"Buveurs de vent" - Franck Bouysse
"- ça t'arrive jamais, à toi, de pleurer à l'envers ?"
La mère Martha tient la famille sous la férule de ses principes psychorigides, qu’inspire une bigoterie liberticide. Elle avait rêvé d’asseoir douze apôtres à sa table, mais a dû s’arrêter à Luc, né idiot, et qui a à peine eu le temps de mettre les pieds à l’école avant qu’on y décrète qu’on ne pouvait rien faire pour lui. Le père a fait la guerre, et en a gardé, en plus d’un profond traumatisme, une inextinguible haine des livres, selon une étrange déduction responsables de la mort d’un de ses camarades. Il est à l’origine des cicatrices qu’ont laissées les coups sur le dos de ses enfants, qu’il a frappés en espérant une rébellion qui briserait le cauchemar de cette existence qui l’englue, et qui n’est jamais venue. Le foyer est complété du grand-père Elie, unijambiste, le seul des trois adultes à montrer de la tendresse pour les enfants, mais qui fait le dos rond sous l’autorité d’une fille dont dépend dorénavant sa subsistance.
Le ciment qui lie la fratrie fait leur force, ils en tirent aussi l’affection et la joie dont leurs parents semblent pathologiquement dépourvus. Leur grand plaisir collectif, leur grand frisson, est d’aller se balancer, pendus à des cordes, sous l’arche du viaduc, y attendant le passage du train qui va les faire d’autant plus vibrer. Chacun des garçons a par ailleurs une passion qui le console, Luc pour le trésor qu’il est persuadé que des pirates ont dissimulé dans la région, et qu’il cherche inlassablement, Marc pour les livres, et Mathieu pour le monde animal et végétal. Quant à Mabel, lumineuse, belle et libre, ses frères l’aiment tellement qu’aucune autre fille ne trouve grâce à leurs yeux. Chassée par sa mère suite à l’une de ses incartades, elle est contrainte de rejoindre la ville, où elle retrouve la même ambiance, grise et oppressante, que celle qui règne au sein du cercle familial.
C’est le mystérieux Joyce qui étend son emprise sur Volny, depuis le jour lointain où il a débarqué, puis pris la tête de l’énorme centrale électrique qui fait vivre la bourgade, et représente le centre névralgique de sa toute-puissance. Soucieux de préserver l’anonymat qui participe pour beaucoup de la frayeur qu’il inspire, c’est dans l’ombre qu’il régente l’existence de ces âmes prisonnières d’une toile qu’il a façonnée dès leur naissance, éliminant sans scrupules et en toute impunité la moindre entrave à son omnipotence.
Jusqu’à ce qu’adviennent des événements qui vont peu à peu faire bouger l’ordre établi…
En tout cas ton billet réussi, ( sans doute plus que le roman), je me disais en lisant le début et en comprenant l'ambiance familiale, quelle horreur mais je ressentais de l'intérêt et puis à l'arrivée du directeur de la centrale ,j'ai penser pas pour moi , c'est "trop" comme on dit aujourd'hui. Et puis, la fin de ton billet dit que c'était "trop" pour toi aussi.
RépondreSupprimerJ'aurais pu m'accommoder des "trop", qui créent une ambiance singulière, noire et presque surnaturelle, si l'intrigue avait été structurée, mais là, j'ai parfois eu le sentiment de lire le brouillon d'un roman...
SupprimerJamais lu cet auteur, et je crois pouvoir continuer ainsi, même s'il est prévu que je le rencontre bientôt en salon, un coup d'oeil suffira, alors?
RépondreSupprimerTu noteras quand même que c'est son 5e titre que je lis... Il y a du bon chez Bouysse, et c'est souvent assez court. A tester, donc. Je crois que mon préféré est Glaise, et l'auteur, rencontré l'an dernier, m'a dit que c'était aussi le sien..:) Tu peux aussi aller le voir juste parce qu'il est très sympathique et intéressant.
SupprimerC'était un peu trop sombre à mon goût de toute façon. Comme le dit Luocine, c'est "trop"
RépondreSupprimerCe n'est pas tant le côté sombre qui m'a gênée, que le manque d'ossature. Ca part dans tous les sens, et puis ça fait flop, parce qu'on attend une montée de tension qui ne vient jamais...
SupprimerNé d'aucune femme est noté chez moi. Je constate que c'est une valeur plus sûre que ce roman-ci.
RépondreSupprimerJe l'ai beaucoup aimé, celui-là, oui.
SupprimerJe n'ai lu que 2 Bouysse. Pour moi, c'est bien mais pas top (3,5/5 à chaque fois) Je ne vais pas me précipiter sur celui-là
RépondreSupprimerJ'ai commencé avec Plateau et Grossir le ciel, que comme toi j'ai aimés mais sans que ce soit des coups de cœur, notamment parce que je trouve son lyrisme parfois un peu débordant ou inapproprié, défaut que je n'ai pas retrouvé dans Glaise, dont j'ai trouvé le style parfaitement maîtrisé.
SupprimerAhh je suis content - c'est depuis ce livre là que j'ai arrêté de lire Bouysse. Je soussigne parfaitement ton dernier paragraphe. (Bizz Bernhard L)
RépondreSupprimerCoucou ! Je retenterai peut-être de lire l'auteur, parce que la balance penche quand même franchement vers des avis positifs sur l'ensemble des titres lus..
SupprimerJe relis mon billet qui me dit que j'ai aimé ce roman, même s'il n'y a pas beaucoup d'intrigue, surtout une ambiance. Je me souviens de la ville de Joyce, inquiétante.
RépondreSupprimerL'atmosphère et le contexte sont en effet bien rendus, l'auteur plante un décor original, et en effet oppressant. Mais j'ai vite oublié ces qualités au regard de l'ennui qui m'a prise vers le premier tiers du livre, pour ne plus me lâcher ensuite.. l'intrigue est vraiment mal fichue, quand même ..
