LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Impossible" - Erri De Luca

Superficiel.

Impossible : telle est la conviction de la justice quant à la coïncidence qui a placé sur le même sentier de montagne deux hommes, dont l’un comparait aujourd’hui devant elle. L’autre est mort, suite à sa chute dans une crevasse. C’est l’accusé, qui le suivait à distance, affirme-t-il, qui a donné l’alerte. Le hic, c'est que bien qu’il prétende que leur rencontre soit dû au hasard, le défunt et lui se connaissaient, et qu’il est facile de déduire des circonstances de leur passé commun le mobile d’un assassinat. 

Que s’est-il passé sur la vire de Bandiarac ? C’est ce que tente de découvrir le magistrat auquel fait face l’accusé, au fil d’auditions où il est question du passé de l’Italie, celui des années de plomb, d’une époque d’affrontements et de colère où certaines opinions politiques vous valaient d’être traité comme un ennemi public. C’était quarante ans auparavant, l’homme était engagé à gauche, dans un combat et une idéologie à laquelle il est resté fidèle, pour laquelle il a déjà fait de la prison. L’autre avait trahi.

Au-delà de versions qui s’affrontent, les interrogatoires mettent surtout en évidence le fossé, notamment générationnel, entre deux manières de voir le monde : l'une qui se prévaut d'avoir agi au nom du collectif, et l’autre qui se soumet (selon la première) aux diktats d’une société de plus en plus individualiste. 

Face au représentant d’un système qu’il rejette, et tout en insistant sur cette règle tacite qui impose aux randonneurs, en montagne, de se porter secours quoi qu’il arrive, l’ex révolutionnaire oppose sa propre idée d’une justice basée sur l’égalité et la fraternité, et exprime son irréductible fidélité à une éthique morale surpassant une justice qu’il considère comme illégitime et inique puisqu’au service d’un état détaché des réalités et du peuple. Son attitude est empreinte de la supériorité de celui que l’expérience et l’assurance d’être dans son bon droit rendent inébranlable et condescendant. 

L’évocation des auditions alterne avec la transcription des lettres que le héros écrit, à l’attention de la femme qu’il aime, depuis sa cellule. Il a appris l’amour sur le tard, parce que les années de lutte ne s’y prêtaient pas. Il en semble timidement émerveillé, l’écriture lui permettant d’exprimer la force et la beauté de sentiments que ce taiseux épris du silence et de la majesté de la montagne a l’habitude de garder secrets.

J’ai entamé ce roman fort confiante, mon unique expérience avec l’auteur (ICI), bien qu’un peu ancienne, ayant été très concluante. Malheureusement, sa brièveté ne laisse ni le temps au lecteur de s’y impliquer, ni la possibilité d’approfondir les thématiques abordées, pourtant fort intéressantes. J’en ressors avec l’impression, accentuée par la tendance d’Erri de Luca à pratiquer l’art de l’ellipse, de n’avoir qu’effleuré le sujet, et la certitude de l’oublier bien vite. 

Dommage…

Commentaires

  1. C'est dommage en effet, mais ça arrive, même avec les meilleurs.

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    1. Dommage oui, car la sujet et cette période de l'histoire de l'Italie me passionnent. Mais il méritent à mon avis un traitement bien plus poussé..

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  2. Quel dommage en effet. Ce roman m'attend depuis un an. Les romans courts ça passe ou ça casse, j'ai lu dernièrement Gaëlle Josse Ce matin-là et j'ai aussi été frustrée que le sujet du burn out ne soit pas traité qu'en surface. Cela n'a rien à voir, mais pour dire que je comprends ton ressenti. Un roman court doit être fort, sinon difficile d'adhérer.
    Concernant Impossible, je le lirai tout de même (un jour) et m'en ferai mon propre avis. :-)

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    1. Sa lecture te prendra peu de temps, et je serai curieuse de lire ton avis. Et je te rejoins sur les romans courts : comme pour les nouvelles, c'est un format périlleux. Il faut rapidement ferrer le lecteur mais aussi ne pas lui laisser, une fois l'histoire terminée, la sensation de ne l'avoir que survolée...

