LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"La maison de la faim" - Dambudzo Marechera

Sans regrets tout de même...

Je suis sûre que cela vous est déjà arrivé, à vous aussi...
Vous lisez quelques lignes à propos d'un roman apparemment exceptionnel, fortement original, qui font naître en vous une ardente évidence : il vous le faut, et de préférence de suite. Mais exception étant synonyme de rareté, il n'est plus disponible en librairie, et proposé sur Amazon et Abebooks à un prix rédhibitoire.
Vous trépignez, déçu et frustré, persuadé de passer à côté de la pépite du siècle, vous tentez d'oublier l'affaire en vous jetant à corps perdu dans la lecture d'autres titres soi-disant géniaux... et puis un jour, bingo !! Vous recevez une alerte d'Amazon : le titre en question est disponible à huit euros ! Vous trouvez cela presque insultant pour une œuvre de cette envergure, mais pas trop longtemps, voilà qui arrange bien votre portefeuille.
Vous n'y tenez plus d'impatience, guettez le facteur avec une avidité presque agressive et puis... enfin... enfin !! Vous voilà en possession de l'objet tant convoité, que vous manipulez avec une adoration de fétichiste, tremblant d'une satisfaction que les indifférents à la lecture ne comprendront sans doute jamais.
Évidemment, impossible d'attendre. Toute lecture en cours est mise en instance séance tenante. Vous plongez enfin dans le texte, déjà pantelant à l'idée du plaisir qui s'annonce.

Je suis sûre que cela vous est déjà arrivé...
Cet espoir incommensurable, qui retombe comme un soufflé. Cette auto-flagellation -psychologique, bien sûr- piteuse, que suscite rétrospectivement votre emballement naïf... "La maison de la faim", c'était mon Graal. LE livre qui, m'imaginais-je, marquerait -entre quelques autres tout de même- ma vie de lectrice... Oh, ce n'est pas un mauvais roman, loin de là. Mais pour l'expérience inédite et bouleversante, il faudra repasser.

D'abord, ce n'est pas un roman, mais un recueil de nouvelles, dans lesquelles Dambudzo Marechera s'est fortement inspiré de certains épisodes de sa propre existence. Nous sommes à la toute fin des années 70. Ancienne colonie britannique, le Zimbabwe ("Maison de pierre") subit un régime ségrégationniste (qui prendra fin en 1980) malgré son accession à l'indépendance en 1965.

Les textes qui composent "La maison de la faim" sont d'un abord parfois abrupt et insaisissable. Le premier, qui est aussi le plus long, a donné son titre au recueil. Le quotidien de ses divers protagonistes, jeunes noirs et habitants d'un township, est fait de violence et de médiocrité. La misère matérielle, la saleté, y côtoient le désespoir que font naître l'absence de perspective d'avenir, l'insécurité, et les relations agressives, brutales, entretenues avec les proches. 
L'intrigue repose sur un fil conducteur ténu, des scènes éparses la jalonnent, mêlant dans une curieuse osmose de crudité et de poésie, la violence des faits à un style métaphorique, qui confine souvent au lyrisme. 
Être noir dans le Zimbabwe de Dambudzo Marechera, c'est être condamné à la misère, c'est vivre avec le risque de se faire tabasser par les forces de l'ordre ou les militants pro-apartheid, c'est succomber à la tentation de l'oubli, procuré par l'alcool et la drogue.
C'est emporter partout avec soi une soif inextinguible d'indépendance et de justice, une propension à la rébellion ne tolérant aucun compromis. Ce qui n'empêche pas, aussi, d'avoir faim. De reconnaissance, d'amour et d'accomplissement intellectuel.

De courts textes succèdent au premier, certains évoquant de sombres fables dans lesquelles l'auteur, toujours sous la forme allégorique, exprime sa révolte, le problème étant que c'est parfois tellement allégorique que je n'y ai rien compris !

Dommage...  J'ai bien saisi en lisant ce roman que Dambudzo Marechera était un grand poète (parce que quand même, certains passages sont magnifiques...) mais j'ai eu du mal à m'immerger vraiment dans ce recueil que la profusion d'images et le caractère déstructuré m'ont souvent rendu obscur. 
"La maison de la faim" est assurément une œuvre remarquable, mais n'est pas celle qui marquera ma modeste vie de lectrice...

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