"Les yeux dans les arbres" - Barbara Kingsolver
Oui, j'ai honte.
1959.
Nathan Price, pasteur baptiste américain, est volontaire pour s’occuper de la mission de Kilanga, village du Congo belge. Il y part accompagné de sa femme, Orleanna, et de leurs 4 filles. L’aînée, Rachel, est exclusivement préoccupée par les dernières tendances de la mode ; Adah et Leah, jumelles surdouées, n’en sont pas moins très différentes, la première étant affligée, depuis sa naissance, d’une hémiplégie qui la rend muette et boiteuse. Ruth May, la cadette âgée de 5 ans, est une enfant pétulante et casse-cou.
Tour à tour, les cinq femmes et/ou filles prennent la parole pour nous raconter comment, de cette année 59 au début des années 90, elles vont survivre et évoluer au sein de ce continent africain dont tout, a priori, les sépare.
Ce livre m’a été prêté, voici quelques mois, par une amie en général de bon conseil. Mais, je ne sais trop pourquoi, j’avais un a priori vis-à-vis de cette Barbara, peut-être justement en raison de son patronyme (oui, j’ai honte) : j’imaginais un roman plutôt mièvre, destiné à un public féminin adepte de lectures faciles (cela me rappelle une certaine discussion du Club des Chats…). Heureusement, j’ai surmonté cet a priori, ce qui m’a permis de faire une belle découverte. C’est vrai, l’auteure nous emmène dans un univers plutôt féminin si l’on considère que les narratrices sont exclusivement des femmes, mais le récit est si passionnant, les émotions suscitées par la lecture tellement diverses, que c’est, à mon avis, un roman qui s’adresse à tous.
A chacune de ses héroïnes, B.Kingsolver prête une personnalité bien différente, tout en introduisant assez de nuances et de complexité dans leur caractère pour que ses personnages paraissent crédibles et surtout proches de nous. Même leurs façons de s’exprimer contiennent des tics de langage, voire des maladresses propres à chacune, qui accentuent cette impression (un petit bémol cependant : les narrations faites par la petite Ruth May m’ont parues inadaptées à une enfant de cinq ans).
Elles vont toutes évoluer, à des rythmes et dans des directions différentes, avec un point commun : la prise de conscience du fanatisme et de l’intolérance de leur mari et père Nathan, aussi tyrannique avec sa famille qu’avec les autochtones, car persuadé, avec l’intransigeance de sa foi, de détenir la science infuse. Se croyant au départ prisonnières de l’Afrique et de sa misère, c’est finalement surtout de cet homme et du joug de sa religion qu’elles vont s’affranchir. Car, parallèlement, leur regard sur le Congo et ses habitants évolue aussi : arrivées avec des préjugés plus ou moins grotesques, elles finissent par s’y adapter, voire par l’aimer, malgré les souffrances et les pertes qu’elles vont y subir.
En effet, le pays vit durant ces années de grands bouleversements : accession à l’indépendance, guerres civiles, prise du pouvoir par Mobutu, qui instaure une dictature avec l’appui des États-Unis, de la France et de la Belgique… dans le roman, la "petite histoire" subit la grande, avec un constat quelque peu décourageant : ce sont toujours les plus faibles qui font les frais des événements orchestrés à grande échelle par les détenteurs du pouvoir (politique, et surtout économique). Et, schéma commun au foyer des Price et à la communauté en général : quand les hommes, en tant que sorciers, prêcheurs, militaires, veulent prendre le pouvoir, les femmes, dans l’ombre, tentent de maintenir la cohésion familiale et de protéger leurs enfants, et pour elles, peu importe ce qui se décide "en haut lieu", le quotidien les confrontent toujours aux mêmes difficultés.
Barbara Kingsolver rend là un émouvant hommage à ces femmes, mais pas seulement : à travers ses lignes, on devine aussi son respect et son amour pour cette Afrique à la fois si dure et si envoutante.
1959.
