LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Les palimpsestes" - Aleksandra Lun

"Nous naissons tous fous, et quelques-uns le demeurent".

Voilà un titre qui répond aux promesses que laisse entrevoir son attirante couverture déjantée…

Il faut dire qu’Aleksandra Lun nous emmenant dans un hôpital psychiatrique de Liège (sis dans une Belgique sans gouvernement depuis un an, ainsi qu’il nous le sera répété à l’envi), on y croise un monde fou… la question est de savoir qui sont les fous ?

Czesław Przęśnicki voulait devenir vétérinaire, mais pour son malheur, il a fini écrivain. Un écrivain raté, comme il se définit lui-même (son premier roman s’est vendu à six exemplaires dont quatre ont été retournés à l’éditeur) et qui s’est surtout fait remarquer pour avoir écrit dans une langue qui n’est pas la sienne. Polonais, notre héros s’est exilé en antarctique afin d'y suivre ses études, et en a par la suite été chassé par les écrivains du cru pour avoir osé publier un titre dans leur idiome. 

Le but de la thérapie (dite "bartlebienne") que lui impose l’antipathique et rigide doctoresse de l’hôpital est d’ailleurs de l’inciter à revenir à sa langue natale. Sans doute une spécialité de l’établissement, qui compte parmi ses patients pléthore de romanciers infidèles à leurs racines linguistiques, parmi lesquels Nabokov, Cioran, Samuel Beckett, Karen Blixen, et tant d’autres…

Les journées de Czesław se déroulent sur un même rituel, rythmées par ses séances avec la psychiatre lui assénant les mêmes exhortations, qui s’achèvent inexorablement par un accès de violence du héros et l’intervention d’infirmiers armés de seringues. Ses nuits connaissent de même une immuable routine, peuplées de cauchemars récurrents, et interrompues par son compagnon de chambre, prêtre adepte du vélo d’appartement et fan du pape, qui éprouve l’irrésistible besoin de partager des angoisses alimentées par la mort d’un canari et la figure d’Adolf Hitler.

Cette répétitivité lancinante nourrit la dimension absurde de l’intrigue, en même temps qu’elle l’imprègne d’une atmosphère oscillant entre démence (davantage celle d’un système que de ceux qu’il prétend guérir) et désespoir, le narrateur s’angoissant de perdre, au fil du récit, la maîtrise de la langue antarctique.

Mais c’est surtout très drôle, d’un humour aussi féroce que loufoque.

Un roman tout en dérision, par lequel Aleksandra Lun (au passage native de Pologne, vivant en Belgique, écrivant en Espagnol et traductrice de l’anglais, du français, du catalan et du roumain) fustige la tyrannie de la catégorisation et exprime son amour des langues et de la littérature, et qui offre l’assurance d’un grand moment de détente…

"Pourquoi les gens s’attendent-ils à ce que les auteurs répondent à des questions ? (…) Je suis auteur parce que j’ai envie de poser des questions. Si j’avais des réponses, je serais politicien".


Une idée piochée chez A_girl_from_earth, et une lecture éligible au Mois de L’est et au Petit Bac d’Enna (dans la catégorie "objet").


Commentaires

  1. Je ne suis pas sûre que les politiciens aient des réponses ! surtout en ce moment. Ça a l'air complètement barré. Je viens de terminer un livre avec des pages horribles sur l'univers psychiatrique, je ne replongerai pas tout de suite là-dedans, fut-ce avec loufoquerie ..

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    1. A noter tout de même si tu peux, pour plus tard, c'est original et vraiment drôle !

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  2. Cela m'a l'air barré comme j'aime... Après, faut le trouver (et ma pile est haute)
    Tu y vas à fond dans le challenge! Pour ma part je vais jusqu'à 3 billets, et 5 livres, je suis fière!

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    1. Il devrait te plaire, oui ! De mémoire, je l'ai trouvé d'occasion chez Gibert à Paris (qui, je l'ai appris ce week-end, est en cessation d'activité, quelle affreuse nouvelle...)...
      Et oui j'adore ce challenge de l'est, j'attends le mois de mars pour lire les titres "estiens" de ma PAL, d'où le nombre de billets (mais je m'arrêterai cette année à 5 ou 6, j'ai pris du retard avec le déménagement...). En tous cas il me permet à chaque édition de faire de chouettes découvertes !

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  3. Oh! Mais ça m'a l'air tout à fait rafraichissant, ce petit bouquin! Je le note illico!

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    1. Oui, il faut le lire, c'est terriblement distrayant, et cela fait un bien fou !

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  4. Ah oui, je me souviens bien de cette petite trouvaille en librairie qui s'est révélée une petite pépite de loufoquerie, mais pas que ! Ravie de voir que tu y as trouvé ton compte !

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    1. Une pépite oui, tu as raison, et merci du conseil, il m'a bien fait rire !

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  5. Ça a l’air complètement fou ! J’aime la réflexion sur les langues

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    1. Oui, c'est à la fois intéressant et trèès ludique !

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  6. Oui, ce livre a l'air intéressant. J'aime bien, en particulier, l'humour, la dérision de l'écrivaine polonaise/belge écrivant en espagnol et polyglotte et de son personnage qui est interné parce qu'il écrit dans un autre langue que la sienne.

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    1. Cela sous-entend en effet une mise en abyme qui ajoute du sel au propos !

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  7. Une bonne nouvelle ce matin ! Un livre qui me dit dit bien et qui fait du bien ... Une plus triste, la liquidation de Gilbert ... C'était ma caverne d'Ali Baba quand j'habitais Paris !

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    1. Pareil... j'ai vraiment du mal à m'en remettre, j'y trouvais des trésors, des tas de romans relativement récents à des prix imbattables..

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  8. Une idée de livre originale ! Heureux de voir que tu fais (et fais faire aux autres lecteurs) de belles découvertes à l'occasion de ce mois de mars !

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    1. Mais oui, je tombe toujours sur quelques pépites ! Et ce titre en est une, qui permet en prime de passer un moment très réjouissant..

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