LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Un pays pour mourir" - Abdellah Taïa

Au nom d'elles.

"Un pays pour mourir" est de ces récits qui se lisent en apnée, porté par les voix d'héroïnes exprimant les souffrances comme les espoirs de leur féminité malmenée.

Zahira, marocaine, est prostituée à Paris depuis plusieurs années. Métier qu'elle exerce, surtout maintenant qu'elle se sait en fin de carrière, davantage par compassion que par pragmatisme, offrant son corps pour quelques euros aux migrants que l'état du monde pousse sur les routes. Elle est sans doute l'unique amie d'Aziz, qui, à l'issue de l'opération qu'il a finalement décidé de subir, deviendra Zannouba, avec ce fol espoir qu'enfin, son corps sera en osmose avec la véritable et profonde identité que ce huitième enfant d'une famille uniquement composée de filles a toujours revendiquée.

A travers dialogues ou monologues, les deux femmes abordent l'intime, les traumatismes anciens dont elles continuent de subir les résonances -le suicide dissimulé d'un père, l'autoritarisme rabaissant d'une mère-, mais aussi l'apaisement que la maturité leur a parfois permis d'aborder. Et comme en aparté, elles se font également les porte-paroles d'autres femmes, dont elles racontent les histoires d'amour impossible, de courage ou de renoncement, composant ainsi un tableau aux multiples figures qui deviennent ainsi les symboles d'une condition féminine souvent maltraitée, soumise, en même temps qu'elles sont les garantes de la solidarité, de la douceur et de la générosité qui permettent de calmer les douleurs que les violences et les humiliations leur font subir.

Elles sont, enfin, les représentantes de ce peuple de l'ombre qui hante les rues des métropoles occidentales, tentent de reprendre en main un destin qui les renvoie sans cesse à leur statut de victime. Elles paient leur conquête d'une pseudo-liberté dont les hommes riches et respectables à qui elles permettent d'assouvir leurs besoins primitifs, voire pervers, tiennent les rênes, au prix fort : celui de la solitude et de l'exil.

Chœur sororal où s'entremêlent détresse sociale et communion des corps, quête identitaire et besoin d'émancipation, "Un pays pour mourir" est un texte abrupt, dont la sonorité, à la fois violente et sensuelle, frappe le lecteur. L'auteur accentue ainsi l'intensité dramatique de son récit, qui par moments s'apparente même à la transcription d'une transe, le dotant d'une puissance émotionnelle qui ne peut laisser indifférent.


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Commentaires

  1. Je ne connaissais pas du tout cet écrivain mais le titre et ce que tu en dis me plait et me touche déjà. Je me sens toujours très concernée quand il s'agit de quête d'identité et de douleur. Je vais le noter dans ma wish list !

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  2. C'est vraiment un auteur à découvrir, avec ce titre ou un autre... il possède une force d'écriture indéniable, qui rend ses textes très émouvants.

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