"Le chant de Salomon" - Toni Morrison
Envol vers la liberté.
Il s’appelle Macon Mort, comme son père et son grand-père, qui s’est vu attribué ce patronyme lors de son affranchissement par un officier de l’état civil ivre. Sa mère, Ruth, est la fille du médecin noir le plus célèbre de la région… Il mène au sein de sa famille une existence privilégiée et confortable, loin des préoccupations du reste de la population noire, en butte au racisme exacerbé de l’époque (années 1940/1960). A l’aube de la quarantaine, célibataire, travaillant dans l’affaire immobilière de son père, lui viennent des envies d’ailleurs. La recherche d’un hypothétique trésor en Virginie finit par se transformer en pèlerinage familial, sur la trace des enfants que furent son père et la sœur de celui-ci, la tante Pilate.
Il est très difficile de donner une idée de ce roman en le résumant. Toni Morrison a un style qui surprend au départ, mais par lequel on se laisse prendre petit à petit, et qui finit par vous accrocher de façon quasi hypnotique. Elle prend des libertés avec le réel en y incorporant des éléments surnaturels inspirés de légendes africaines, en mêlant avec ambiguïté rêves et réalité, en dotant ses personnages de touches d’excentricité parfois cocasses. Beaucoup de ces personnages sont tourmentés : ils cherchent un sens à leur vie, ont du mal, pour certains, à assumer leur passé ou leurs origines. Car d’origines il est question, dans « Le chant de Salomon », et de la place que chacun leur accorde : il est reproché à Macon de ne pas s’intéresser à son identité en tant que noir, de ne pas faire preuve de solidarité envers la communauté dont il devrait se sentir issu. Et c’est finalement en acceptant de s’approprier cette identité qu’il finira par se sentir libre en tant qu’individu. La quête de liberté et le besoin d’un retour à la terre de ses ancêtres est d’ailleurs évoquée de façon récurrente, assimilée au fait de pouvoir voler, s’évader (le récit s’ouvre justement sur une scène d’envol). En effet, si quête de liberté il y a, c’est avant tout parce que le peuple noir a été amené sur le territoire américain contre son gré, et qu’en dépit de l’abolition de l’esclavage, il a gardé en héritage cette sensation d’être prisonnier d’un pays qui n’est pas le sien.
J'avais adoré ce livre, autant et même plus que Tar Baby, même si la poésie de Tar Baby m'avait plus bercée. Je trouve en effet difficile de résumé un roman qui contient autant de thèmes: extrémismes, identité, réalisme fantastique, quête de soi, biographie...
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