LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Et filii" - Patrick Da Silva

"... de tous ces gens, de cette commune, elle ne saurait être tenue pour innocente".

J'ai découvert Patrick Da Silva avec "Au cirque", dont j'avais apprécié l'originalité de l'écriture. Avec "Et filii", il nous offre également un récit singulier...

Le roman se présente comme la succession d'auditions que recueillerait un écrivain en vue d'écrire sur un tragique événement.. puis on comprend assez vite que l'auditeur est en réalité un séminariste récemment arrivé dans la bourgade où se situe l'action, dont le statut d'étranger et surtout la capacité à écouter semble délier les langues. 

Et ils sont nombreux à se confier : Marthe l'institutrice, depuis le parloir de la prison ; Leïla, jeune maman qui fait les ménages à l'école du village et ancienne élève de Marthe ; son frère Mourad ; Désiré le sculpteur aveugle ; Francis l'ancien syndicaliste ; Germaine et Marius...

Etant admis que, hormis le lecteur, tous savent ce qui s'est passé, les faits à propos desquels ils s'expriment ne sont pas énoncés. Il est question du suicide d'un certain Elie, du meurtre d'un couple de Hollandais, sans que l'on comprenne dans un premier temps le lien entre ces événements, ni le rôle qu'y ont joué les différents protagonistes.

A partir de cette compilation de témoignages, de versions, les voix de "ces gens d'ici", chacune particulière, humble ou amère, furieuse ou malheureuse, dessinent peu à peu l'âme du village. Un univers paysan reconverti en monde ouvrier lorsque s'est implantée l'usine qui pendant des années a fait vivre le pays. Elle en même créé un, de pays, l'usine. Celui des prolétaires, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, car finalement ils se ressemblaient comme des frères, les "macaronis", les "bicots", les "portos" et ceux nés ici : tous des paysans, à l'origine. 

En fermant, l'usine les a aussi tous laissés sur le carreau, en a fait des morts-vivants, ravalés au rang d'inutiles et d'invisibles. Leur pays est devenu un cimetière de macchabées ambulants. Ça a ravivé les dissensions qui ne sont jamais loin, attendant la moindre occasion de réveiller les vieilles querelles ou d'en alimenter de nouvelles, patrons contre travailleurs, ceux qui subissent en la fermant contre ceux -peu nombreux- qui se révoltent, comme Elie, dont le jusqu'au-boutisme en effrayait beaucoup, et qui a fini par le mener chez les "dingues", parce qu'on l'a prétendu fou, alors qu'il n'était qu'épris de justice. Ça a installé une atmosphère délétère, propre à chercher des boucs émissaires au moindre drame : l'ouvrier, le collègue, l'ami d'enfance est alors redevenu "l'arabe".

Bien que l'intrigue m'ait par moments semblé confuse à force d'ellipses, j'ai beaucoup apprécié cette lecture portée par l'écriture particulière de Patrick Da Silva, à la fois truculente et poétique, imbrication de parler populaire et de tournures surannées, d'élégance et de familiarité...

... jusqu'à sa dernière partie, dont la dimension symbolique, spirituelle, m'a complètement perdue, me laissant sur un sentiment de frustration...

Dommage.

Commentaires

  1. La frustration en fin de livre j'en sors, alors non merci ..

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    1. Oui, c'est ce que j'ai vu sur ton blog... je comprends !

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  2. La confusion + la frustration, ça fait beaucoup trop pour moi alors non merci^^

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    1. En revanche, Au cirque n'a pas ces défauts, et mérite vraiment d'être découvert, pour son style original..

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  3. Je prends mes jambes à mon cou, cette fois. Déjà que "Au cirque" ne m'avait pas convaincu...

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    1. Ah oui ? j'avais beaucoup aimé personnellement, c'est d'ailleurs pour ça que j'ai lu celui-ci...

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  4. Même si tu finis par une déception, je note quand même pour l'écriture que tu évoques... PS : pour les ferrailleurs, je note juin !!!! Merci de me l'avoir proposé !

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    1. Dans ce cas, note peut-être plutôt Au cirque. Et pour Les ferrailleurs, tu veux faire comment ? On lit les trois en suivant, ou on laisse de la marge entre chaque ? Et quelle date te convient en juin ? J'ai déjà une LC le 15 mais rien sur le reste du mois..

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  5. Dommage, j'avais presque noté le nom du livre et de l'auteur quand j'entamais la dernière partie de la chronique !

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    1. Mais tu peux le noter, seulement plutôt avec Au cirque...

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  6. Je dirai tout comme Jérôme... (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)

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