"La maison des Hollandais" - Ann Patchett
"Est-ce que les maisons meurent de chagrin ?"
Cyril Conroy l’achète aux enchères quelques décennies plus tard, avec ses meubles, sa vaisselle de Delft et le portrait à l’huile de ses premiers propriétaires trônant dans le salon. Il en fait l’offrande à sa jeune épouse, dont les humbles et altruistes aspirations ne parviennent à s’accommoder de cette demeure trop pompeuse et trop riche, d’une énormité gênante. Elle finit d’ailleurs par abandonner la maison pour, faute de s’occuper de ses propres enfants, aller soulager la misère de ceux du tiers-monde.
Maeve, sa fille aînée, a alors huit ans. Danny le cadet, encore bébé, est trop jeune pour garder quelque souvenir de sa mère. Il est le narrateur du récit qui, comme dans "Orange amère", se déploie en une structure qui pourrait sembler capricieuse mais est en réalité très habile. L’auteure joue avec une temporalité qui tantôt s’étire et tantôt tressaute, l’alternance entre passé et présent mettant en évidence le poids du premier sur le second et renforçant ainsi la dimension poignante de l’intrigue.
L’enfance de Danny Conroy, malgré l’abandon maternel, n’a pourtant rien de tragique. Son père, obnubilé par son travail -l’achat et la location d’immeubles-, se montre certes impénétrable et distant, ne partageant avec son fils que le moment de la collecte des loyers du premier samedi du mois, mais il y a Maeve. Véritable mère de substitution pour son jeune frère, elle est la joie de ses jeunes années, celle qui encourage, console, et ordonne le quotidien. Maeve au caractère bien trempé, solide et intelligente, dotée d’un humour féroce mais aussi capable d’une patience infinie.
Le drame s’introduit chez les Conroy avec l’arrivée d’Andrea, que leur père épouse en secondes noces. Elle amène avec elle ses deux filles, des gamines gentilles et timides, et une fascination obsessionnelle pour la maison des Hollandais. Elle accapare l’organisation du foyer, le régente, et à la mort brutale de Cyril, en chasse Danny et Maeve.
Symbole de la réussite pour leur père, la maison devient pour ses enfants celui du déchirement, d’une perte intime et douloureuse qui va orienter leur vie, déterminer certains de leurs choix. Maeve utilise son frère comme instrument de sa vengeance, et lui se plie à ses desseins, pour un temps du moins. Régulièrement, comme pour entretenir leur sentiment de haine et de dépossession, tous deux reviennent stationner devant la maison, planqués dans la voiture de la jeune femme, réservant à ces moments de fétichisation de leur malheur leurs conversations les plus importantes.
Après de belles lectures de l'auteure, j'ai eu du mal avec cette maison des hollandais, j'ignore pourquoi (abandon ^_^)
RépondreSupprimerAh, j'avais le souvenir que tu l'avais lu et aimé... à tort, donc.
SupprimerJe ne te lis qu'en diagonale, mais je vois que tu as aimé ce roman qui est dans ma pile à lire !
RépondreSupprimerIl m'a beaucoup plu oui, j'y ai retrouvé le ton et la construction ce qui m'avait tant séduite dans Orange amère (que j'ai tout de même préféré).
SupprimerLes avis ont l'air assez variés. Je tenterai prudemment à la bibliothèque.
RépondreSupprimerC'est une bonne idée... je pense qu'il pourrait te plaire.
SupprimerJ’aime beaucoup ton billet, même si je ne partage pas franchement ton enthousiasme. C’est une lecture très en demi-teinte pour moi.
RépondreSupprimerC'est ce que j'ai constaté en lisant ton avis. Ma découverte avec cette auteure a également été mitigée, c'était avec "Dans la course", dont l'intrigue ne m'a pas convaincue.. mais j'ai adoré "Orange amère". Je ne suis toutefois pas sûre qu'il te plairait, car il a pas mal de points communs avec celui-là, notamment cette construction qui peut sembler brouillonne..