SupprimerJ'avais aimé (sans plus) deux de ses premiers romans, dans le genre "rural noir", mais là, ça me fait penser aux romans qui font le succès de Sandrine Collette, et qui me laissent froide. Les personnages bien caricaturaux font partie du problème...
RépondreSupprimerSi elle est volontaire, comme c'est, il me semble, le cas ici, la caricature peut être un moyen de donner au récit une ambiance, un ton particuliers... mais il faut que l'histoire suive, sinon, ça reste vain.
SupprimerUn abandon de lecture pour ma part. Mais j'avais adoré Né d'aucune femme.
RépondreSupprimerJ'ai failli l'abandonner plusieurs fois, mais je me disais "allez, il va bien se passer quelque chose, et tous ces bouts d'intrigue vont finir par se rejoindre", mais non ...
SupprimerP.S : j'essaie désespérément de poster des commentaires sur ton blog, mais en vain, depuis 2/3 jours.
J'ai lu les deux premiers et je n'ai pas eu envie de continuer ; avec le deuxième j'ai déjà eu l'impression qu'il tournait en rond.
RépondreSupprimerJ'ai bien aimé les romans de ses débuts, sans que ce soit des coups de cœur, quoique presque pour Glaise, qui m'a vraiment impressionnée. Mais là, non....
SupprimerJ'ai rigolé en lisant le premier paragraphe de ton résumé ... Youah ! une bigote, un idiot, un père violent ... Et le grand père unijambiste pour clore le tout ... Ben voyons ! Il manque la soeur cul de jatte et le frère manchot ! Moi, j'ai arrêté cet auteur à Né d'aucune femme, déjà trop gonflé de ce lyrisme que tu évoques
RépondreSupprimerJe pense que tu n'aurais pas dépassé les 30 premières pages. Ceci dit, à la décharge de l'auteur, il me semble que cette dimension caricaturale, voire symbolique, est volontaire, et comme je l'écris : "pourquoi pas ?", cela aurait pu donner une fable noire, à l'ambiance pesante... mais la structure narrative est ratée, je ne trouve pas d'autre mot...
SupprimerUn roman remarquable ! "Si les ressorts narratifs abondent et font déjà de ce livre un petit régal, je crois pouvoir dire que ce n’est rien par rapport à l’écriture de l’auteur. Une langue somptueuse, envoûtante par sa beauté, elle happe le lecteur dès les premières pages"
RépondreSupprimerEh bien sur ce coup-là non plus, nous ne sommes pas d'accord... mais je suis ravie que certains prennent sa défense, cela entretient une certaine parité...
SupprimerJ'avoue que c'est un auteur qui ne m'a jamais tentée, malgré l'enthousiasme de ses lecteurs, surtout lectrices, d'un livre à l'autre.
RépondreSupprimerSi j'y suis autant revenue, c'est qu'à mon avis, il mérite tout de même d'être lu, tout dépend avec quel(s) titre(s). Et puis il faut accepter quelques débordements lyriques !
SupprimerJe l'ai lu et c'est bien vrai que c'est un roman très noir. Je l'ai moins aimé que "Né d'aucune femme" ou "Plateau". Depuis finalement je n'ai pas été tentée par un autre titre de l'auteur. Mais j'y reviendrai un jour sans doute.
RépondreSupprimerSa noirceur ne m'a pas gênée, j'ai au contraire plutôt apprécié l'ambiance que l'auteur installe, et cet étrange univers qui par moments semble intemporel, figé dans une sorte de féodalité démentie par les éléments "modernes" du contexte. Mais tous ces fils narratifs qui s'effilochent et laissent le lecteur en plan, ce n'est pas possible..
SupprimerDepuis quelques romans je ne peux plus lire F. Bouysse. Je le trouve caricatural et finalement creux, brouillon et inintelligible ( pour moi en tout cas). Je l’aimais bien avant( Une Comète)
RépondreSupprimerEh bien, ton commentaire s'applique parfaitement à ce titre !
SupprimerJ'avais aimé, adoré l'écriture aussi... oui, mais des clichés malheureusement...
RépondreSupprimerIl y a, stylistiquement parlant, de beaux passages, c'est vrai, mais cela n'a malheureusement pas suffi…
SupprimerLa relation unissant les enfants de cette famille abusive aurait pu m'intéresser mais le mot ennui tend à me rebuter, car c'est LE point qui me fait abandonner rapidement une lecture...
RépondreSupprimerEt je me suis beaucoup ennuyée.. en général, j'abandonne aussi, mais là, j'espérais un sursaut.
SupprimerJe rejoins complètement ton avis. L'ensemble m'a paru laborieux, interminable et caricatural. Et pourtant, Bouysse est mon auteur chouchou pour mon challenge, et ce roman a rencontré un bon succès de librairie et de visibilité médiatique. Pas compris !
RépondreSupprimerJe viens d'aller lire ton avis, et je vois qu'en effet nous sommes en parfaite adéquation ! Quel dommage.. mais cela ne m'empêchera pas de lui laisser une autre chance..
SupprimerP.S : c'est bizarre, le lien sur ton nom renvoie vers le blog de Fanja...
La lecture de Né d'aucune femme m'a dissuadée d'aller plus loin dans la découverte de l'oeuvre de Bouysse. Histoire abracadabrante et complaisance à décrire des scènes sordides. J'ai l'impression qu'on a ça ici aussi.
RépondreSupprimerAh moi j'avais aimé Né d'aucune femme.. Ses premiers titres sont différents, davantage dans la veine d'un rural noir ancré dans la réalité, tu y trouverais peut-être davantage ton compte..
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