LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Dans les angles morts" - Elizabeth Brundage

Un joli coin de campagne...

De retour chez lui après sa journée de travail à l'université où il est professeur, George Clare trouve le cadavre de sa femme Catherine dans le lit conjugal, assassinée à coups de hache. Principal suspect aux yeux des autorités locales, le veuf semble surtout préoccupé par la responsabilité qui lui incombe dorénavant vis-à-vis de Frances, sa fille de trois ans.

On se croit donc embarqué dans une intrigue policière... et on se retrouve au cœur de l’entrecroisement de destins douloureux, dont Elizabeth Brundage nous livre une chronique amère, illuminée pourtant de quelques belles figures...

Car l'Amérique rurale de la fin des années 70 que dépeint l'auteur -puisque c'est là qu'elle nous emmène- n'a rien de bucolique. Fermiers ruinés et alcooliques, animaux affamés, épouses amères, enfants au nez morveux, vieux brisés, telle est, ici, la vie de la ferme. Les fils Hale pourraient en témoigner. Acculés par les dettes, leurs parents ont préféré jeter l'éponge en s'asphyxiant aux gaz de leur automobile. Recueillis par leur oncle maternel qui tient un foyer de réinsertion pour anciens détenus, Eddy, Wade et Cole ne peuvent s'empêcher, comme aimantés par le souvenir de leur mère adorée, de tourner autour de la maison familiale, vendue pour une bouchée de pain aux Clare. C'est ainsi qu'ils font la connaissance de Catherine, avec laquelle les trois garçons nouent une sincère amitié. 

Remontant aux mois précédant la mort de Catherine, le récit alterne dans un premier temps entre l'histoire de ces deux familles. L'alcoolisme de l'époux Hale, sa rudesse voire sa violence, évoquée plutôt que décrite, son incapacité à exprimer ses émotions. La solitude de sa femme, négligée, résignée, ayant laissé derrière elle une possible carrière d'infirmière pour cet homme dont la force l'avait séduite, pour cette existence à tirer le diable par la queue. Heureusement, elle a ses garçons, gentils, sensibles et solidaires...
Les similitudes avec le sort de Catherine en sont troublantes. George est certes un homme séduisant, cultivé, promis à un avenir confortable. Mais elle aussi a abdiqué son épanouissement et son indépendance, pour devenir mère au foyer, alors que du couple, c'est elle qui était la plus brillante. 

Ces deux destins de femmes mis en parallèle évoquent un lent et inéluctable dépérissement auquel s'ajoute, pour Catherine, la progressive découverte de la véritable personnalité, cynique, avide et arrogante, de son mari.

Elizabeth Brundage construit son intrigue avec une grand maîtrise, diversifiant les points de vue, posant précisément ses nombreux personnages, n'en négligeant aucun, pour ensuite décortiquer les mécanismes et les enjeux qui président à leurs relations, les raisons -parfois mauvaises- qui poussent à lier son destin à un autre, la frustration, le dépit, les mensonges... Il en résulte un récit riche et passionnant, au rythme lent mais jamais fastidieux car il participe de la délectation que procure au lecteur ce sentiment de pénétrer l'intimité profonde des héros. C’est un récit hanté par des détresses qui se côtoient, se transmettent ou se rencontrent... mais aussi sur la capacité des êtres à les dépasser, à se réaliser en dépit des souffrances que les drames leur ont laissé en héritage.

A lire...

>> Les avis de Krol et de Kathel.

Commentaires

  1. Oh oui un roman riche, profond et passionnant. Tu en parles très bien.

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    1. A vrai dire, j'ai eu des difficultés à rédiger ce billet, parce qu'il y a énormément à dire, et je ne voulais pas non plus trop en dévoiler. J'ai par exemple beaucoup aimé certains des personnages secondaires (notamment Judith ou l'agente immobilière mariée au shérif). Un récit intelligent, et bouleversant aussi, oui...

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  2. Ce n'est pas une lecture "je passe et puis j'oublie", c'est un roman qui ne manque pas de force.

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    1. C'est vrai qu'il laisse une réelle empreinte, en partie grâce à cette profondeur avec laquelle l'auteur aborde ses personnages.

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  3. En tout cas, ça donne envie! Merci !

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    1. Mais de rien, j'espère que tu prendras autant de plaisir que moi à le lire !

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  4. Oui cela donne vraiment envie de le lire !

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  5. J'en ai beaucoup entendu parler et je crois que je vais me laisser tenter...
    Bon dimanche.

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    1. Oh oui, laisse-toi tenter, tu ne le regretteras pas. Bonne lecture !

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  6. Les avis semblent unanimes, et tu es convaincante .

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    1. J'espère donc que tu te laisseras convaincre. En plus il vient de sortir en poche, il n'y a plus aucune excuse !

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  7. J'ai très hâte de le lire... Il arrive ici en poche à la mi-février. Même si je ne veux pas trop en savoir, je n'ai pas pu m'empêcher de lire ton billet! Ton enthousiasme est contagieux.

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    1. C'est vrai que c'est mieux découvrir la richesse de ce roman au fil de la lecture. Ceci dit, c'est surtout la familiarisation progressive avec les personnages qui tient le lecteur, plus que de connaître l'identité de l'assassin... bonne lecture, en tous cas !

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  8. Un gros coup de coeur pour moi aussi ! J'ai aimé cette façon dont le récit d'apparence policière se transforme en roman social.

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    1. Oui, et l'auteur mêle très habilement le social et l'intime, j'ai vraiment apprécié sa façon d'instaurer une proximité forte avec ses personnages. Une bien belle réussite..

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  9. Bonjour Ingannmic, j'ai été très contente de découvrir cet écrivain avec ce roman prenant. J'espère qu'elle en écrira d'autres de cette qualité avec des personnages aussi forts. Bonne soirée.

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    1. Bonjour Dasola,
      Oui, j'espère comme toi qu'elle renouvellera... et nous devons être nombreux dans ce cas, compte tenu du succès de ce titre.
      Bon week-end.

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