"Courir au clair de lune avec un chien volé" - Callan Wink
Quelques jours à peine après avoir terminé le recueil de Callan Wink, me voilà bien embêtée. A part de dire que les nouvelles ont pour point commun un lieu -le Montana, quel scoop !-, je ne vois pas trop par quel fil l’aborder…
Et pourtant j’ai vraiment aimé cette lecture. Surtout celle de la dernière nouvelle qui m’a
tellement émue qu’elle a peut-être éclipsé un peu les autres, dont elle
diffère d’ailleurs par plusieurs points. D’abord par son personnage principal,
qui est féminin, quand les textes précédents mettent en scène des hommes. Par
sa temporalité ensuite : contrairement aux autres nouvelles qui se déroulent sur
un laps de temps relativement court, l’auteur y déroule toute l’existence
adulte de son héroïne, femme discrète dont il évoque le parcours, fait
d’épreuves, d’occasions manquées ou de moments de bonheur, en faisant se
succéder des étapes importantes de sa vie jusqu’au moment où septuagénaire,
elle semble enfin avoir accédé à une sorte de paix avec elle-même. J’ai été
profondément touchée par ce personnage humble, dont on a l’impression qu’elle
laisse filer sa vie sans avoir de prises sur les directions qu’elle prend, pour
réaliser que finalement, ce qui de prime abord ressemblait à une absence de
décision se révèle être un choix, celui d’une solitude assumée, qui ne génère
ni regret ni amertume.
Sinon ? Le Montana, donc… qui laisse, oui, apercevoir ses
grands espaces parsemés de ranchs ou de fermes décrépites, qui nous offre
l’occasion de quelques parties de pêche à la mouche, ou d’incursions en Réserve
Crow..
Mais en survolant mes notes, ce n’est pas du tout ce que je
réalise avoir gardé de ma lecture. Ce dont je suis restée imprégnée, c’est de
tous ces héros sur lesquels Callan Wink pose un regard curieux mais sans
jugement, avec une bienveillante attention qui lui permet de capter à l’occasion
d’un instant de vie, qu’il soit décisif, fondateur ou a priori anodin, leurs détresses,
leurs défaillances ou leurs victoires.
Il s’attarde notamment sur les liens, conjugaux ou familiaux,
qui par leur force ou leur absence, consolident ou affaiblissent, permettent
aussi parfois de se définir, allant dans certains cas jusqu’à déterminer des
choix de vie. Rapports distendus entre père et fils, complicité exclusive entre
un grand-père et un petit-fils, attachement indéfectible d’un jeune garçon pour
une mère qui déraille, liaison adultère de deux amants qui se retrouvent chaque
année à l’occasion de la reconstitution de la bataille de Little Horn…, sont
évoqués avec simplicité mais profondeur, au fil de moments dramatiques ou d’épisodes
cocasses. On retiendra parmi ces derniers le texte qui ouvre le recueil, décrivant
la course nocturne par laquelle le jeune homme du titre tente, dans le plus
simple appareil, d’échapper aux patibulaires individus qui aimeraient bien
récupérer le chien qu’il leur a volé, et qui se faisant, ne fait que penser à
celle dont il est depuis peu séparé, et devant laquelle il aimerait tant se
remettre à genoux.
C’est toutefois un sentiment de mélancolie qui prédomine à
la lecture de l’ensemble. Il y est souvent question de perte, de solitude, et de
ces coups du sort qui vous abattent, parfois définitivement. Un recueil
empreint d’humanité et de tristesse, en somme, parfois traversé de lueurs surgissant de recoins inattendus.
Une lecture en commun avec Miss Sunalee, Une Comète, Krol, Kathel, et une nouvelle participation au Mois de la Nouvelle, organisé par Marie-Claude et Electra.
Comme tu es le troisième billet que je lis sur ce recueil de nouvelles, je me fais déjà une idée ! Il pourrait me plaire, en tout cas c'est un auteur qui a l'air de valoir le coup d'être testé.
RépondreSupprimerOh oui, et je pense qu'il pourrait te plaire, il a une plume sobre mais sensible, et une capacité à capter des tranches de vie qu'il sait rendre révélatrices du lien entre ses personnages, d'un contexte plus vaste que celui qui tient de cadre à son texte.
SupprimerJe me suis intégrée (incrustée ?) à votre lecture commune, et j'ai trouvé ce recueil de nouvelles tout à fait à mon goût !
RépondreSupprimerJe suis ravie que tu nous rejoignes, c'est une excellente surprise, et puisque qu'en plus tu as, toi aussi, aimé... c'est gagnant sur tous les tableaux !
SupprimerTu le sais, moi aussi j'ai galéré pour écrire ma chronique et je ne suis pas vraiment satisfaite de ce que j'ai fait d'ailleurs. Mais bon, je suis ravie d'avoir pu partager cette lecture avec toutes ces blogueuses. Merci Ingannmic.
RépondreSupprimerMoi non plus, je ne suis pas satisfaite de mon billet, mais ce n'est pas grave, je crois qu'on donne quand même envie, non ? (enfin j'espère !).
SupprimerIl me tarde de découvrir ton avis sur le Lespoux (pour lequel je me sentie bien plus inspirée, je ne sais pas trop pourquoi..), maintenant.
OUI, vous savez donner envie! Ils sont parfaits, vos billets.
