"Cold case" - Alexandre Labruffe

"Le diable est dans le bétail."

Après sept ans de vie commune, la compagne coréenne d’Alexandre lui annonce qu’elle a eu un "oncle congelé". Agé d’une vingtaine d'années, il a été retrouvé mort un matin glacial de l’hiver 1971 dans le local à poubelles de l’établissement psychiatrique d’où il avait tenté de s’enfuir. C’était à Toronto, où son père l’avait forcé à s’exiler avec ses deux plus jeunes frères. Selon Minkyung, cet événement est à l’origine de la folie qui a valu à son propre père d’être interné durant une grande partie de sa vie.

Eberlué non seulement par la nouvelle mais aussi par le fait qu’elle soit restée tue aussi longtemps, il décide de résoudre l’énigme liée à cet événement sur lequel la famille a posé une chappe de silence. Il collecte des éléments auprès de sa compagne au cours de véritables séances d’interrogatoires, mais questionne aussi les autres membres du clan, notamment la mère de Minkyung, qui ne lui accorde, et avec réticence, que des miettes d’information.

Avec fougue, et il faut bien le dire, une certaine brutalité, il ambitionne de "faire cracher le fantôme" pour "désosser le récit familial". Se faisant l’archéologue acharné de l’histoire des Kim, il en cartographie la douleur, traque les non-dits, sort plusieurs cadavres des placards de leur mémoire… la folie du père de Minkyung, mais aussi le suicide d’une de ses tantes ou la nature exacte des activités qu’exerçait le grand-père lors de son long séjour en Chine du Nord, dans les années 1930. Ces destins individuels s’entremêlent à une histoire collective chaotique dont ils ont subi l’empreinte, un XXème siècle marqué par la colonisation japonaise, plusieurs guerres et un coup d’Etat, entre autres.

C’est une enquête foutraque et morcelée, pimentée de pérégrinations parfois cocasses, portée par une énergie revigorante, généreuse et sentimentale. Car le moteur de l’obsession d’Alexandre, c’est finalement l’amour qu’il porte à Minkyung, sa curiosité pour ce qu’elle est, mais aussi sa volonté de l’émanciper, en les mettant à nu, des mensonges et des ellipses que lui a imposés, volontairement ou non, sa famille. C’est d’ailleurs par un "tu" respectant son intégrité et son droit de réponse qu’il s’adresse à elle tout au long de ce récit émaillé, pour le plus grand plaisir du lecteur, de poétiques inventions langagières nées des fautes de français commises par sa compagne et qu’il restitue avec une fidélité empreinte de tendresse.

Drôle, touchant et original.


Un autre titre pour découvrir Alexandre Labruffe : Chroniques d’une station-service

Commentaires

  1. Ah mais ou, le livre précédent, j'avais aussi envie de le lire; l'auteur a l'air plus amusant à lire que ses thèmes ne le laissent penser.^_^

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  2. Je suis beaucoup plus attirée par les Chroniques d’une station-service mais il se peut que je me laisse tenter aussi par celui-ci

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  3. Un auteur que je ne connais pas. Je m'empresse de noter ce titre.

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  4. Je ne connais pas cet auteur (tout à fait attirant) mais ma bibli non plus, hélas !

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  5. Le côté "bulldozer" du bonhomme dans des recherches m'est plutôt sympathique mais je crains de ne pas être réceptive à son humour. Il faudra que j'essaie pour être fixée.

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  6. PHILIPPE25.9.25

    Une fois de plus, je ne connais ni le livre ni l'auteur !

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