"Les âmes féroces" - Marie Vingtras
"Qu’est-ce que c’était cette ville dont les habitants détestaient à ce point la littérature ?"
A partir du printemps, l’auteure tisse sa narration au fil de quatre saisons, dont chacune correspond à un narrateur.
Lauren entame la ronde, entre une enquête qui lui impose de composer avec les limites de ses deux acolytes, dont l’un lui est par ailleurs franchement hostile, et questionnements plus intimes, en lien avec une vie privée nécessitant tout autant de subtilité relationnelle. La shérif vit en couple avec Janis, qui se remet difficilement de la violence d’un ex conjoint qui lui a brûlé le corps et compte sur sa compagne pour assouvir un désir d’enfant qu’elle-même ne peut plus concrétiser. Or, Lauren refuse l’idée même d’être enceinte.
Concernant le crime, son auteur est rapidement trouvé. Il est d’ailleurs passé aux aveux, avant de s’emmurer dans un silence dont rien ne le fera sortir. Ses antécédents ont fait de Benjamin le suspect puis le coupable idéal. Ses relations avec des mineures ont en effet valu à ce professeur de français des démêlés avec la justice. Depuis la prison où il subit la maltraitance d’un détenu à l’impressionnante stature, il rumine avec résignation la malédiction qui semble le poursuivre depuis qu’il a cédé, des années auparavant, à ses désirs déviants et à son besoin démesuré de briller et de séduire.
C’est ensuite la belle et dédaigneuse Emmy qui prend la parole. Sans doute la meilleure, voire la seule amie de Leo, elle est depuis l’enfance hantée par un secret qui a sonné le glas de son respect et de sa confiance non seulement pour ses parents, mais pour les adultes en général.
Seth, le père de Leo, clôt, avec l’hiver, la polyphonie.
Les quatre voix, respectivement dotées d’une tonalité subtilement singulière, viennent lézarder et complexifier la façade d’une communauté qui se réfugie derrière une vision simple du monde, occultant les ombres ou les demi-teintes, et assignant à chacun un rôle bien défini, dénué de toute nuance. Elles révèlent les mensonges dévastateurs et les préjugés toxiques, mais aussi les détresses qu’inflige une violence qui se manifeste la plupart du temps de manière insidieuse et hypocrite.
La mécanique narrative est, comme dans "Blizzard" (dont l’accumulation de malheurs avait fini par avoir raison de mon intérêt), parfaitement huilée, mais manque à mon avis d’intensité dans sa progression dramatique, ce qui fait qu’au moment de reprendre mes notes pour rédiger mon billet, j’ai réalisé ne pas avoir gardé grand-chose de cette lecture, pourtant plutôt plaisante sur le moment.
@ un bon souvenir, et tu en fais une bonne présentation, futée aussi car en gardant sous le coude dans les révélations.
RépondreSupprimerComme je le précise à la fin, j'ai apprécié ma lecture sur le moment, mais ce que j'en garde avec le recul, c'est que l'attention est particulièrement portée sur la mécanique narrative, au dépens de l'intensité de l'intrigue.
SupprimerAh, j'ai été déçue de te voir si peu convaincue par ce roman. Il y avait de nombreux ingrédients pour me tenter. J'ai beaucoup aimé Blizzard et j'adore les histoires polyphoniques au sein de petites communautés.
RépondreSupprimerSi tu as aimé Blizzard, il te plaira sans doute.
SupprimerJ'ai aimé les deux, celui-ci est différent de "Blizzard" même si en effet on retrouve la plume de l'autrice. Tu le présentes très bien et j'ai aimé découvrir ta chronique, qui ménage bien le suspense.
RépondreSupprimerL'un des des intérêts du roman étant la résolution de l'énigme quant à la mort de Leo, il aurait été dommage de le gâcher, ce suspense :)
SupprimerJe n'avais déjà pas été très emballée par Blizzard, ça m'avait semblé un peu "fabriqué" sur le modèle des romans noirs américains. Je passe sans hésitation.
RépondreSupprimerOui, sage décision, je crois...
