"De Marquette à Veracruz" - Jim Harrison
"(…) il est presque terrifiant de penser qu'une panne de carburateur modifie parfois de manière radicale le cours d'une existence."
Il a passé son adolescence entre ce père repoussant et une mère mentalement absente, qui simulait une faiblesse congénitale pour se dédouaner des bizarreries de son comportement. Cynthia, sœur cadette aussi déterminée que rebelle, représentait la seule base morale solide de la famille, mais David pouvait aussi s’appuyer sur des figures masculines plus exemplaires, en la personne de Jesse, bras droit de son père d’origine mexicaine, de Clarence, l’homme à tout faire de la maison, ou encore de Fred, oncle maternel considéré comme une brebis galeuse depuis un divorce motivé par sa liaison avec une femme noire.
Le roman se découpe en trois parties, correspondant respectivement aux décennies 1960, 1970 et 1980.
Le narrateur évoque une jeunesse marquée à la fois par une attirance pour le fondamentalisme religieux -qui lui passera assez vite- et la puissance de ses désirs sexuels. Obsédé par les antécédents familiaux, c’est par aussi un jeune homme aigri, plombé d’une immense culpabilité à l’idée de profiter d’une richesse acquise aux dépens d’autochtones expulsés de leurs terres et d’un environnement saccagé pour le compte d’une poignée de riches industriels. Les motivations à l’origine de sa décision de sonder le passé des Burkett sont assez confuses. Est-il en quête de justice ou, plus égoïstement, de rédemption ?
Toujours est-il que cette enquête, pour laquelle il consulte des archives historiques ou des documents familiaux, collecte les témoignages d’habitants de la région, et séjourne longuement dans les forêts dévastées, finit par vampiriser sa vie. Le projet ne trouve pas sa forme, s’éternise, lui interdisant toute sérénité, puisqu’il est persuadé qu'il ne sera pas heureux tant qu'il ne l'aura pas mené à bien. Il trouve quelques bouffées d’oxygène dans les parties de pêche à la truite qu’il organise avec son oncle Fred, en navigant sur les lacs, ou au contact de femmes fortes qu’ils croisent sur son parcours, dont l’énergie et l’indépendance finissent toujours par le ramener à son irrésolution et à son mal-être. C’est finalement un homme qui, parce qu’il veut racheter le péché des autres, et s’obstine à ne vivre qu’en réaction contre son appartenance à un milieu et sa hantise de ressembler à son père, se met entre parenthèses, n’ayant pas la moindre idée de son identité.
Donc il s'enlise dans son projet, et finit par y enliser aussi le lecteur… J’attendais de sa quête qu’elle acquiert une dimension plus collective, que cette douloureuse extraction des racines familiales du mal soit l’occasion de se pencher sur celles du pays, et de fracasser un mythe américain fondé sur la spoliation des autochtones et la destruction d’une partie du vivant, sous couvert d’une morale chrétienne ayant permis l’avènement d’un système inique et cupide. Or, ces éléments, bien qu’évoqués, se diluent dans les atermoiements et l’autocentrisme du narrateur.


Tout a été dit sur Jim Harrison mais ça reste une référence ... J'adore cet auteur mais tous ses livres n'ont pas le même niveau et c'est normal.
RépondreSupprimerJe l'aime beaucoup aussi, et je te rejoins sur le fait qu'une bibliographie est forcément hétérogène. Et un Harrison, même moins bon, n'est jamais mauvais...
SupprimerJe suis une grande admiratrice de Jim Harrison mais je n'ai pas lu ce roman là. Je vois que tu es un peu déçue. Je n'ai pas envie de l'être avec cet auteur.
RépondreSupprimerJ'ai retrouvé dans ce titre l'écriture d'Harrison, que j'aime... mais j'ai eu du mal à m'intéresser jusqu'au bout à la quête du narrateur, qui finit par tourner en rond.
Supprimeril y a eu un âge d'or Jim Harrison, tout le monde (moi la première) lisait tous ses romans dès qu'ils paraissaient en France mais ça commence à dater un peu, ce sont la babyboomer qui se souviennent de ça. Mais le relire maintenant? Pourquoi pas? :-)
RépondreSupprimerC'est vrai qu'à une époque, on le voyait beaucoup sur les blogs... il faut dire que c'est l'un des précurseurs, sans le vouloir, du genre "nature writting", qui a eu un énorme succès. J'ai bien l'intention en ce qui me concerne de continuer à le lire de temps à autre..
