LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"La maison des Hollandais" - Ann Patchett

"Est-ce que les maisons meurent de chagrin ?"

Les Hollandais, ce sont les VanHoebeek, une riche famille de marchands de tabac qui dans les années 1920, fit construire, comme un emblème de leur fortune, une somptueuse maison dans la banlieue de Philadelphie. Sorte de folie architecturale, la bâtisse compte trois étages dont le dernier abrite une salle de bal (le summum du chic, à l’époque), une piscine, des bas-reliefs, des vitraux… 

Cyril Conroy l’achète aux enchères quelques décennies plus tard, avec ses meubles, sa vaisselle de Delft et le portrait à l’huile de ses premiers propriétaires trônant dans le salon. Il en fait l’offrande à sa jeune épouse, dont les humbles et altruistes aspirations ne parviennent à s’accommoder de cette demeure trop pompeuse et trop riche, d’une énormité gênante. Elle finit d’ailleurs par abandonner la maison pour, faute de s’occuper de ses propres enfants, aller soulager la misère de ceux du tiers-monde.

Maeve, sa fille aînée, a alors huit ans. Danny le cadet, encore bébé, est trop jeune pour garder quelque souvenir de sa mère. Il est le narrateur du récit qui, comme dans "Orange amère", se déploie en une structure qui pourrait sembler capricieuse mais est en réalité très habile. L’auteure joue avec une temporalité qui tantôt s’étire et tantôt tressaute, l’alternance entre passé et présent mettant en évidence le poids du premier sur le second et renforçant ainsi la dimension poignante de l’intrigue.

L’enfance de Danny Conroy, malgré l’abandon maternel, n’a pourtant rien de tragique. Son père, obnubilé par son travail -l’achat et la location d’immeubles-, se montre certes impénétrable et distant, ne partageant avec son fils que le moment de la collecte des loyers du premier samedi du mois, mais il y a Maeve. Véritable mère de substitution pour son jeune frère, elle est la joie de ses jeunes années, celle qui encourage, console, et ordonne le quotidien. Maeve au caractère bien trempé, solide et intelligente, dotée d’un humour féroce mais aussi capable d’une patience infinie.

Le drame s’introduit chez les Conroy avec l’arrivée d’Andrea, que leur père épouse en secondes noces. Elle amène avec elle ses deux filles, des gamines gentilles et timides, et une fascination obsessionnelle pour la maison des Hollandais. Elle accapare l’organisation du foyer, le régente, et à la mort brutale de Cyril, en chasse Danny et Maeve.

Symbole de la réussite pour leur père, la maison devient pour ses enfants celui du déchirement, d’une perte intime et douloureuse qui va orienter leur vie, déterminer certains de leurs choix. Maeve utilise son frère comme instrument de sa vengeance, et lui se plie à ses desseins, pour un temps du moins. Régulièrement, comme pour entretenir leur sentiment de haine et de dépossession, tous deux reviennent stationner devant la maison, planqués dans la voiture de la jeune femme, réservant à ces moments de fétichisation de leur malheur leurs conversations les plus importantes.

"La maison des Hollandais" est l’histoire d’un long cheminement vers l’émancipation, parcours passant d’abord par l’identification précise de ce qui, traumatismes, volonté d’autrui ou circonstances extérieures, nous bride et/ou nous plombe. Mais c’est aussi celle d’une magnifique histoire d’amour entre un frère et une sœur, qu’Ann Patchett parvient à rendre par la seule évocation de l’existence et de la présence de l’autre.

Un très beau roman, baigné de mélancolie, mais aussi d’une sorte d’obstination vitale qui vient la tempérer.

J’ai eu le plaisir de faire cette lecture en commune avec Béa Comète, dont L’AVIS EST ICI.

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Commentaires

  1. Après de belles lectures de l'auteure, j'ai eu du mal avec cette maison des hollandais, j'ignore pourquoi (abandon ^_^)

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  2. Je ne te lis qu'en diagonale, mais je vois que tu as aimé ce roman qui est dans ma pile à lire !

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