"Les meilleures nouvelles" d’Anton Tchekhov
Anton Tchekhov y anime une galerie de personnages qu’il observe, par moments, avec une certaine férocité. La bourgeoisie rurale y occupe une place importante. Elle peut être désargentée, ou tenir salon dans des chefs-lieux de province en s’illusionnant sur sa légitimité à y représenter la vie culturelle et artistique.
Je ne connais pas l’œuvre d’Anton Tchekhov, et j’avoue avoir été étonnée par la place importante qu’occupent dans ce recueil les personnages féminins, et par les comportements, modernes, de plusieurs d’entre eux. Une jeune femme persuadée (à tort) d’avoir des talents de pianiste refuse de se marier pour intégrer le conservatoire, une autre s’enfuit juste avant ses noces avec l’intention d’aller étudier en ville ; une troisième, investie dans la lutte contre les inégalités sociales, préfère rester célibataire que de s’encombrer d’un homme… Ces attitudes vont à l’encontre d’un contexte où il est sinon question, pour les femmes, de n’avoir que deux issues pour leur avenir : le couvent et le mariage, où l’on entre, dans l’un comme dans l’autre, "par dépit". Il m’a semblé que le recueil témoigne ainsi d’une période de transition où s’amorce, pour la femmes, la possibilité d’une émancipation. L’une des nouvelles à la fois déplore les mariages sans amour, et dénonce la complaisance des épouses qui se sont ainsi "soumises à un destin sans envergure alors que l’époque leur permettait d’y échapper".
Mais l’indépendance n’est malheureusement pas toujours épanouissante, notamment lorsqu’elle s’associe à une modeste condition sociale, comme le révèle l’histoire de cette institutrice de campagne que sa vie laborieuse et rudimentaire a aigrie et précocement vieillie. L’émancipation peut par ailleurs se révéler illusoire, comme en témoigne la risible aventure de cette Agafia qui en prenant tous les risques pour aller tromper son époux, tombe sous le joug de son désir pour un amant méprisant et bon à rien.
L’auteur n’est pas plus tendre avec les hommes, dont il s’amuse à pointer les travers -leur arrogance, leur mesquinerie ou leur cruauté...- avec un humour subtil, qu’il camoufle sous les apparences du drame, ou se livrant à la caricature, comme lorsqu’il dresse le portrait de "L’homme à l’étui", homme tyrannique et tellement moralisateur que la narrateur se réjouit, lorsque qu’il meurt, de constater qu’il a enfin trouvé, entre les quatre planches de son cercueil, un refuge à la mesure de sa rigidité. Il est beaucoup question d’oisiveté au fil des textes, celle d’une petite bourgeoisie souvent jugée avec mépris.
Je n'ai pas accroché plus que ça, sans doute des nouvelles un peu évanescentes?
RépondreSupprimerMais tu as lu ce recueil ou un autre ? Je ne suis pas sûre que je garderai de l'ensemble un souvenir très marquant, mais sur les 19 textes, certains m'ont vraiment plu. J'ai apprécié le regard assez féroce que l'auteur porte sur son petit monde de bourgeois oisifs.
SupprimerOm y avait La dame au petit chien, La maison à la mezzanine et Le royaume des femmes...
SupprimerSeul La dame au petit chien figure dans le recueil que j'ai lu..
Supprimer"Les meilleures nouvelles", carrément ! Si avec un titre pareil, on est pas tenté, alors rien n'y fera ! En tout cas, Tchekhov semble avoir la côte cette année ! Merci pour cette suggestion de lecture
RépondreSupprimerOui, c'est un peu prétentieux, hein ? Ce titre s'inscrit dans une collection qui compte à ce jour 5 titres. Le but est de proposer de nouvelles compilations de nouvelles d'auteurs classiques. Les trois autres ouvrages proposent des textes de Katherine Mansfield, Virginia Woolf, Lovecraft et Fitzgerald.
SupprimerJ'ai déjà lu quelques nouvelles de Tchekhov, mais me souviens seulement ne pas avoir été très emballée (Les moujiks et Une banale histoire) Les personnages féminins de celles-ci me plairaient peut-être plus ?
RépondreSupprimerJ'ai en tous cas été surprise par le nombre d'intrigues où des femmes remettent en question le bien-fondé du mariage, et aspirent à l'indépendance. Je ne sais pas si La steppe, qui est très court et que j'ai lu il y a un petit moment, est considéré comme une nouvelle, mais j'avais adoré..
SupprimerJ'ai lu Tchekhov il y a longtemps, mais je ne sais plus quoi. Je ne me sens pas prête à y revenir, je préfère lire du contemporain pour le moment.
RépondreSupprimerEt l'important est de suivre ses envies...
SupprimerLa place accordée aux femmes dans la Russie de cette époque m'intéresse beaucoup, mais je me demande si le recueil présenté par Violette ne serait pas plus à mon goût malgré son titre plus modeste 😉.
