"Les garçons de l'été" - Rebecca Lighieri
"Peu m'importe d'être terne et ordinaire : j'ai enfanté des titans quand tant d'autres se contentent de pondre leurs gniards".
Ça commence comme un roman de Joyce Carol Oates ou de Laura Kasischke : Rebecca Lighieri nous éblouit de l'étincelante perfection d'une famille qui en acquiert un caractère presque factice, pour ensuite en écailler le vernis, révélant les failles et les dysfonctionnements tapis sous les apparences.
D'avoir fait des "Garçons de l'été" un roman polyphonique lui facilite la tâche. La voix de la mère lui permet ainsi d'aborder la famille Chastaing par sa facette sublime. Mylène, que ses enfants appellent Mi, pharmacienne de son état, comme son époux, est l'archétype de la bourgeoise tirée à quatre épingles, imbue de la certitude de la supériorité des siens. Elle voue notamment à ses deux fils -surtout l'aîné- une admiration sans bornes, exhaussée par le fait qu'elle-même et leur père sont plutôt insignifiants. Il faut avouer que la description qui nous en est donnée les apparente à des demi-dieux. Beaux, sportifs, intelligents, ils n'ont visiblement jamais connu que la réussite, des vagues biarrotes sur lesquelles ils surfent depuis leur plus jeune âge, aux bancs de l'université où ils sont promis à de brillantes études.
Thadée, l'aîné -vers qui va la préférence de Mylène- éprouvant néanmoins le besoin de faire un break avant d'entamer un probable cursus à sciences Po, est parti surfer une année à La Réunion. C'est de l'île, où il a rejoint son frère pour quelques jours de vacances, que Zachée, le cadet, appelle leurs parents : attaqué par un requin, Thadée est hospitalisé. Les médecins ne parviendront pas à sauver sa jambe...
Le récit, porté par Mylène, de l'annonce de l'accident et de son arrivée à La Réunion où elle se précipite pour soutenir son fils, est entrecoupé de brèves interventions de Thadée, d'où s'élèvent, comme des images subliminales dont on n'appréhende pas immédiatement l'impact, des exhalaisons de haine malveillante...
Puis, au fil des voix de Zachée, de sa petite amie Cindy, de Jérôme, le père, ou encore d'Ysé, la cadette Chastaing, qui n'a pas la flamboyance de ses frères, mais possède une intelligence hors norme qu'elle cultive avec discrétion, les fissures se révèlent... la tromperie du mari, l'aveuglement de Mylène, l'aigreur de Thadée qui ne parvient pas à dépasser le drame... mais tout cela n'est rien encore. Bientôt, les fissures vont devenir béances, et la famille Chastaing connaître la descente aux enfers...
On bascule alors dans une intrigue à la Stephen King, instillant une horreur latente, presque surnaturelle, parfois à la limite du tragi-comique, avec Ysé pour narratrice. Le rythme de l'action redescend, Rebecca Lighieri nous place dans l'attente d'un final qui se fait un peu désirer, d'autant plus qu'on a eu tôt fait d'élucider le mystère entourant cette dernière partie, qui n'abuse que la jeune sœur des fils Chastaing (c'est d'ailleurs probablement pour cela que l'auteur aborde cette dernière partie à travers son regard).
J'ai donc éprouvé à cette lecture un plaisir inégal. Malgré la dimension un peu caricaturale de certains des protagonistes, je n'ai pas pu lâcher ce roman pendant ses deux premiers tiers, l'alternance des voix lui conférant une énergie et une tension addictives. Mon intérêt est ensuite retombé dans l'ultime tiers, pour les raisons évoquées ci-dessus, et aussi parce que j'ai trouvé qu'Ysé, avec son savoir encyclopédique et ses lubies hors normes, n'était pas une héroïne très crédible.
>> L'avis -sans bémol- de Leiloona.
>> L'avis -sans bémol- de Leiloona.
Tu as raison, l'énigme n'en est une que pour la gamine... N'empêche, je suis resté scotché à cette histoire du début à la fin.
RépondreSupprimerSi jamais un jour une adaptation ciné est prévue, tu pourras toujours conseiller au scénariste de retravailler le personnage d'Ysé (ou carrément de le faire disparaître) :D
Je ne suis pas convaincue d'avoir le poids ou la légitimité pour ce faire...
SupprimerJe suis d'accord avec toi pour les deux tiers du livre, la fin est toujours un peu surréaliste et incompréhensible, trop décalée par le rapport au récit.
RépondreSupprimerLe terme "décalé" est en effet très juste : bien que ce décalage soit clairement volontaire de la part de l'auteur, il casse, je trouve, toute la dynamique qui porte le lecteur -et le scotche, oui, comme l'écrit Autist Reading- depuis le début...
Supprimerj'aime beaucoup Laura Kasischke alors je tenterai peut-être.
RépondreSupprimeril faut d'abord que je lise tous les romans de Joyce Carol Oates qui sont dans ma PAL!!!!
Oui, il pourrait te plaire, et il se lit malgré tout très facilement. Un bon roman pour les vacances, en somme. Et je vais aller traîner du côté de ta PAL, si elle est accessible sur ton blog, car j'ai moi aussi un ou deux titres d'Oates dans la mienne. Cela pourrait être l'occasion de prévoir une LC !
SupprimerMouais... Je ne pense pas en faire un priorité on va dire ;)
RépondreSupprimerUne priorité, non, mais une lecture quand même sympa, pour des futures vacances, par exemple...
SupprimerTellement d'accord avec ton avis !! Ysé ne m'a pas convaincue, contrairement à la copine de Zaché que j'ai bien aimée.
RépondreSupprimerOui, moi aussi, elle apporte dans cette galerie de personnages un peu caricaturaux un peu de crédibilité... et c'est une héroïne très sympathique.
SupprimerTotalement d’accord avec toi. Ce livre démarrait comme une bombe mais l’histoire du clown... pouf. Je persiste à dire que j’ai trouvé ça ridicule et Ysé insupportable. Vraiment dommage
RépondreSupprimerJe suis plutôt contente de voir à quel point nos avis se rejoignent... à force de ne lire que des éloges sur ce tire, je finissais par me demander si je n'étais pas passée à côté de quelque chose !
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