LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Le carnaval des ombres" - R.J. Ellory

"Peut-être que la seule chose prévisible dans la vie était son imprévisibilité inhérente."

Portée par l’enthousiasme suscité par ma lecture récente de "Le chant de l’assassin", je n’ai pas hésité une seconde lorsque je suis tombée sur un autre roman de R.J. Ellory lors d’une flânerie en bouquinerie.

Malheureusement, l’expérience a cette fois été moins concluante…

Michael Travis est un jeune trentenaire en pleine ascension professionnelle. Depuis huit ans au FBI, il y a intégré une cellule expérimentale, qui s’intéresse à la psychologie de l’esprit criminel. Nous sommes en 1958, et la science comportementale dans le domaine judiciaire en est à ses balbutiements. La première mission qu’on lui confie en tant que responsable le mène à Seneca Falls, où vient de s’installer un cirque ambulant composé d’individus auxquels leurs difformités diverses confèrent des allures surréalistes et perturbantes, et créent une atmosphère par leur simple présence.

Un homme a été retrouvé mort, un couteau enfoncé dans la nuque, sous l’un de leurs manèges. 

Fort désireux de se montrer digne de la confiance qu’on lui accorde, Michael impressionne par sa minutie et sa rigueur. Pourtant l’enquête piétine. Malgré les indices que constituent un étrange tatouage et de nombreuses cicatrices qui laissent penser que la victime appartenait au monde de la pègre, le jeune agent a toutes les peines du monde à l’identifier. Des phénomènes vaguement étranges ponctuent par ailleurs ses démarches : sa machine à écrire se met en branle pendant son sommeil, et les témoins du cirque qu’il interroge lui donnent régulièrement l’impression de lire dans ses pensées.

Bien qu’affichant en toute occasion un air imperturbable et sérieux, Michael est ébranlé par un passé traumatique dont les souvenirs reviennent le tarauder. Et c’est du lourd : sa mère a été condamnée puis exécutée pour le meurtre de son mari violent lorsqu’il avait quinze ans, et il a perdu, dans des circonstances que l’on découvre progressivement, la femme qu’il aimait. Sa façade d’assurance et d’efficacité est un moyen de supporter, en les occultant, ce que ces événements ont ancré en lui, mais elle est aussi un frein à la souplesse d’esprit que requiert le métier d’enquêteur. De la rigueur à la rigidité, il n’y a parfois qu’un pas, et la sienne l’empêche dans un premier temps d’appréhender une vérité qui dépasse les limites de ce qu’il juge admissible, parce qu’elle remet en cause la légitimité d’un système dont il est l’un des rouages aveugles.

Bon, je crois qu’il est temps de préciser les raisons de la déception évoquée plus haut.

J’ai d’abord assez vite été gênée par la structure narrative, qui alterne entre présent et passé, c’est-à-dire entre l’intrigue policière et les drames vécus par Michael adolescent. R. J. Ellory utilisait pourtant dans « Le chant de l’assassin » le même procédé, mais il m’a paru ici amené d’une façon systématique qui manque de naturel, et qui finit par rendre le récit bien long. Et lorsque l’enquête se décante enfin, quel fatras ! Manipulations psychologiques et politiques liées au contexte de la Guerre froide, influences secrètes des francs-maçons, soulèvement hongrois contre le pouvoir soviétique, accointances entre Nazis et rebelles irlandais pendant la Seconde guerre mondiale, Résistance française… mettez tout ça dans une marmite, mélangez le tout, saupoudrez de quelques pincées de surnaturel, et n’en retenez que le fumet ! 

Bref, ça part dans tous les sens, et de manière superficielle, créant un cruel déséquilibre entre la lenteur et le caractère elliptique qui président à la mise en place des éléments de l’intrigue, et la manière expéditive avec laquelle elle se résout.

D'autres titres pour découvrir R. J. Ellory :

Et c'était mon dernier Epais Pavé de l'été 2023 (723 pages au Livre de poche).



Une lecture qui rentre également dans le cadre du Mois Américain, chez Belette

Commentaires

  1. Bon, je peux retenir Le chant de l'assassin. Le passage présent passé semble être une constante...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est une construction qu'il utilise souvent, mais d'habitude je trouve que c'est plutôt bien fait. Là, on voit les coutures...