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  3. Alors moi mon unique (et ancienne aussi) expérience de l'auteur n'a pas du tout été concluante (je ne me souviens plus du titre...), du coup je suis plutôt méfiante quand je vois son nom, et là ton billet me confirme dans mes convictions.^^

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  4. Déjà que ça ne m'attirait pas... ^_^

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  5. Oh moi j'avais découvert cet auteur avec ce titre lu en audio et beaucoup aimé...

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    1. Il a en effet été plutôt apprécié, dans l'ensemble, et je partais avec un a apriori positif. Et j'ai bien aimé son style, mais le traitement trop rapide du sujet m'a laissée sur le bord de la route. Je crois que j'aurais préféré qu'il se consacre aux auditions, sans les entrecouper de la "romance" épistolaire, qui à mon avis n'apporte pas grand-chose au récit..

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  6. Et bien moi, j'ai été séduite par l'élégance, la concision et la justesse du propos.

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    1. Concernant l'élégance et la justesse, je te rejoins ! C'est avec la concision que j'ai eu beaucoup de mal. Et puis j'avoue aussi que j'ai eu du mal avec le personnage principal que j'ai trouvé très imbu de lui-même, même si j'étais, sur le fond, plutôt en accord avec ses propos..

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  7. Je n'ai pas écrit de chronique sur ce livre mais j'adhère complètement à la tienne ! J'ai eu exactement les mêmes ressentis !

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    1. Je suis ravie de ce commentaire, je me sentais un peu seule ! Sur le même sujet, ou du moins, sur cette période historique des "années de plomb", j'avais adoré "Les rouges et les noirs" de Garlini, qui est à l'inverse un pavé, très dense, et qui aborde de manière exhaustive toute la violence de cette époque, avec ses contradictions et sa complexité.

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  8. ah zut ! bon je n'étais pas tentée du tout, j'avoue (vu le sujet et les réflexions), mais dommage .. apparemment, cet auteur n'est pas fait pour toi

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    1. C'est à l'inverse un sujet qui m'intéresse, mais qui n'a pas ici le traitement qu'il mérite, je trouve... quant à savoir si cet auteur est fait ou pas pour moi, on est pour l'instant à 50/50, puisque j'avais beaucoup aimé "Trois chevaux", lu il y a certes bien longtemps... je suis assez sensible à son style, élégant, comme l'écrit Miriam, et très sensible. Aussi, je retenterai tout de même peut-être l'expérience, mais plus tard...

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  9. Il m'a tentée l'année dernière, comme beaucoup de livres lors des rentrées littéraires, de façon très éphémère. Bien m'en a pris on dirait.

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    1. On me l'a offert, sans quoi je ne l'aurais sans doute jamais lu... pas de regrets toutefois, il est tellement court que je n'ai même pas eu l'impression de perdre mon temps !

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  10. Tout pareil qu' A girl from Earth (sauf que je me souviens du titre Le poids du papillon, en ce qui concerne ma lecture. Je l'ai même chroniquée : https://jemelivre.blogspot.com/2012/10/le-poids-du-papillon-erri-de-luca.html).

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    1. Merci pour le lien, je m'en vais de ce pas lire ton billet !

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  11. J’ai beaucoup aimé « la nature exposée » du même auteur.

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    1. Je retiens donc ce titre au cas où je souhaiterais donner une autre chance à Erri De Luca.. j'avais beaucoup aimé "Trois chevaux", de mon côté.

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  12. Je vois que tu as été déçue. Moi, c'est exactement l'inverse ! Ma première tentative avec Erri De Luca s'était soldée par un échec. J'ai mieux accroché à "Impossible"

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    1. Oui, très déçue. J'avais un a priori pourtant positif...

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