"L’orangeraie" - Larry Tremblay
"J'ai une voix calme, mieux encore j'ai une voix paisible. Je te parle avec de la paix dans ma bouche. Je te parle avec de la paix dans mes mots, dans mes phrases. Je te parle avec une voix qui a sept ans, neuf ans, vingt ans, mille ans. L'entends-tu ?"
Aziz et Amed sont frères jumeaux, et vivent avec leurs parents Zahed et Tamara au sein de l’odorant paradis peuplé de myriades d’oiseaux que constitue l’orangeraie héritée des grands-parents paternels. Un paradis terni par la mort récente des dits grands-parents dans l’effondrement de leur maison. La guerre bientôt s’y introduit sous les traits de Soulayed, qui exhorte Zahed à la vengeance, brandit la menace de l’ennemi qui depuis l’autre versant de la montagne brigue ses terres, rêve de tuer sa femme et de réduire ses enfants en esclavage. Le père des jumeaux se laisse facilement convaincre de la nécessité du combat, accepte de faire de l’un ses fils un martyr. Aziz ou Amed : lequel de ses garçons tout juste adolescents décidera-t-il d’envoyer, bardé d’une ceinture d’explosifs, en terrain ennemi ? Il en faut peu pour embrigader les enfants eux-mêmes, leur jeunesse et la fierté d’avoir été choisis pour défendre les intérêts du clan les rendent crédules, et les incitent à taire la peur que révèlent des cauchemars qui se font plus fréquents à l’approche de l’échéance. Tamara, bien qu’il ne lui effleure même pas l’esprit de contredire ouvertement son époux, est, en tant que mère, pour la vie. Lucide, elle observe le dessèchement prématuré de ces hommes que seule la haine fait tenir debout, et l’idée du sacrifice de l’un de ses enfants la déchire.
C’est une fable macabre, intemporelle, une tragédie aux accents bibliques qui déplore l’absurdité et la barbarie de la guerre, et démontre que l’ignorance et le repli constituent un terreau fertile où planter les graines du fanatisme et de la haine de l’autre.
C’est aussi, dans sa seconde partie, l’expression de l’insurmontable douleur dont s’accompagne la prise de conscience de l’inanité de cette haine et de la violence inique à laquelle ont conduit mensonges et manipulation.
Commentaires
On se refera une lecture commune en début 2022 ?
Pour la LC, avec plaisir bien sûr ! Je crois que nous avons Frankestein en commun dans nos piles, ça te dit ?