LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Les hamacs de carton" - Colin Niel

Retour aux sources.

C’est un roman où les apparences sont trompeuses, à l’image de celle que renvoie son personnage principal. 

Le commandant de gendarmerie Anato a été récemment muté, à sa demande, en Guyane.  Les rumeurs prétendent que sa couleur de peau a prévalu sur les compétences d’un autre candidat, la hiérarchie ayant jugé bon de placer à la tête de la brigade de Cayenne un natif du pays. Sauf qu’Anato a passé toute sa vie à Paris… c’est la mort de ses parents, un an auparavant, qui l’a incité à s’installer en Guyane, dans l’espoir de retrouver une partie de lui-même, de renouer avec une famille dont il ne possède qu’un vague souvenir, et de connaître les raisons qui avaient poussé son père et sa mère à quitter leur terre d’origine. Il a bien repris contact avec ses oncles, tantes et cousins, mais doit admettre qu’ils sont pour lui, et réciproquement, des inconnus, avec lesquels il ne partage ni culture, ni repères. Ses origines ont toujours provoqué chez lui une certaine fierté, dont il réalise qu’elle relevait davantage du mythe que d’un véritable sentiment d’appartenance. Anato descend d’une ethnie -les Ndjuka- issue des peuples de Marrons, esclaves qui ont fui les plantations coloniales hollandaises et revendiqué leur indépendance bien avant l’abolition de l’esclavage. Ils se sont alors installés sur les rives du fleuve Maroni, d’abord majoritairement au Surinam, où la guerre civile les a ensuite incités à migrer vers les berges guyanaises.

Seulement, ne maîtrisant ni le dialecte ni la culture locaux, le commandant reste pour les guyanais un "négropolitain"…

La mort suspecte d’une femme et de ses deux fils l’amène justement sur les bords du fleuve Maroni, plus précisément à Wetisoula, village aluku, ethnie également issue des "Noirs-Marrons".

Sur place, les enquêteurs doivent composer avec la défiance que suscitent naturellement chez les villageois ces représentants d’une autorité qui s’est substituée à une organisation sociale et politique fondée sur leurs traditions et leur propre droit coutumier. S’assurer la collaboration des témoins et autres acteurs du drame nécessite inévitablement certaines concessions aux coutumes locales.

Je laisse de côté le léger bémol que je tiens tout de même à exprimer : une écriture à mon avis parfois un peu plate, pour m’attarder sur les qualités - qui parviennent à le compenser- de ce roman. 

J’ai apprécié le dépaysement qu’apportent le contexte et l’environnement dans lesquels nous immerge Colin Niel, ces bords de fleuve où les villageois semblent vivre dans un autre temps, ces zones de nature luxuriante et bruissante, cette chaleur étouffante, ces villes poussiéreuses et grouillantes où l'insécurité bat tous les records…  et j’ai surtout été à la fois fascinée par l’histoire de ces Noirs-Marrons et atterrée par leur situation, que l’enquête policière permet de mettre en évidence : leur non-existence administrative et l’absurdité des interminables démarches pour tenter d’obtenir une régularisation selon le côté du fleuve où ils sont nés, sachant que pour eux, les deux rives du fleuve Maroni ne forment qu’un seul et même territoire… 

J’ai, enfin, trouvé le personnage d’Anato convaincant. L’auteur en dresse un portrait complexe, nous fait appréhender ses questionnements, ses doutes, cette impression permanente de ne pas trouver sa place, et crée un paradoxe en nous y attachant sans que l’on parvienne pour autant à trouver sympathique cet homme qui pose beaucoup de questions mais parle peu, ne juge jamais utile d'expliquer ses décisions, et joue de son physique avantageux pour, ainsi qu'il le définit lui-même, "consommer" des femmes.

Un roman instructif, bien rythmé, auquel il manque juste une empreinte stylistique plus marquée. Et je vous laisse découvrir ce que sont les "hamacs de carton"...


Un autre titre pour découvrir Colin Niel : Seules les bêtes 

Commentaires

  1. C’est dommage cette écriture. Moi, qui aime bien la Guyane. Bon, je ne sais pas, je verrai bien.

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    1. En même temps, ce n'est qu'un léger bémol, l'ensemble est suffisamment prenant pour passer outre. C'est juste que par moments, j'avais l'impression que mon implication n'était pas totale, du coup..

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  2. Je crois qu'on retrouve l'enquêteur dans d'autres romans?

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    1. Oui, ce titre est le premier d'une série qui compte à ce jour trois volets, je crois.

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  3. Pour une fois, je passe mon tour en toute légèreté!

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    1. Et un de moins sur la liste de souhaits, ça se fête !

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  4. Colin Niel, je souhaite lire Seules les bêtes... Celui-ci, on verra ou pas...

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    1. Très bonne idée, "Seules les bêtes" est excellent.

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  5. Jusqu'ici j'ai tout aimé de ce que j'ai lu de Colin Niel, et même pas remarqué l'écriture (dans un sens négatif, je veux dire)... ;-) J'ai commencé cette série par le deuxième, mais je me rattraperai certainement.

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    1. Je n'avais pas exprimé ce bémol à la lecture de "Seules les bêtes". Peut-être que là, l'écriture ne m'a pas semblé toujours à la hauteur du contexte, riche et dépaysant..

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  6. comme je lis peu de polars je ne connaissais pas cet auteur.

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    1. L'intérêt de ce titre ne réside pas tant dans l'intrigue policière que dans son contexte, et tout ce qu'on y apprend de passionnant sur la Guyane.

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  7. Je n'ai pas encore lu l'auteur mais l'un de ses titres traîne quelque part dans ma pal...

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    1. J'attends donc avec curiosité de voir de quel titre il s'agit, et ce que tu en auras pensé.

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  8. Pourtant il écrit bien Colin Niel
    ...peut-être moins dans sa veine polar ?

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    1. Mais oui, je me suis fait la même réflexion pendant ma lecture, j'avais aimé son écriture dans "Seules les bêtes".. peut-être celui-ci fait-il partie de ses premiers titres, et qu'il s'est bonifié au fil du temps ... ?

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