SupprimerJe n'ai pas encore lu ce titre là de Jim Harrison alors je ne me précipiterai pas vu ce que tu en dis, même si tout n'est pas négatif. C'est normal de ne pas tout aimer même chez des écrivains connus, reconnus, lus et aimés...
RépondreSupprimerJ'ai trouvé sur ton blog un billet sur Dalva, mais pas sur sa "suite", La route du retour. Si tu ne l'as pas lu, cela peut être une bonne idée pour retrouver l'auteur ainsi que son inoubliable héroïne..
Supprimerdommage quand je lis cette phrase :
RépondreSupprimer"Donc il s'enlise dans son projet, et finit par y enliser aussi le lecteur…"
je ne note pas ce roman qui parle pourtant d'un sujet qui m'intéresse.
Le sujet m'intéressait beaucoup aussi, mais le récit se focalise surtout sur les doutes du narrateur, qui finissent par être agaçants...
Supprimerje ne vais pas le noter dans mes priorités
RépondreSupprimerCe n'est à mon avis pas le meilleur titre de Harrison, qui a écrit suffisamment d'autres titres pour que l'on puisse faire l'impasse sur celui-là...
SupprimerComme j'ai suffisamment à lire et que tu n'es pas satisfaite de ta lecture, je vais passer...
RépondreSupprimerSage décision... mais si tu n'as jamais lu Harrison, ne t'en prive pas, il y a du très très bon chez cet auteur...
SupprimerJ'allais dire que ça me tentait puis au fil de la lecture de ton avis, j'ai l'impression que ce n'est pas pour moi. J'aime les quêtes de rédemption mais pas l'autocentrisme...
RépondreSupprimerLe point de départ, les thèmes qui se profilent sont au départ plutôt tentants, en effet, mais j'ai trouvé qu'au fil du récit, l'auteur les perd un peu de vue, comme s'il s'était laissé influencer par la procrastination psychologique de son héros...
SupprimerN'ayant pas encore lu Jim Harrison, je note plutôt Dalva qui m'a l'air plus marquant.
RépondreSupprimerDalva est un incontournable ! Quelle chance de ne pas l'avoir encore lu...
SupprimerJ'ai lu ce roman, mais ma période Jim Harrison remonte à une vingtaine d'année, je n'ai donc pas de ressenti plus précis que "4 étoiles" alors que Retour en terre par exemple en comptait 5... A relire, peut-être ?
RépondreSupprimerJ'ai moi aussi préféré Retour en terre... et si je relis un jour un de ses titres, ce sera Dalva, sans hésiter !
SupprimerJ'ai très peu lu Jim Harrison, donc si je le fais, je choisirai un autre titre, plus abouti. Ça ne doit pas manquer.
RépondreSupprimerOui, il y a donc Dalva, si tu ne l'as pas lu, et sans doute plein d'autres, je suis loin d'avoir fait le tour de cet auteur...
SupprimerJe n'ai lu que La fille du fermier de cet auteur, il y a quelques années. Je choisirai un autre titre de cet auteur.
RépondreSupprimerIl y a du choix, c'est l'avantage. Je note cette "Fille du fermier", je me dis que si tu es prête à relire l'auteur, c'est qu'il t'a plu.
SupprimerAh Harrison, je ne suis pas la seule à l'apprécier mais je comprends tout à fait tes bémols, je n'ai pas lu ce titre et vais m'en passer, pour l'instant.
RépondreSupprimer... et ce n'est pas comme s'il n'y avait pas d'autres titres de Harrison à lire... c'est un auteur vers lequel on peut revenir longtemps...
SupprimerHa Dalva ! Quel livre ! Pour celui-ci, avant même ta conclusion je me disais que ce narrateur devait être soulant !
RépondreSupprimerDalva occupe une place à part dans mon panthéon littéraire... rien à voir avec ce personnage en effet rapidement pénible de riche fils à papa qui ne sait plus quoi faire pour se débarrasser d'une culpabilité qui finalement semble plus utile à son propre dédouanement qu'à quelque réparation envers les victimes des agissements de sa famille.... agaçant.
Supprimer