"La steppe" - Anton Tchekhov
"Le Russe aime se souvenir mais n’aime pas vivre".
Pour Iégorouchka, 9 ans, c’est le premier grand voyage. Il part
en charrette avec son oncle Kouzmitchov et le père Khristofor, curé. Tous deux
vont vendre de la laine, le premier car il est commerçant, le second pour
rendre service à son gendre. Ils en profitent pour emmener le garçon à la
ville, où il suivra ses études. Il est confié en cours de route à un convoi de
marchands (dont certains le rebutent par leur brutale grossièreté), le temps
que Kouzmitchov et Khistofor mènent leurs affaires.
Nous découvrons la steppe en partie à travers les yeux du garçon,
pour qui elle prend des allures grandioses ou effrayantes, se faisant tantôt hostile,
tantôt hospitalière. Ce lent voyage est une expérience inédite, fluctuant
au gré de la météo, des paysages et de l’heure, ponctuée de rencontres, de siestes
sous la calèche et de repas à contretemps. Les soupers autour du feu constituent de fameux moments au cours desquels les marchands racontent leur passé admirable et
leur présent déplorable, se faisant passer pour des offensés du destin, vantant
un "avant" idéalisé. Les faits divers sont pimentés d’inventions, font
naître des légendes autour d’histoires d’attaques de brigands, ou de l’insaisissable
et mystérieux Varlamov, riche propriétaire dont tout le monde parle avec un
respect craintif.
Mais la véritable héroïne du roman est bel et bien la steppe. Anton Tchekhov ne se contente pas d’énumérer les plantes et les fleurs, les oiseaux et les insectes qui composent sa flore et sa faune, de nous faire entendre les cris et les bruissements qui la secouent ou la parcourent, de décliner les nuances des couleurs mouvantes de ses horizons ou la variété de ses odeurs... Il en fait un personnage à part entière, vivant et changeant, la personnifiant, allant jusqu’à lui prêter des sentiments. Déçue par l’arrêt d’une pluie d’été, elle se fait ainsi "maussade", tandis que le clair de lune, en même temps qu’il lui permet de révéler l’infini du ciel, la rend "affectueuse". Il évoque les multiples visages dont elle se pare en cette saison estivale, se faisant pardonner la chaleur pétrifiante et accablante de ses journées en respirant, la nuit, de sa vaste poitrine, apportant un regain de jeunesse aux créatures, animales ou végétales, qui la peuplent ; ses platitudes et ses collines, ses tumulus et ses grosses pierres qui, dans l’obscurité ou le brumes de chaleur, prennent des fores humaines ; son impassibilité brulante et les moments où le vent fait tourbillonner la poussière, ses terrifiants orages et ses rivières accueillantes à la fraîcheur voluptueuse.
L’homme -bergers haillonneux et paysans, jeunes marchands brutaux et moqueurs- devient un élément de cet environnement, qu’il y laisse une trace -telles les longues bandes moissonnées qui rythment le paysage- qu’il la parcourt ou qu’il s’y installe, y plantant un hameau ou une auberge isolée et malpropre.
L’écriture précise et limpide, l’association entre lyrisme
et énergie, entre gouaille et poésie, font de la lecture de ce court texte un grand
moment de plaisir !
Et c'est une nouvelle participation au Mois de l'Est :
Voilà tout à fait uen lecture qui me plairait (en 2022?)
RépondreSupprimerC'est un roman pour toi !
Supprimer" un grand moment de plaisir ", c'est exactement le souvenir que j'ai de cette lecture, on est emporté.
RépondreSupprimerOui, c'est un texte très évocateur.
SupprimerJe sais que j'avais apprécié, mais je n'ai pas gardé de souvenir précis de cette lecture en fin de compte.
RépondreSupprimerCela ne m'étonne pas vraiment, l'histoire est secondaire, on est surtout dans un texte qui fait naître des images, des sensations.
SupprimerJe ne crois pas avoir lu un roman ou pièce de cet auteur mais celui-là me tente beaucoup...
RépondreSupprimerIl s'agissait pour moi d'une initiation, mais Tchekhov est un classique vers lequel je reviendrai..