SupprimerComme toi, j'ai beaucoup aimé cette dernière nouvelle, lumineuse. (Et ce n'est pas simple d'écrire sur des recueils de nouvelles, mais tu t'en sors très bien - la mienne est restée fort courte du coup !)
RépondreSupprimerOui, lumineuse, c'est le terme juste pour décrire cette histoire de femme simple et tellement attachante. Et ce n'est pas plus mal de faire court, il ne faut pas trop en dévoiler pour laisser le plaisir de la découverte aux futurs lecteurs !
Supprimerravie de vous voir toutes aussi enthousiastes ! j'avais rencontré Callan à Nantes (la rencontre est sur mon blog) - et depuis j'ai lu son roman August que j'ai adoré (chronique sur le blog) j'ai adoré les mêmes nouvelles et en particulier la dernière également :-)
RépondreSupprimerJe vais aller lire le compte-rendu de cette rencontre, alors, ça m'intéresse. Et "August" est déjà noté, il n'y a plus qu'à attendre sa sortie en VF.
SupprimerVive la nouvelle américaine! Sensible forte intelligente ...c’est un art qu’ils maîtrisent, les anglo-saxons et ils osent tout ...même courir nu avec un chien volé !!
RépondreSupprimerOui, ce premier texte est savoureux, et à la fois triste... merci de ta participation à cette lecture commune, je suis ravie que tu en retires du positif malgré tes bémols.
SupprimerJ’ignore si mon billet est passé ...
RépondreSupprimerJ'ai activé la modération des commentaires, pour éviter de vous obliger à valider des images de feux rouges et de passages piétons.. du coup, je dois les valider pour qu'ils apparaissent sur le blog, mais rassure-toi, je reçois bien tes commentaires.
SupprimerJe me souviens, j'avais lu une nouvelle ou deux (quel titre, quand même!) sans aller au bout...
RépondreSupprimerTu as arrêté parce que tu n'aimais pas ?
SupprimerLa manière dont tu parles du recueil m à donne envie d'en savoir plus
RépondreSupprimerAlors c'est gagné ! C'est un très bon recueil.
SupprimerJe lis peu de nouvelles mais le challenge m'invite à renouveler plus souvent ce genre de lectures.
RépondreSupprimerJ'avoue qu'il est plus difficile de chroniquer ce genre de livre... Et ici tu t'en sors très bien.
Je n'en lis moi-même qu'en mai, et je fais alors le plein ! Mais oui, pas évident de rédiger les billets conséquents.
SupprimerJe suis ravie d'être à nouveau imprégner par l'aura de ces nouvelles, que j'avais adorées.
RépondreSupprimerTu as raison, c'est très difficile de rendre compte de la lecture d’un recueil de nouvelles. Souvent insatisfaisant. Pourtant, tu as réussi avec brio à m'enthousiasmer. Si je ne l'avais déjà lu, je l'aurais commandé de ce pas!
Une chouette lecture, oui, et j'ai dans la même veine lu un recueil de David James Poissant (que j'ai peut-être même préféré).
SupprimerJe suis très curieuse de découvrir cet auteur! Je commencerai par contre par son roman, August, découvert chez Electra.
RépondreSupprimerPS. Ton billet est très bien.
Il me tarde de découvrir son roman, maintenant !
SupprimerPS Merci !
Vous avez toutes bien donné envie de découvrir ces nouvelles !
RépondreSupprimerElles valent en effet le détour, Callan Wink a une belle plume.
SupprimerAh je suis dans l'équipe de Keisha. J'avais reçu ce recueil, je l'ai commencé à le lire, mais je n'y voyais rien de très original. Je crois que je suis agacée par notre propension à être fascinés par les mecs paumés du Montana (critique de parfaite mauvaise foi, il y a plein de très bons livres), mais je ne vois pas bien ce que je pourrais dire de ce recueil.
RépondreSupprimerEn tous cas ton commentaire m'a fait rire ! Moi non plus je ne savais pas trop quoi dire, mais j'ai apprécié...
Supprimertrois avis en 2 ou 3 jours!!! cela commence vraiment à titiller ma curiosité :-)
RépondreSupprimerA noter pour la prochaine édition de mai en nouvelles !
SupprimerQuand j’avais écrit mon billet, très court car je ne savais trop quoi dire, j’avais néanmoins noté :
RépondreSupprimer« L’intérêt du bouquin réside dans son écriture et plus précisément, l’état dans lequel elle plonge le lecteur. (…)Un premier ouvrage très intéressant qui peut laisser espérer mieux encore dans le futur. »
http://lebouquineur.hautetfort.com/archive/2017/09/18/callan-wink-courir-au-clair-de-lune-avec-un-chien-vole-5980849.html
Décidemment, c'est un recueil a priori peu inspirant, malgré ses qualités ! Tu vas pouvoir vérifier ton pressentiment grâce à la sortie de son roman "August".
SupprimerJe l'avais lu à sa sortie... Cela fait donc quelques années maintenant, mais si je suis incapable de ressortir une histoire, je sais, je me souviens, que ce recueil m'avait émerveillé. Une belle plongée dans la nature, dans le Montana, sous un clair de lune...
RépondreSupprimerJ'ai lu ton très beau billet en effet... comme toi j'ai aimé mais pas pour les mêmes raisons que toi, l'environnement, contrairement aux personnages, m'a laissé assez froide à vrai dire.
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