      Supprimer
  2. Bon, celui-là on peut l'oublier. Pas grave, je n'ai pas lu le dernier, tout n'est pas perdu.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, tu peux passer, et j'ai noté son dernier aussi, les avis de Sandrine et d'Athalie étant plus qu'enthousiastes à son sujet.

      Supprimer
  3. J'avais bien aimé justement cette alternance passé/présent mais j'ai tout de suite compris ce qu'il en était ; cette intrigue était cousue de fil blanc. Toutefois, je garde un avis très positif sur cet écrivain !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Moi aussi, je garde un avis positif sur Ellory, après tout c'est ma 6e lecture de cet auteur et ma première déception ! Mais tu as raison à propos de l'intrigue, c'est à la fois elliptique pas assez subtil pour que l'on ne voit pas assez vite où il nous emmène...

      Supprimer
    2. Sans savoir pourquoi, j'ai tout de suite pensé à Shutter Island, de Denis Lehane et là, l'intrige m'est apparue cousue de fil blanc.

      Supprimer
    3. Tiens, je n'ai pas fait le rapprochement.. mais Shutter Island j'ai beaucoup aimé, contrairement à celui-là..

      Supprimer
  4. Bon, ce n'est pas le meilleur Ellory, on dirait

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas parmi ceux que j'ai lus en tous cas.... j'ai préféré, et de loin, Le chant de l'assassin, ou Seul le silence.

      Supprimer
  5. Je n'avais déjà pas été super emballée par Seul le silence lu il y a un moment, du coup je n'ai plus fait une urgence de l'auteur. Tant pis, il y en a tant d'autres...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah zut, "Seul le silence" est souvent considéré comme un de ses meilleurs titres (et je l'avais personnellement beaucoup aimé). Mais tu as raison, ce n'est pas comme s'il n'y avait rien d'autre à lire...

      Supprimer
  6. C’est bien tu priorises nos lectures quand on ne connaît pas un auteur ! 😉

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est l'autre rôle des blogs -le premier étant de recommander- que celui d'éviter aux visiteurs de perdre du temps avec certaines lectures... !

      Supprimer
  7. J'avais aussi été déçue par Les neuf cercles ... J'aurais pu recopier ton dernier paragraphe si je ne l'avais lu il y a fort longtemps. J'avais du coup laissé passer pas mal de titres de cet auteur, ce qui me permet de me rattraper maintenant !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Du coup j'ajoute Les neuf cercles à la pile des "à ne pas lire"... je me focaliserai sur son dernier titre qu'avec Sandrine, vous avez bien vendu !

      Supprimer
  8. Bonjour Inganmic
    Tiens, je n'avais pas encore remercié pour cette nouvelle participation aux challenges estivaux (avec un autre titre d'Ellory, après Seul le silence chroniqué par Violette [et aussi lu, naguère, par dasola!])? Désolé.
    Pour ma part, je n'en ai encore lu aucun...
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Tadloiducine,
      Mais pourquoi "désolé", il n'y a pas de mal... !
      Merci à toi pour l'organisation de cette édition "pavesque", j'espère que tu remettras ça l'an prochain.. et si tu as l'intention de découvrir Ellory, évite celui-là (mais je pense que tu l'avais déjà compris)..

      Supprimer
  9. J'ai aimé le chant de l'assassin et Papillon de nuit mais je n'ai pas lu celui-ci. Maintenant les écrivains sont tenus de refuser l'ordre chronologique s'ils ne veulent pas se faire démolir par la critique. Parfois, cela se justifie et c'est une réussite, d'autre fois, cela ne marche pas du tout. Finalement , toute structure narrative, si elle est imposée, finit par devenir une forme d'académisme ridicule et gêne la liberté d'expression.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est exactement ça ici, on a l'impression que la structure narrative répond à un exercice, et non à un choix fondé sur ce qui servirait au mieux l'intrigue. Du coup ça manque de naturel. Bon tu auras compris que je ne te conseillerai pas celui-là pour poursuivre ta découverte d'Ellory !

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Compte tenu des difficultés pour certains d'entre vous à poster des commentaires, je modère, au cas où cela permettrait de résoudre le problème... N'hésitez pas à me faire part de vos retours d'expérience ! Et si vous échouez à poster votre commentaire, déposez-le via le formulaire de contact du blog.