SupprimerJe n'ai pas lu Tchekhov depuis une éternité. Je n'en ai pas particulièrement envie en ce moment, j'ai besoin de plus de contemporain.
RépondreSupprimerC'est un texte très court, qui peut en effet se mettre de côté en prévision d'un petit moment qu'on aura envie de consacrer à une immersion dans une valeur sûre...
Supprimerun de mes très bons souvenirs de lecture, je l'ai lu et écouté et chaque fois c'est le plaisir de parcourir cette Steppe
RépondreSupprimerJe comprends, il procure un beau moment d'évasion.
Supprimerje l'avais prévu et téléchargé pour cette année mais j'ai dû réviser mes ambitions à la baisse alors il sera probablement pour 2022...
RépondreSupprimerC'est sûr, il faut faire des choix.. l'avantage, c'est que le mois de l'est revient chaque année !
SupprimerJe crois bien que je n'ai jamais lu Tchekov...
RépondreSupprimerJe ne l'avais jamais lu non plus avant ce jour (ce qui est étonnant quand j'y pense, vu la boulimie d'auteurs russes qui a occupé quelques mois de ma jeunesse !). Et cette première expérience m'a donné envie de renouveler.
SupprimerTu donnes envie de le lire ! Je le note pour une subite envie de classique, de bol d'air avec changement d'époque !
RépondreSupprimerTrès bonne idée, et tu as très bien résumé tout ce qu'il apporte !
SupprimerSi j'arrive à trouver le temps je le lis pour ce mois-ci. Il me plaît trop pour résister à la tentation et tu en parles si bien !
RépondreSupprimerEt il est très court, donc assez facile à caser..
SupprimerJ e l'ai lu et beaucoup aimé, Je finis d'ailleurs le mois avec lui demain !
SupprimerJ'irai lire ton avis avec beaucoup d'intérêt.
SupprimerUn classique tout à fait recommandable.... c'est ce qui en fait un classique !!!!!
RépondreSupprimerUne valeur sûre, en effet, et surtout un moment très très plaisant..
SupprimerGrande fan de Tchekov dans ma jeune jeunesse, j'y suis revenue en début d'année avec de courtes nouvelles. Déception! Il y a de ces auteurs qui nous suivront tout au long de notre vie; d'autres qu'on doit quitter en chemin... J'ai abandonné Tchekov et ça m'attriste. Peut-être nous retrouverons-nous un jour?!
RépondreSupprimerPeut-être, oui, c'est vrai qu'on aborde certains auteurs et certains textes avec des résultats parfois fluctuants selon l'âge, le moment...
SupprimerMon petit doigt me dit que ce livre sera abondamment lu en 2022 :-). Je le note aussi de mon côté, on se sent vraiment embarqué dans ce voyage !
RépondreSupprimerEt c'est l'occasion de découvrir l'auteur avec un texte court mais prenant.
Supprimeren général, j'aime bien son théâtre, je tenterai surement aussi!
RépondreSupprimerDe mon côté, je vais me pencher sur son théâtre !
SupprimerJe devrais trouver le temps de relire quelques auteurs russes, à commencer par celui-là.
RépondreSupprimerJ’ai eu la chance de parcourir la steppe (à cheval) et peux vous confirmer que ce paysage qui n’a l’air de rien est étonnamment envoutant. On a peine à la quitter.
Merci pour la visite, cher inconnu, et pour ces précisions, qui prouvent que Tchekhov a rendu à ces paysages un hommage totalement justifié. J'aimerais beaucoup visiter cette steppe, maintenant...
SupprimerDésolée, je patauge encore un peu avec les réseaux sociaux. Si vous voulez mettre un nom et une tête sur l’inconnu, vous pouvez aller voir sur https://www.facebook.com/chantal.vervaet/ ou sur https://chantal-vervaet.jimdofree.com/ si vous n’aimez pas Facebook. Bon WE !
SupprimerMerci pour ces précisions Chantal, j'ai découvert votre site (je ne suis en effet pas fan de Facebook, sur lequel je ne suis inscrite que pour pouvoir communiquer facilement avec ma fille qui est loin...) avec beaucoup d'intérêt.
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