Nathan Price, pasteur baptiste américain, est volontaire pour s’occuper de la mission de Kilanga, village du Congo belge. Il y part accompagné de sa femme, Orleanna, et de leurs 4 filles. L’aînée, Rachel, est exclusivement préoccupée par les dernières tendances de la mode ; Adah et Leah, jumelles surdouées, n’en sont pas moins très différentes, la première étant affligée, depuis sa naissance, d’une hémiplégie qui la rend muette et boiteuse. Ruth May, la cadette âgée de 5 ans, est une enfant pétulante et casse-cou.
Tour à tour, les cinq femmes et/ou filles prennent la parole pour nous raconter comment, de cette année 59 au début des années 90, elles vont survivre et évoluer au sein de ce continent africain dont tout, a priori, les sépare.
Ce livre m’a été prêté, voici quelques mois, par une amie en général de bon conseil. Mais, je ne sais trop pourquoi, j’avais un a priori vis-à-vis de cette Barbara, peut-être justement en raison de son patronyme (oui, j’ai honte) : j’imaginais un roman plutôt mièvre, destiné à un public féminin adepte de lectures faciles (cela me rappelle une certaine discussion du Club des Chats…). Heureusement, j’ai surmonté cet a priori, ce qui m’a permis de faire une belle découverte. C’est vrai, l’auteure nous emmène dans un univers plutôt féminin si l’on considère que les narratrices sont exclusivement des femmes, mais le récit est si passionnant, les émotions suscitées par la lecture tellement diverses, que c’est, à mon avis, un roman qui s’adresse à tous.
A chacune de ses héroïnes, B.Kingsolver prête une personnalité bien différente, tout en introduisant assez de nuances et de complexité dans leur caractère pour que ses personnages paraissent crédibles et surtout proches de nous. Même leurs façons de s’exprimer contiennent des tics de langage, voire des maladresses propres à chacune, qui accentuent cette impression (un petit bémol cependant : les narrations faites par la petite Ruth May m’ont parues inadaptées à une enfant de cinq ans).
Elles vont toutes évoluer, à des rythmes et dans des directions différentes, avec un point commun : la prise de conscience du fanatisme et de l’intolérance de leur mari et père Nathan, aussi tyrannique avec sa famille qu’avec les autochtones, car persuadé, avec l’intransigeance de sa foi, de détenir la science infuse. Se croyant au départ prisonnières de l’Afrique et de sa misère, c’est finalement surtout de cet homme et du joug de sa religion qu’elles vont s’affranchir. Car, parallèlement, leur regard sur le Congo et ses habitants évolue aussi : arrivées avec des préjugés plus ou moins grotesques, elles finissent par s’y adapter, voire par l’aimer, malgré les souffrances et les pertes qu’elles vont y subir.
En effet, le pays vit durant ces années de grands bouleversements : accession à l’indépendance, guerres civiles, prise du pouvoir par Mobutu, qui instaure une dictature avec l’appui des États-Unis, de la France et de la Belgique… dans le roman, la "petite histoire" subit la grande, avec un constat quelque peu décourageant : ce sont toujours les plus faibles qui font les frais des événements orchestrés à grande échelle par les détenteurs du pouvoir (politique, et surtout économique). Et, schéma commun au foyer des Price et à la communauté en général : quand les hommes, en tant que sorciers, prêcheurs, militaires, veulent prendre le pouvoir, les femmes, dans l’ombre, tentent de maintenir la cohésion familiale et de protéger leurs enfants, et pour elles, peu importe ce qui se décide "en haut lieu", le quotidien les confrontent toujours aux mêmes difficultés.
Barbara Kingsolver rend là un émouvant hommage à ces femmes, mais pas seulement : à travers ses lignes, on devine aussi son respect et son amour pour cette Afrique à la fois si dure et si envoutante.
Bah, son prénom compense un peu son nom de famille :-D
RépondreSupprimerJe me demande même si elle n'a pas fait changé son nom : si ça se trouve, elle se nommait Kingslover, au départ !
RépondreSupprimerEncore une à rajouter à ma pal, merci !
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