SupprimerC’était Une Comète
RépondreSupprimerJe t'avais reconnue !
SupprimerOn dirait presque un conte de fées (la mère qui disparaît, la belle-mère acariâtre qui chasse les enfants de son mari...). J'imagine une ambiance malsaine dans ce décor opulent mais d'un autre temps.
RépondreSupprimerJe me suis fait la même réflexion en rédigeant mon billet ! Je serais curieuse de savoir si c'était une volonté de l'auteure... je ne dirai pas que l'ambiance y est malsaine, du moins je ne l'ai pas ressentie comme ça. Elle est surtout mélancolique, peut-être parce que les événements sont relatés a posteriori. Et le récit n'est pas tant focalisé sur la méchante belle-mère que sur le personnage de Maeve.
SupprimerJe l'ai lu et beaucoup aimé par contre je n'ai rien lu d'autre de cette autrice et je note donc les titres que tu proposes.
RépondreSupprimerOui, il faut absolument lire Orange amère ! Si tu as aimé celui-là, tu vas l'adorer...
SupprimerC’est un roman que j’ai noté, puis barré… les avis sont très variés ! Peut-être un jour.
RépondreSupprimerSi tu n'as pas lu Orange amère, je te le conseille de préférence à celui-là, j'avais adoré..
SupprimerC'est une romancière que j'ai très envie de découvrir !
RépondreSupprimerComme à Eva, je te conseille Orange amère, qui a été un coup de cœur. Mais celui-là est très bien aussi... je crois que Keisha a chroniqué d'autres de ses titres (notamment Anatomie de la stupeur, de mémoire ?)
Supprimerje croyais avoir lu "orange amère" mais je ne le retrouve pas sur Luocine, alors, ça veut dire que j'ai lu beaucoup de billets sur ce sujet !
RépondreSupprimerC'est un moyen de lire sans se farcir les quelques centaines de pages du livre ... blague mise à part, ce serait dommage de passer à côté, j'ai trouvé que c'est un texte porté par une grande virtuosité.
SupprimerEncore une auteure qui m'est totalement inconnue ! A découvrir, un jour peut-être...
RépondreSupprimerIl y en a tant...
SupprimerJe n'aurais jamais pensé lire Ann Patchett mais ton billet me fait découvrir un titre de cette autrice que je ne connais que de nom. Je vais voir si je trouve celui-ci, ou Orange amère. Merci
RépondreSupprimerJ'espère que tu seras aussi séduite que moi, mais je pense qu'elle pourrait te plaire...
SupprimerMalgré les quelques réticences évoquées dans les commentaires, je le retiens dans un coin de ma tête. D'abord parce ce que j'ai beaucoup aimé Orange amère, et ensuite parce que je suis toujours curieuse des histoires de maison.
RépondreSupprimerIl est, je crois, moins "intense" qu'Orange amère (en matière d'émotions suscitées) mais tout de même très touchant, et j'ai aimé retrouver cette construction en puzzle, presque en "coq-à-l'âne", qui révèle très progressivement tous les tenants et aboutissants de l'intrigue.
Supprimerah j'arrive tardivement, mais j'ai adoré ce roman ! j'ai lu Orange amère après, mais la maison des Hollandais reste mon préféré, sans doute que la relation frère-sœur m'a particulièrement marqué. Un énorme coup de coeur pour moi
RépondreSupprimerC'est vrai que le lien qui unit le narrateur à Maeve (incroyable personnage, quand même !) est vraiment bouleversant.. ma légère préférence pour Orange amère est surtout liée à l'intrigue.
SupprimerJe ne me visualisais pas le roman comme ça, pour moi, c'était un roman d'éducation mais avec beaucoup de gothique. Ca m'intrigue, je le note dans un coin de ma tête
RépondreSupprimerJe confirme l'absence de dimension gothique... si je devais choisir un adjectif, ce serait plutôt "baroque" et uniquement pour évoquer l'apparence de la maison. Dans tous les cas, c'est un roman très touchant sur les relations familiales et la manière de surmonter la perte...
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