"L’idiote" - Ango Sakaguchi
"Le japon a perdu, l’éthique des guerriers est morte mais, de cette matrice de vérité qu’est la déchéance, sont enfin nés des êtres humains. Vivons ! Tombons !" - (Traité de la déchéance - Ango Sakaguchi -1946).
C’est là qu’habite Izawa, dans une sorte de cagibi séparé du corps de logis. C’est un homme amer, qui porte un regard méprisant sur ses semblables qu'il juge mesquins, uniformes et creux, évoluant dans un monde d’apparences vide de sens où tout se ramène à courir les filles, claquer son fric et se réveiller avec la gueule de bois. Un monde où la quête de soi, la personnalité, la créativité n’existent pas. Il vit seul, non par choix mais parce que la vie conjugale suppose l’aliénation à une aisance financière dont il est dépourvu. Journaliste, il n’exerce plus que pour pouvoir se procurer des cigarettes un métier réduit à tourner des films de propagande.
Parmi ses atypiques et détestables voisins, figure un fou paranoïaque, par ailleurs très bel homme, marié à une idiote, également belle, et d’allure distinguée, qu’il a ramenée d’un pèlerinage à Shikoku. Un jour, l’idiote fuit son foyer pour se réfugier chez Izawa, où elle s’installe définitivement, en secret. Muette, la femme semble rechercher son affection. Dès qu’elle est effrayée, elle s’enferme dans le placard. Une relation étrange se noue eux, entre promiscuité et incommunicabilité. Izawa éprouve des sentiments contradictoires envers l’idiote. Envieux de sa candeur et de l’ignorance qui la tient éloignée de l’agitation futile et illusoire qui agite les individus, il ressent pourtant une irrépressible répulsion pour son comportement animal et son absence d’esprit, ne la considérant pas comme un être humain à part entière.
"L’idiote" est un texte très court mais intense, porté par une atmosphère à la fois insolite et dérangeante. Le regard féroce et désespéré que porte son héros sur le monde qui l’entoure, ainsi que son absence d’énergie et d’attachement, expriment un fort sentiment de vacuité et d’abandon.
Il est suivi d’un autre texte encore plus court, "Je voudrais étreindre la mer" à l’ambiance tout aussi obscure, qui met en scène un couple dont les rapports sont plombés par la rancœur et l’incompréhension. Elle, est une ancienne prostituée qui ne peut s’empêcher d’avoir des amants, victime d’une addiction au sexe qui ne lui procure pourtant aucun plaisir, puisqu’elle est frigide. Lui (le narrateur) accepte plus ou moins ses incartades, lui-même n’est pas vraiment fidèle. Il exprime une étrange dichotomie entre la fascination qu’il éprouve pour le corps, très beau, de la femme, et les sentiments odieux que sa présence suscite.
Une idée piochée chez Goran, qui me permet par ailleurs de participer une seconde fois au Mois Japonais de Lou et Hilde.
J'ajoute aussi grâce à cette lecture un terme à la colonne « Gros mot » du Petit Bac 2021 d’Enna.
Un poil torturé on dirait, quand même.
RépondreSupprimerOui, un peu glauque, même...
Supprimerje rejoins Keisha ! pas mon truc, je passe !
RépondreSupprimerJe comprends, moi j'aime bien les trucs un peu louches et sordides !
SupprimerJ'avoue hesiter...car cela reste un tres court recit et cela reste fascinant....mais assez glauque quand meme....je ne ferme pas la porte..lol
RépondreSupprimerIl est en effet très très court, et l'ambiance est réussie..
SupprimerPas trop attirée... J'ai déjà fait d'autres achats pour le mois du Japon qui est se poursuit
RépondreSupprimerJe comprends. De mon côté j'en ai terminé pour cette année avec le Japon (je n'ai plus rien sur ma pile !) mais je suis toujours ravie de cette occasion de lire des contrées vers lesquelles je m'aventure peu.
SupprimerHeu .. non merci ;-)
RépondreSupprimerJe n'insiste pas...
SupprimerAucun lien clin d'oeil à l'oeuvre - au masculin - de Dosto? (Que je n'ai pas encore lue.)
RépondreSupprimerTrès bonne question, je n'y avais pas pensé.. et comme je n'ai pas non plus lu "L'idiot" (mais du coup je me dis que ce serait pas mal), je ne peux pas te dire.
SupprimerJ’arrive pas à savoir si tu as aimé ?
RépondreSupprimerJ'ai aimé "L'idiote" pour son étrangeté, son ambiance pesante. En revanche, je n'ai pas accroché au 2e texte, auquel je n'ai pas compris grand-chose (mais il ne fait que quelques pages = d'ailleurs, je n'avais pas compris au départ qu'il s'agissait d'un texte complètement indépendant, ce qui m'a un peu déstabilisée).
SupprimerPas vraiment tentée non plus !
RépondreSupprimerJe ne crois pas en effet que ce genre d'ambiance te plaise...
SupprimerSur des textes courts, le glauque et sordide pourraient passer. Surtout si c'est japonais.:) A voir.
RépondreSupprimerMais oui il faut essayer ! Et quelque chose me dit que l'étrangeté de l'atmosphère pourrait te plaire...
SupprimerCa pourrait me plaire me semble-t-il...
RépondreSupprimerSans doute, oui. Dans tous les cas, vu sa brièveté, tu peux tenter sans prendre trop de risque !
SupprimerLourd et glauque, ça va, mais une cour des miracles habitée par la perversité, je ne le sens pas là ...
RépondreSupprimerLa cour des miracles est juste le contexte. Passée sa présentation (assez brève), le texte se concentre uniquement sur le couple formé par le narrateur et "l'idiote".
Supprimerje ne connais pas du tout, merci !!!
RépondreSupprimerA ton service !
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