LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Un nommé Peter Karras" - George P. Pelecanos

"Un homme plus grand que son ombre, voilà ce qu'était Pete Karras. Et il ne le savait même pas."

C'est le portrait d'un héros anonyme que brosse George P. Pelecanos avec ce roman. Un héros qui s'ignore, et qui ne compte à son actif ni exploits grandioses, ni performances extraordinaires. Peter Karras est même bourré de défauts. Il boit trop, n'a pas d'ambition, traite sa femme -à qui il est par ailleurs infidèle- comme une domestique (c'est lui qui le dit), ne sait pas comment se faire aimer de son petit garçon. Il ne se fait d'ailleurs aucune illusion sur lui-même. Et l'apparence d’austérité, d'impassibilité qu'il affiche, dissimule un homme en proie à ses manquements, qui ne connaît pas vraiment la sérénité, et qui s'est toujours senti différent des autres, incapable de se fixer dans une vie sans heurt, ou de planifier son existence. Mais c'est aussi un homme fortement attaché à une éthique personnelle qui place la droiture, la sincérité et la défense des innocents au-dessus de tout, et qui surtout suit cette éthique sans aucune compromission, avec l'humilité de ceux qui ne sont pas conscients de leur courage.

On apprend à le connaître en suivant plusieurs épisodes de sa vie.

D'abord l'enfance, dans les quartiers populaires du Washington des années trente. Fils unique d'immigrés grecs, plus précisément spartiates -une nuance qui compte, dans cette communauté où l'on évite les mésalliances- Peter se partage entre un foyer où son père, alcoolique et aigri, fait régner son humiliante brutalité, et l'effervescence de rues qu'il parcourt en compagnie de sa bande de copains, tous d'origine étrangère, dont les parents tirent le diable par la queue pour nourrir et vêtir leur souvent nombreuse progéniture.

Ensuite la guerre, aux Philippines, où il combat, comme d'autres de ses camarades, contre les japonais. Certains ne reviendront pas. Pour Peter, l'heure de la mort n'a pas encore sonnée. A son retour dans sa ville natale, il retrouve son ami Joe Recevo, l'italien auquel le lie une complicité quasi fusionnelle. Les deux hommes effectuent des missions pour le compte d'un malfrat local, rackettant les commerçants du quartier. Le zèle de Peter laisse à désirer, il connait trop les victimes pour se montrer vraiment méchant, et il ne veut surtout dépendre de personne...

A la trame principale que constitue le destin de Peter, se tissent d'autres fils, étoffant l'intrigue : un jeune homme gentil et un peu naïf quitte son patelin pour rechercher sa sœur dans les bordels de Washington, un psychopathe éviscère les prostituées obèses qui ont le malheur de croiser sa route... le tout forme un ensemble parfaitement cohérent, rendu particulièrement vivant par un environnement bien présent, la ville elle-même -dans laquelle Peter Karras aime tant déambuler, s’imprégnant de ses sons et de ses odeurs- formant presque un personnage à part entière, notamment par sa facette nocturne, hantée par ses noctambules, la musique s'échappant de ses clubs de jazz, ou les huées des spectateurs des combats de boxe. 

Commentaires

  1. C'est Washington le personnage principal de (presque) tous les romans de Pelecanos. Sa trilogie qui se déroule dans les années 70, 80 et 90 (un roman par décade) et montre l'évolution de la ville à travers son ghetto est ce qu'il a écrit de mieux selon moi.

    Pour info, l'ordre de la trilogie est : King Suckerman (années 70) / Suave comme l'éternité (années 80) / Funky guns (années 90).

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    1. Merci Jérôme, pour ces précisions. C'est sûr, je relirai Pelecanos !

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  2. Bonjour Ingannmic, pas encore lu de romans de Pelecanos. Celui-ci pourrait être une bonne introduction d'autant plus que j'ai vécu 4 mois à Washington. Bonne journée.

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    1. Coucou Dasola, je pense que cet auteur te plairait, il décrit sa ville de manière très prégnante, du moins ses quartiers populaires. Et il a une rare capacité à dire beaucoup en peu de mots..
      Je te souhaite de bonnes fêtes de fi d'année !

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  3. En plus des trois de la trilogie j'ajouterais les trois Nick Stefanos, personnage croisé dans la trilogie avec Liquidation, Nick la galère et Anacostia River Blues. Le quartier, et certains personnages (comme Nick, ou la femme de Marcus Clay de la première trilogie) seront croisés également dans la série suivante consacrée à deux autres privés, Derek Strange et Terry Queen : Blanc comme neige, Tout se paye, Soul circus.
    En fait chez Pelecanos, tout est bon !

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    1. Je note, je note ! Si je me souviens bien, je crois d'ailleurs que c'est dans ton TOP 100 que j'avais repéré ce titre... Merci pour la visite et les conseils !

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    2. Oui, je me suis fait une petite liste à partir de la tienne, avec d'autres que j'emporte quand je pars en ballade "livresque"..

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