"Une vieille maîtresse" - Jules Barbey d'Aurevilly
"Il y avait en elle les redoutables séductions qu'on peut supposer à un démon".
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Inquiète pour le bonheur de sa chère Hermangarde, elle interroge son futur gendre sur les fondements de cette rumeur. Ryno la rassure, il est profondément épris de sa petite-fille, et il a surtout définitivement quitté Vellini, avec laquelle il vécut, ainsi qu'il le lui rapporte en détail, dix ans d'une passion entamée dans la haine, faite d'orages et d'embrasement des corps. La marquise est convaincue de sa sincérité, et loin de s'offusquer du passé amoureux mouvementé de Marigny, elle se régale de l'honnête récit de cette liaison, en comprend les élans, avec la lucidité tolérante de qui a une longue expérience des passions et de la vie, et déplore l'hypocrite pudibonderie "anglaise" qui a investi l'air du temps...
Sincère, Ryno de Marigny l'est, véritablement. Pour preuve de sa bonne foi, et proscrire tout risque de tentation, le couple quitte Paris dès les noces célébrées pour les rivages normands. Mais les certitudes du jeune marié vacillent lorsque Vellini y fait son apparition...
"Une vieille maîtresse" est l'histoire de la lutte intérieure qui le déchire, opposant l'amour profond et légitime éprouvé pour une femme pure, de noble caractère, "belle à rendre amoureux tous les peintres", et l'attachement quasi surnaturel qui le lie à l'orgueilleuse et extravagante Vellini, qui dément, par son assurance et son extrême indépendance, tous les préjugés sur les femmes. Opposition, aussi, entre une relation gouvernée par la tendresse, la bienséance, le respect, et l'intensité d'une liaison sans tabou ni mensonge, qui permet de laisser s'exprimer tous les désirs, tous les sentiments, y compris les inavouables.
Il ne s'agit pas, entre ces deux femmes, antithèses l'une de l'autre, chacune étant dépeinte comme un symbole de ce qu'elle représente, d'une rivalité. Vellini elle-même prétend ne plus aimer Ryno, mais lui appartenir, comme il lui appartient, persuadée de la dimension ensorcelante -au sens strict du terme- de cette passion hors des convenances, défiant toute logique, mais dont Jules Barbey d'Aurevilly semble, à mots couverts, revendiquer son indulgence, exprimant à plusieurs reprises -notamment par l'intermédiaire de la malicieuse marquise de Flers- la décadence d'une société qui, rompant avec l'esprit caustique, élégant et libertin de l'Ancien Régime, a versé dans un moralisme étriqué.
Il dépeint par ailleurs le dilemme de Ryno, et l'inéluctabilité de sa chute dans les rets de sa mystérieuse et exaltée vieille maîtresse, avec minutie, laissant parfois sa plume verser dans le mélodrame, insistant sur la torture psychologique dont son héros est la proie, de la détresse fièrement tue dans laquelle sombre Hermangarde, ou sur les emballements d'une Vellini qui en acquiert une dimension presque diabolique. Et le lecteur est emporté par ce romanesque qui, s'il peut par moments paraître un peu débridé, n'en n'est pas moins convaincant, notamment lorsqu'il a pour cadre les falaises embrumées d'une côte normande que longe, à l'occasion, quelque spectre vêtu de blanc...
J'ai eu le plaisir de faire cette lecture en commun avec Sentinelle : son avis est ICI...
Un autre titre pour découvrir Jules Barbey d'Aurevilly : L'ensorcelée
Commentaires
Mais j'aimé tout de même, et je suis prête à convenir d'une date -plutôt fin juin, ou juillet- pour Le chevalier Des Touches, si tu veux !