RépondreSupprimerLes deux recueils ont un texte en commun, La dame au petit chien, qui est apparemment l'une des nouvelles les plus célèbres de Tchekhov. Ce n'est pourtant pas celle que j'ai le plus appréciée...
SupprimerC'est très tentant cela fait tellement longtemps que je n'ai pas lu cet auteur, ce serait une belle manière de s'y remettre. Merci pour ton enthousiasme il me semble que ces nouvelles sont variées. J'avais lu "la steppe" dans le temps ça date à présent :)
RépondreSupprimerIl y a de la variété car les textes sont nombreux, mais certaines thématiques, et certain décor (la province plus ou moins rurale) reviennent régulièrement dans le recueil.
Supprimerj'ai lu et relu les nouvelles de Tchekhov mais pas récemment cela me donne envie de m'y replonger.
RépondreSupprimerC'est toujours bien de revenir vers les classiques, on est rarement déçus...
Supprimerah j'en ai lu à la fac, la dame au petit chien est la plus célèbre, mais pas la meilleure tu as raison mais bizarrement elle a plu énormément aux lecteurs, moi je lis un recueil mais je suis en Corée
RépondreSupprimerOui, j'ai préféré celles aux issues moins heureuses... et j'attends ton retour sur les nouvelles coréennes.
SupprimerJe suis justement en plein dans la lecture/relecture de Tchekhov (théâtre, correspondance, carnets, nouvelles, ...) Un auteur très important pour moi. Il a écrit plus de 800 nouvelles, je crois ? Y a-t-il dans ce petit recueil que je ne connais pas, la fameuse "Le violon de Rothschild" ? Un bijou.
RépondreSupprimerJ'ai lu "plus de 600", de mon côté, mais peu importe, c'est en tous cas impressionnant ! C'est un auteur que je connais très peu, il faudrait que je lise au moins une des ses pièces. C'est d'ailleurs étonnant, parce qu'ayant étudié le russe au lycée, j'ai alors abondamment lu (en version française) les auteurs russes, et je réalise que Tchekhov est passé à côté de cette boulimie !
SupprimerEt non, pas de "Violon de Rothschild" dans le recueil qui ne regroupe pas, si je comprends bien, à l'exception de deux ou trois, ses nouvelles les plus célèbres. Je ne sais d'ailleurs pas sur quels critères les traducteurs ont fait leur choix, c'est peut-être expliqué dans la préface mais je ne l'ai pas lue..
Oui, 600... 800... Enormément... Eh bien, un conseil, si je peux me permettre : Le violon de Rotschild est une très belle nouvelle. Il y a aussi son récit sur l'île de Sakhaline qui est vraiment passionnant. Quant à sa correspondance, je m'y suis plongée avec délices. Un immense écrivain. Un repère pour moi.
SupprimerJ'ai ressenti le même pessimisme ambiant accompagné d'une certaine moquerie vis-à-vis de ses personnages, je suis bien d'accord... un peu d'humour quand même pour faire passer le tout, ai-je trouvé, dans celles que j'ai lues.
RépondreSupprimerLes tonalités des deux recueils semblent en effet très similaires... cette lecture m'a en tous cas donné envie d'aller fureter du côté de ses pièces de théâtre..
SupprimerUn auteur que je n'ai jamais lu et pour cause : je laisse les classiques de côté...
RépondreSupprimerCa viendra peut-être un jour ?.. c'est souvent un plaisir de lire les classiques.
SupprimerC'est un auteur dont j'apprécie beaucoup la plume même si je ne l'ai pas lu depuis un moment. J'avais également été étonnée par les comportements modernes de certains de ses textes. Mais j'avoue qu'en général, j'oublie assez vite ses histoires...
RépondreSupprimerC'est un peu le propre des nouvelles, la brièveté du format et le fait de lire plusieurs textes à la suite les rendent moins mémorables que peut l'être un roman.
SupprimerÇa a l'air plutôt sympa mais 19 nouvelles d'affilée, c'est un peu trop pour moi. Je risque de ne pas les apprécier à leur juste valeur.
RépondreSupprimerC'est sûr que la quantité fait qu'on en oublie la plupart très vite... du coup, les textes qui restent sont ceux qui se distinguent par une thématique ou un décor inhabituels par rapport à l'ensemble du recueil..
SupprimerJe ne désespère pas de pouvoir un jour le lire dans le texte... du coup je crois que j'attends ce moment avant de découvrir Tchekhov !
RépondreSupprimerDans le texte ? Woaw, tu m'épates, là ! Quand tu dis que "tu attends ce moment", cela signifie que tu es en cours d'apprentissage du russe ?
SupprimerIl me semble que je n'ai pas lu celles-ci. En fait, je connais mieux son théâtre que ses nouvelles mais c'est vrai que les femmes y jouent un rôle important.
RépondreSupprimerIl a pourtant écrit plus de 600 nouvelles ! Mais c'est vrai que d'une manière générale, il est surtout connu pour ses pièces. Je m'en vais aller fureter de ce côté, maintenant..
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