SupprimerIl est vrai que la lecture de Blizzard m'avait beaucoup plus marquée.
RépondreSupprimerPour le coup, Blizzard est plus "intense", dans le sens où il cumule les situations dramatiques, mais c'est à l'inverse ce qui m'avait gênée. L'auteure trouvera peut-être le juste dosage dans son prochain roman...
SupprimerPas un indispensable, donc je passe !
RépondreSupprimerTu peux... ce n'est pas un mauvais roman, mais il y a mieux dans le genre.
SupprimerJ’avais trouvé Blizzard pas mal, mais pas à se rouler par terre non plus. Si celui-ci ressemble au précédent, je passe… en plus ton billet est un brin tiède ! ( Une Comète)
RépondreSupprimerOui, parce que si je l'ai lu facilement, je n'ai pas non plus été embarquée, et il s'est très rapidement effacé de ma mémoire. Tu peux donc passer, en effet.
SupprimerJe l'ai déjà vu passer plusieurs fois. Je suis tenté, mais j'ai tellement à lire que je n'en ferai pas une priorité.
RépondreSupprimerA toi de voir (je ne t'aide pas beaucoup, hein ?) ! S construction est bien maîtrisée, mais il manque un peu de chair, pour résumer...
Supprimerj'ai bien aimé mais j'aurais préféré garder la même narratrice tout au long même si je comprends son objectif en en changeant
RépondreSupprimerTa remarque est intéressante : on aurait perdu cette construction plutôt habile, mais on y aurait peut-être gagné en profondeur... et c'est vrai que j'ai trouvé un peu frustrant de laisser Lauren.
Supprimerje ne l'ai pas lu et ton avis trop tiède me dit que non (et puis le sujet et je trouve déjà les personnages trop caricaturaux)
RépondreSupprimerComme l'écrit Kathel, l'auteure s'inspire des romans noirs américains, par sa construction narrative, le contexte de son intrigue... mais il vaut mieux à mon avis lire un "vrai" roman noir américain !
SupprimerToujours pas lu cette autrice, mais visiblement, il n'y a pas d'urgence, ce qui m'arrange.:)
RépondreSupprimerNon aucune, en effet. Et je serais bien en peine de te dire lequel lire, entre Blizzard et celui-là... chacun a son défaut, mais tous deux se lisent plutôt bien.
SupprimerMême si ce roman se lit bien, j'ai pour ma part nettement préféré Blizzard, beaucoup plus intense, original et addictif !
RépondreSupprimerJe comprends, Blizzard est en effet plus prenant, et ses personnages plus incarnés. Je ne saurais dire lequel j'ai personnellement préféré... les deux m'ont laissé une impression mitigée...
Supprimerj'ai beaucoup aimé "Blizzard" donc ce roman bénéficie d'un apriori favorable , même si je sens moins d'enthousiasme.
RépondreSupprimerTout dépend de ce qui t'a plu dans Blizzard. Si c'est son impeccable mécanique narrative, tu seras sans doute conquise par celui-là. Si tu en as aimé l'intensité, tu risques peut-être d'être déçue.
SupprimerUn récit plutôt plat et mécanique, je te rejoins ... J'avais préféré Blizzard, qui en faisait peut-être un peu trop, mais au moins, on courait un peu, là, on trottine !
RépondreSupprimerC'est en effet une lecture qui procure peu d'émotions, ça se lit presque sans y penser...
SupprimerJ'ai aimé Blizzard, je n'ai pas lu celui-ci.
RépondreSupprimerDe nombreuses lectrices ont aimé les deux, mais comme le souligne Athalie, il y a dans Blizzard une intensité dont ce titre est malheureusement dénué.
SupprimerEncore jamais lu cette autrice. Quelques lectrices de mon entourage ont trouvé comme toi que ses livres étaient certes agréables à lire mais qu'on n'en retenait plus grand chose au bout de quelques temps.
RépondreSupprimerC'est bien résumé.. et quitte à la découvrir, je te conseillerais plutôt de le faire avec Blizzard, je crois.
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