"Le poids des choses" - Marianne Fritz
"Les griffes de la vie qui marquent et modèlent, cette poigne écrasante qui aplatit et lamine ; le poids des choses, la vie même n’ont plus aucune prise sur elle quand elle dort. Voilà."
"Ainsi était Berta Faust. Jamais dans le présent, la tête toujours ailleurs."
Ça c’est l’avis de Wilhelmine. C’est elle qui porte ce regard condescendant sur Berta. Heureusement qu’elle est là, Wilhelmine, avec son pragmatisme et son esprit d’initiative, pour compenser la passivité rêveuse de son amie… La pauvre Berta qui s’est pour ainsi dire retrouvée veuve avant d’avoir convolé : Rudolf, son fiancé, est mort sur le front de l’Est, non sans avoir pris soin de la mettre enceinte avant son départ. C’est Wilhelm, un de ses camarades, qui a annoncé son décès à Berta, avant de l’épouser, puis de donner une petite sœur au garçon né des amours fugaces entre Rudolf et la jeune femme.
Mais au moment où commence le récit, c’est avec Wilhelmine qu’est marié Wilhelm, depuis trois ans exactement, cette date anniversaire correspondant à celui de la naissance de Berta, qui a aujourd’hui quarante ans. Leur union a scellé selon Wilhelmine un juste retour des choses, c’est elle qui méritait cette alliance. Seulement, elle n’a toujours pas digéré le fait que ce soit Berta qui ait gardé une certaine chaîne ornée d’une petite madone. Alors, elle impose à Wilhelm, sous couvert de l’anniversaire de son amie, d’aller lui rendre visite…
Le récit alterne entre l’épisode de cette visite et des incursions dans le passé où nous retrouvons Berta en épouse de Wilhelm et mère de deux enfants. Le poste de chauffeur et d’homme à tout faire de son mari le tient souvent éloigné de leur foyer, plaçant Berta dans une solitude qui exhausse ses difficultés à supporter ce qu’elle appelle "le poids des choses". Ecrasée par l’idée des responsabilités que lui imposent les injonctions sociétales et que ne cesse de lui rappeler Wilhelmine, elle se sent incompétente pour la vie, inefficace et inutile. Les angoisses et les ruminations que cela provoque prennent toute la place, annihilant toute possibilité de rébellion, mais aussi d’estime de soi.


Je n'avais pas repéré ce roman, ce que tu en dis me plaît bien. Et un de plus sur la liste !
RépondreSupprimerJe m'aperçois que je connais vraiment très peu d'auteurs allemands contemporains...
RépondreSupprimerC'est une lecture qui déstabilise, je suis tout à fait d'accord avec toi. Ce roman dit, en peu de mots, beaucoup sur les traumatismes laissés par la guerre et sur le fossé entre des personnes fragiles et d'autres solidement "plantées" comme Wilhelmine. Mais la manière de le faire, subtile et étonnamment allusive par moments, est perturbante !
RépondreSupprimerJe suis heureuse de lire vos avis, à Sacha et à toi, la possibilité d’échanger m’ayant manqué à l’époque où j’ai refermé ce livre. Une histoire courte, mais très forte, déstabilisante, où le lecteur reçoit une belle claque à un moment précis de lecture après cette "fausse légèreté" du début que tu mentionnes. Un livre qui m’a bien secouée et je suis contente que vous lui donniez encore plus de visibilité.
RépondreSupprimerRien que les prénoms semblables, franchement. ^_^Mais bon, tu as l'air positive.
RépondreSupprimerUn vrai drame psychologique, je me trompe ?
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