LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Bariloche" - Andrés Neuman

"Il y a encore plus longtemps, il avait vécu dans un endroit bien plus reculé, beaucoup plus distant de la capitale et de ses turbulences : là où les choses poussaient dans l’allégresse et vieillissaient calmement."

"Bariloche" nous immerge dans le quotidien de Demeterio Rota, éboueur à Buenos Aires. Le récit alterne entre les aubes laborieuses aux côtés de son collègue Negro, au volant du camion déglingué auquel ils ont fini par s'attacher, et la solitude de son petit logement où il passe de longs moments d'observation dernière sa fenêtre, à moins qu'il ne tente de placer des pièces supplémentaires sur un puzzle en cours, pas toujours le même, mais reprenant toujours le même thème, celui d'un paysage de montagne qui lui est familier.

Les brefs chapitres qui se succèdent dévoilent peu à peu le mystère que constitue ce héros laconique, secret, qui semble souvent absent, dont les actes sont parfois imprévisibles. On le surprend ainsi dans de clandestins rendez-vous avec la femme de Negro, à laquelle il promet un sempiternel mais illusoire engagement, ou invitant à bord de leur camion-poubelle, au grand dam de son collègue, un mendiant ravi de la ballade, exhalant des relents pestilentiels.

Mais ce sont surtout les courtes incursions dans ses souvenirs, où l'on bascule du "il" au "je", qui nous éclairent sur ce qui a fait de lui ce jeune homme donnant l'impression d'exister sans vivre. Il y évoque sa première histoire d'amour avec une envoûtante fille rousse qu'il n'a jamais oubliée, et leurs torrides nuits de fugues sur l'île du lac Nahuel Hapi, dans la région de Bariloche, dont il est originaire, et où il vécut jusqu'à ce que la précarité l'oblige, avec sa famille, à vivre en ville.

Une ville dans laquelle Demeterio, déraciné, obsédé par ce qu'il a perdu, sans repères, évolue comme dans une dimension parallèle. L'environnement urbain est dépeint comme un piège gluant qu'il observe comme à distance, assimilé à une nature froidement hostile, les rues ressemblant à une "forêt pétrifiée", le métro "exhalant des fleurs de lenteur"...

A partir d'une histoire somme toute banale, focalisant son intrigue sur quelques épisodes subtilement significatifs, Andrés Neuman nous offre un très beau récit, portée par une poésie limpide et concrète mise au service d'une atmosphère sourdement mélancolique.


Un autre titre pour découvrir Andrés Neuman : Parler seul.
Cette lecture me permet par ailleurs de participer au Challenge Latino d'Ellettres :

Commentaires

  1. En lisant le titre de ton article, je me suis effrayée, je ne me souvenais plus ce que m'évoquait Bariloche ! Et puis, bien-sûr, l'Argentine. Il repart bien le challenge Latino d'Elletres, c'est chouette.

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    1. Je ne connaissais pas du tout Bariloche avant cette lecture. Andrés Neuman est en effet un auteur à découvrir. Son titre "Parler seul" est également très beau, bien que triste aussi..

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  2. Je suis ravie: il est dans ma PAL! "Parler seul" m'avait bouleversée...

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    1. Dans ce cas, il te plaira aussi, on y retrouve la même tristesse douloureuse mais discrète, et la très belle écriture d'Andrès Neuman.

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  3. Oh la la encore un auteur que je ne connais pas.

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  4. je me disais bien que Marie avait déjà lu cet auteur et le titre m'échappait ! je vais attendre son arrivée à la BM du coup puisque vous êtes toutes deux enthousiastes !

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    1. J'espère que ta bibliothèque le proposera, ce serait dommage de passer à côté !

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  5. Je connaissais Bariloche comme LA station de ski prisée des Argentins. Ton billet m'incite à la découvrir sous un nouveau jour, par le biais d'une histoire originale (où a-t-on déjà vu des éboueurs dans la littérature ?)
    et avec un auteur que je ne connais pas. Bienvenue dans le challenge latino Inganmic, et à bientôt j'espère !

    ELLETTRES

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    1. Bariloche est dans ce récit surtout présente dans l'esprit du héros, par ailleurs immergé dans l'environnement urbain que constitue Buenos Aires, où il ne se sent pas à sa place.. et tu as raison, un personnage éboueur, ce n'est pas commun (je crois, oui, que c'est la première fois que j'en "rencontre" un) ! Je proposerai très bientôt un autre titre "latino", ayant l'intention de lire dans les jours qui viennent un polar argentin.

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