"Voyage au bout de la nuit" - Louis Ferdinand Céline
« A force d’être poussé comme ça dans la nuit, on doit finir tout de même par aboutir quelque part… »
Il est impressionnant, Céline... Il y a d'abord cette image sulfureuse, comme l'a si bien dit Thom ici, qui lui est associée, et puis je m'imaginais son œuvre d'un abord difficile, et c'est sans doute la raison pour laquelle je n'avais pas jusque-là osé m'y attaquer...
J'avoue notamment ne pas m'être vraiment attendue à ce style aux accents populaires, voire parfois cru, mais qui se révèle d'une richesse inouïe, par des descriptions d'une éloquence hilarante, une abondance d'images visant toujours juste, et un raisonnement qui mêle à la fois réflexions philosophiques et bon sens terre à terre, humour sarcastique et références littéraires.
Le porte-parole de cette profusion verbale, c'est Ferdinand Bardamu, personnage principal et narrateur du roman, à la suite duquel nous partons effectivement en voyage, de la rudesse de la région ardennaise durant la première guerre aux quartiers de la banlieue parisienne, en passant par l'Afrique coloniale et les États-Unis. Mais ces pérégrinations sont surtout prétexte à une incursion dans les profondeurs de la bassesse humaine. Quelque soit l'endroit où il se trouve, le héros constate que l'homme est un être cruel, vicieux, intéressé, et il n'a d'ailleurs pas la prétention de se croire au-dessus du lot, puisqu'il avoue à de nombreuses reprises son immense lâcheté. Lucide et désabusé quant à cette humanité pitoyable, il l'est également en ce qui concerne les valeurs séculaires censées apporter un sens à des existences mesquines : la patrie, la religion, la science -cette "bouffonnerie"-, sont présentées comme des formes d'aliénation de l'individu, des aberrations se heurtant à la vision pragmatique de Ferdinand, qui veut simplement vivre, et ne conçoit pas le sens de la guerre, entre autres.
Il est de plus cruellement conscient que ce sont toujours sur les mêmes que s'acharnent les vicissitudes de l'existence, et que, sans argent, l'individu est condamné à un quotidien sans gloire et méprisable. Lui-même connaît la plupart du temps des conditions d'existence précaires ; la pauvreté et ses corollaires : la vermine, les maladies, la puanteur, l'alcoolisme, sont d'ailleurs omniprésents dans le récit, ceux qui en sont victimes faisant preuve d’une « formidable résignation, cette qualité de base qui rend les pauvres gens de l’armée ou d’ailleurs aussi faciles à tuer qu’à faire vivre. Jamais les petits ne se demandent le pourquoi. Ils se haïssent les uns les autres, ça suffit ».
A ces fléaux, s'ajoutent les maux du monde moderne, tels que le colonialisme, l'urbanisation, le travail aliénant, la spéculation immobilière... en bref, quelque soit le contexte dans lequel il évolue, le personnage de Bardamu porte sur son environnement et ses semblables un regard désabusé et désespéré, immensément triste, aussi, malgré la truculence qui émane de ce "Voyage". Le monde semble n'être qu'un vaste cloaque puant sur lequel règne l’absurdité la plus totale, l'amour même ne semble guère trouver grâce à ses yeux.
Il ne voit pas quel sens donner à l’existence, pris entre la fatigue de devoir sans cesse lutter contre sa « nature immonde, atroce, pour tenter de rester raisonnable», (c’est-à-dire bienséant!), et celle de devoir trouver «le courage chaque jour de refaire ce que l’on a déjà fait la veille, de réaliser les 1000 projets qui n’aboutissent à rien ».
Le porte-parole de cette profusion verbale, c'est Ferdinand Bardamu, personnage principal et narrateur du roman, à la suite duquel nous partons effectivement en voyage, de la rudesse de la région ardennaise durant la première guerre aux quartiers de la banlieue parisienne, en passant par l'Afrique coloniale et les États-Unis. Mais ces pérégrinations sont surtout prétexte à une incursion dans les profondeurs de la bassesse humaine. Quelque soit l'endroit où il se trouve, le héros constate que l'homme est un être cruel, vicieux, intéressé, et il n'a d'ailleurs pas la prétention de se croire au-dessus du lot, puisqu'il avoue à de nombreuses reprises son immense lâcheté. Lucide et désabusé quant à cette humanité pitoyable, il l'est également en ce qui concerne les valeurs séculaires censées apporter un sens à des existences mesquines : la patrie, la religion, la science -cette "bouffonnerie"-, sont présentées comme des formes d'aliénation de l'individu, des aberrations se heurtant à la vision pragmatique de Ferdinand, qui veut simplement vivre, et ne conçoit pas le sens de la guerre, entre autres.
Il est de plus cruellement conscient que ce sont toujours sur les mêmes que s'acharnent les vicissitudes de l'existence, et que, sans argent, l'individu est condamné à un quotidien sans gloire et méprisable. Lui-même connaît la plupart du temps des conditions d'existence précaires ; la pauvreté et ses corollaires : la vermine, les maladies, la puanteur, l'alcoolisme, sont d'ailleurs omniprésents dans le récit, ceux qui en sont victimes faisant preuve d’une « formidable résignation, cette qualité de base qui rend les pauvres gens de l’armée ou d’ailleurs aussi faciles à tuer qu’à faire vivre. Jamais les petits ne se demandent le pourquoi. Ils se haïssent les uns les autres, ça suffit ».
A ces fléaux, s'ajoutent les maux du monde moderne, tels que le colonialisme, l'urbanisation, le travail aliénant, la spéculation immobilière... en bref, quelque soit le contexte dans lequel il évolue, le personnage de Bardamu porte sur son environnement et ses semblables un regard désabusé et désespéré, immensément triste, aussi, malgré la truculence qui émane de ce "Voyage". Le monde semble n'être qu'un vaste cloaque puant sur lequel règne l’absurdité la plus totale, l'amour même ne semble guère trouver grâce à ses yeux.
Il ne voit pas quel sens donner à l’existence, pris entre la fatigue de devoir sans cesse lutter contre sa « nature immonde, atroce, pour tenter de rester raisonnable», (c’est-à-dire bienséant!), et celle de devoir trouver «le courage chaque jour de refaire ce que l’on a déjà fait la veille, de réaliser les 1000 projets qui n’aboutissent à rien ».
Céline est certes impressionnant, mais son «Voyage au bout de la nuit» l’est encore plus, simplement parce qu’en le lisant, il vous saute aux yeux de façon évidente qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre que vous n’oublierez pas de sitôt.
Il est prévu que je lise "Le voyage" cette année. Il attend sagement sont tour mais ça ne devrait plus tarder.
RépondreSupprimerBonne lecture, alors... je crois qu'il ne peut que te plaire !
RépondreSupprimerJe trouve même que c'est pas évident de lire un autre livre après celui-là.
RépondreSupprimerA vrai dire, j'ai hésité à lire dans la foulée "Mort à crédit", et finalement je n'ai pas voulu user toutes mes pépites d'un seul coup !
RépondreSupprimerTrès beau billet. Le Voyage est un de mes romans préférés depuis mes quinze ans. Je vais le relire un de ces jours. Il fait partie de ces romans qu'on peut relire indéfiniment sans se lasser, en découvrant toujours quelque chose de neuf.
RépondreSupprimerTout sur Céline, chaque jour sur :
RépondreSupprimerhttp://lepetitcelinien.blogspot.com
Bienvenue au club !
RépondreSupprimerMerci !!
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