"Vanda" - Marion Brunet
"On compte tellement pour rien. C'est même plus du cynisme, c'est au-delà".
Car Vanda est une fille sauvage. Une hyper sensible et une rebelle, plus qu’une révoltée, qui a gardé la capacité à laisser sa nature prendre le dessus, et rejette de manière instinctive les carcans d’une société dont le matérialisme la laisse indifférente. Même sa beauté est sauvage, couronnée par son abondante chevelure bouclée, soulignée par ses multiples tatouages. Les rapports mère-fils sont quant à eux empreints d’une dimension presque animale, riche d’odeurs et de touchers (Vanda a toujours un tee-shirt sale de Noé au fond de son sac pour pouvoir à tout moment le renifler).
Mais cette liberté se heurte, forcément, aux contraintes sociales… Pour assurer le minimum alimentaire, Vanda travaille en intérim dans un hôpital psychiatrique où elle fait le ménage. Comme sur un fil, sa vie est en permanence au bord de la rupture et de la précarité.
Un parcours opposé à celui de Simon, qui a fui sa province méridionale de médiocrité et de laisser-aller, Simon qui rêvait de l’hygiénisme des villes du nord, de leurs lignes pures et de leurs trottoirs propres, qui voulait gagner sa vie, avoir un boulot reconnu, bref, être pris au sérieux… Or, dans cette ville pourtant tragique où survivent les sans-dents, les malnutris, les petits, les laids, rien ne peut jamais être sérieux, à part de ne pas louper l’heure de l’apéro. Même les immeubles y sont tordus -la preuve, ils s’écroulent-, tout y est modifiable, discutable. Alors il est parti faire son trou à Paris, où il a perdu son accent marseillais, gratté sa couche provinciale. Et ça lui a réussi : il a trouvé un bon job dans une boîte de graphisme, et s’est installé avec Chloé, femme élégante aux dents longues, dans un bel appartement aseptisé. Il est dans la nuance, le bienséant…
Il revient à Marseille à l’occasion de la mort de sa mère, qu’il n’a d’ailleurs jamais osé présenter, par honte de ses origines, à Chloé. A l’époque, sept ans auparavant, où il sortait avec Vanda, il n’a jamais voulu non plus l’emmener chez lui, mais c’était à l’inverse pour ménager sa mère... Sur un malentendu, et persuadée qu’il va repartir à Paris sitôt l’enterrement terminé, Vanda lui apprend qu’il est père. Une nouvelle qui fait basculer la perspective de sa vie, remet en cause tous ses projets….
Pris de velléités paternelles, Simon devient une menace…
"Vanda", c’est avant tout le portrait de son héroïne éponyme, électron libre que Marion Brunet magnifie, qu’elle incarne en une figure brûlante, puissante. Il est certes question, au-delà de la dimension intime du récit, d’un territoire, d’un monde au bord de l’explosion sociale, celui de ces invisibles qui ont le dos cassé par le travail mais ne bouclent pas leurs fins de mois, qui subissent jour après jour l’iniquité d’un système dont l’absurdité prêterait à rire si elle n’avait pas des conséquences aussi tragiques… Mais ce qu’il me restera surtout de cette lecture, c’est la lumière à la fois éclatante et fragile de Vanda, sa manière d’être au monde avec cette intégrité instinctive qui la définit.
En parfaite osmose avec son propos, l’écriture est directe, spontanée, parfois crue, comme naturellement générée par le flux des gestes, des sensations, mais aussi tendue par une violence sous-jacente, qui semble perpétuellement sur le point d’éclater…
Une belle réussite.
Ce sont les avis de Jérôme, de Ray et de Jean-Marc qui m'ont convaincue.
Petit bac 2021, catégorie PRENOM.
Commentaires
Le Russo avance bien...
Un très beau livre que je conseil