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  4. Je l'ai lu et beaucoup aimé, sans réserves. C'est un auteur qui me convient bien.

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  5. C'est pour moi un livre remarquable je n'ai eu aucune réserve .

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  6. Je ne connais pas et apparemment, il vaut mieux découvrir l'auteur avec les corneilles...

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  7. je n'ai encore rien lu de lui, à tester!

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