"Willnot" - James Sallis
"John Updike a écrit que, même si nous restons tous tragiquement seuls, il est impératif de continuer à faire des signes aux autres à travers vers la vitre".
Willnot, c’est un peu l’antithèse du trou perdu peuplé de citoyens obtus et méchants que la littérature américaine a coutume de nous dépeindre…
Cette bourgade où la bizarrerie est norme ne compte ni église ni panneaux publicitaires ; les chaînes de supermarchés et les magasins discount y sont de même interdits… Comme resté figée sur la tentative d’une concrétisation de l’utopie hippie des années 70, sa population vit hors des clous, insensibles aux sirènes des modes et des consensus.
Ce n’est pas pour autant que la vie y est un long fleuve tranquille…
Au moment où débute le récit, une enquête est en cours suite à l’exhumation de cadavres trouvés dans une ancienne carrière. En parallèle, Bobby Lowndes réapparaît en ville après plusieurs années d’absence, ayant servi sous les drapeaux -notamment en Irak-, et se fait tirer dessus par un mystérieux sniper.
C’est Lamar, le médecin de Willnot, également chirurgien voire vétérinaire en cas d’urgence, qui nous relate ces événements. Mais ils ne sont évoqués que comme les épisodes parmi d'autres d’un quotidien qui voit défiler les maux éphémères et les pathologies graves, les détresses, les espoirs et les troubles psychologiques (curieusement en très nette progression) d’une humanité sur laquelle le narrateur pose un regard lucide mais tendre et optimiste, persuadé de la capacité de l’homme à faire des efforts surhumains pour dépasser ses instincts violents…
Hors de son cabinet ou de la salle d’opération du petit hôpital de Willnot, Lamar mène une vie de couple sereine et équilibrée avec son compagnon Richard, professeur de collège passionné par son métier.
Si j’ai choisi cette lecture pour la thématique du jour Mois Américain, c’est parce que Willnot se trouve au rayon polars des librairies. Mais malgré une entame laissant entrevoir la possibilité d’une enquête, on comprend rapidement que ce n’est pas dans cette direction que nous mène James Sallis, et il est sans doute préférable d'être averti qu'aucune des énigmes posées par l'auteur ne sera résolue... Constitué d’une succession d’événements dont le seul point commun est finalement que Lamar en est l’acteur ou le spectateur, Willnot est, plus qu’un roman policier, la chronique d’une petite communauté que la profonde empathie et l’humble curiosité du narrateur vis-à-vis de la diversité du monde nous rend irrémédiablement sympathique.
Le trait est vif, tendre, et souvent drôle, notamment grâce aux dialogues enlevés, souvent facétieux, et malgré les tragédies qui ne manquent pas, ici comme ailleurs, de s’inviter dans le cours des existences, on referme ce livre pris d’un soudain accès de bonne humeur, et avec la furieuse envie de prendre le premier vol en partance pour Willnot !
Une idée piochée chez Kathel, qui me permet de participer à la thématique du jour du Mois Américain :
Mais ça a l'air pas mal du tout!
RépondreSupprimerMais oui, c'est très enlevé, et très plaisant, à condition de ne pas s'attendre à un vrai polar, et d'accepter que la plupart des questions restent sans réponse !
SupprimerJe copie sur Keisha !
RépondreSupprimerBonne idée !
SupprimerOh, merci, j'allais commenter en disant que j'avais beaucoup aimé l'atmosphère de Willnot, mais je vois que tu as déjà cité mon billet. Chouette souvenir que cette lecture.
RépondreSupprimerC'est d'ailleurs ton billet qui m'avait définitivement convaincue de le lire..
SupprimerEt bin tout un polar a decouvrir alors...;)
RépondreSupprimerPas vraiment un polar, malgré les apparences (et il risque de décevoir les amateurs de romans policiers), plutôt une chronique centrée sur de beaux portraits de personnages..
SupprimerOh je viens de lire un polar comme ca....je suis l'hiver de Ricardo Romero....plus base sur l'ambiance autour d'un meurtre....vraiment excellent...donc je pense que j'aimerais vraiment ton livre...;)
SupprimerPolar ou pas, moi en tous cas je l'ai aimé, et je le recommande ! Et je note au passage le Ricardo Romero..
SupprimerJe ne connaissais pas du tout l'auteur ni le titre. J'ai lu avec curiosité ton billet et le moins qu'on puisse dire, c'est que tu donnes vraiment envie de découvrir cet auteur ( comme beaucoup d'autres billets d'ailleurs :-))
RépondreSupprimerJe le connaissais seulement de nom, avant cette lecture, mais j'y reviendrai sans doute, il a une voix singulière...
SupprimerOn dirait un roman qui aurait pu être écrit par Russo !^^
RépondreSupprimerC'est beaucoup moins dense et moins mélancolique... la comparaison ne m'est pas venue à l'esprit, mais en y repensant, il y a quelque chose, oui, dans la manière de planter le décor de cette bourgade et de ses habitants.
SupprimerTu es tout à fait convaincante. Je ne lis quasiment pas de polars, mais visiblement, il n'entre pas complètement dans cette catégorie.
RépondreSupprimerOh non.. James Sallis écrit habituellement des polars qui répondent davantage aux codes du genre, si j'ai bine compris, mais là.. l'intrigue "policière" est laissée en plan et n'a finalement aucune importance. je pense qu'il pourrait te plaire...
SupprimerTout laissait à penser que ce titre était un polar, effectivement. mais un bon livre, c'est assez pour me convaincre de découvrir la communauté de Willnot !
RépondreSupprimerUne lecture très plaisante, en tous cas, j'ai beaucoup aimé les dialogues, drôles et subtils, et les différents personnages.
SupprimerPolar ou pas, on peut compter sur la qualité chez Rivages ;-)
RépondreSupprimerC'est vrai que c'est une valeur sûre...
SupprimerMoi aussi je copie Keisha. "pourquoi pas ? ça a l'air pas mal du tout ! " De quoi passer un moment agréable.
RépondreSupprimerExactement, cela ne se refuse pas (d'autant plus qu'il est court) !
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