"L’orangeraie" - Larry Tremblay
"J'ai une voix calme, mieux encore j'ai une voix paisible. Je te parle avec de la paix dans ma bouche. Je te parle avec de la paix dans mes mots, dans mes phrases. Je te parle avec une voix qui a sept ans, neuf ans, vingt ans, mille ans. L'entends-tu ?"
Aziz et Amed sont frères jumeaux, et vivent avec leurs parents Zahed et Tamara au sein de l’odorant paradis peuplé de myriades d’oiseaux que constitue l’orangeraie héritée des grands-parents paternels. Un paradis terni par la mort récente des dits grands-parents dans l’effondrement de leur maison. La guerre bientôt s’y introduit sous les traits de Soulayed, qui exhorte Zahed à la vengeance, brandit la menace de l’ennemi qui depuis l’autre versant de la montagne brigue ses terres, rêve de tuer sa femme et de réduire ses enfants en esclavage. Le père des jumeaux se laisse facilement convaincre de la nécessité du combat, accepte de faire de l’un ses fils un martyr. Aziz ou Amed : lequel de ses garçons tout juste adolescents décidera-t-il d’envoyer, bardé d’une ceinture d’explosifs, en terrain ennemi ? Il en faut peu pour embrigader les enfants eux-mêmes, leur jeunesse et la fierté d’avoir été choisis pour défendre les intérêts du clan les rendent crédules, et les incitent à taire la peur que révèlent des cauchemars qui se font plus fréquents à l’approche de l’échéance. Tamara, bien qu’il ne lui effleure même pas l’esprit de contredire ouvertement son époux, est, en tant que mère, pour la vie. Lucide, elle observe le dessèchement prématuré de ces hommes que seule la haine fait tenir debout, et l’idée du sacrifice de l’un de ses enfants la déchire.
C’est une fable macabre, intemporelle, une tragédie aux accents bibliques qui déplore l’absurdité et la barbarie de la guerre, et démontre que l’ignorance et le repli constituent un terreau fertile où planter les graines du fanatisme et de la haine de l’autre.
C’est aussi, dans sa seconde partie, l’expression de l’insurmontable douleur dont s’accompagne la prise de conscience de l’inanité de cette haine et de la violence inique à laquelle ont conduit mensonges et manipulation.
J'ai rencontré l'auteur, mais bizarrement je n'ai jamais été attirée par ses romans même si celui-ci est célèbre et encensé. Il faut que je publie la semaine prochaine une autrice canadienne anglophone découverte récemment.
RépondreSupprimerOn se refera une lecture commune en début 2022 ?
Je ne connaissais pas cet auteur, dont j'ai noté le nom chez La Bouche à oreilles. Je ne regrette pas la découverte, j'ai beaucoup aimé son écriture, à la fois sensible et concrète.
SupprimerPour la LC, avec plaisir bien sûr ! Je crois que nous avons Frankestein en commun dans nos piles, ça te dit ?
Trop désespérant pour moi .. je passe.
RépondreSupprimerJe comprends !..
SupprimerJe me demande si je ne le confonds pas avec u n autre Tremblay, ah oui j'ai vérifié, Michel. Qui m'attire plus.
RépondreSupprimerIl semble que c'est un nom très répandu au Québec. Je n'ai lu qu'un titre de Michel Tremblay ("Un ange cornu avec des ailes de tôle"), que j'ai beaucoup aimé. Avec ce Larry, on est dans un style très différent, tu l'auras compris.
SupprimerJe savais qu'il s'agissait d'une histoire plutôt triste autour de deux frères, mais je ne me souvenais plus que c'était aussi tragique. Si c'est aussi bien écrit que "Tableau final de l'amour", ça devrait aider à faire passer toute l'horreur de la situation.
RépondreSupprimerC'est très bien écrit, on navigue entre tragédie aux accents antiques, poésie, et réalisme cru, avec une dernière partie assez surprenante mais très bien amenée. Je te le recommande !
SupprimerLivre lu en 2015 et qui m'avait laissée sans voix... https://krolfranca.wordpress.com/2015/04/19/lorangeraie-de-larry-tremblay/
RépondreSupprimerMerci pour le lien, je l'ajoute à mon billet.
SupprimerJe tourne autour de ce roman depuis des années, mais j'en ai peur... un jour je le lirai...
RépondreSupprimerIl est dur, en effet, mais très bien...
SupprimerUn grand livre et un auteur que j'apprécie beaucoup, comme auteur et comme être humain.
RépondreSupprimerC'était une découverte en ce qui me concerne, mais je reviendrai sans doute vers cet auteur.
SupprimerAh, je suis ravie que tu l'aies lu. Même si l'histoire ne se passe pas au Québec, c'est un excellent roman québécois. C'était mon premier Larry Tremblay. Je n'ai jamais oublié Amed et Aziz. Malheureusement, pour moi, aucun Tremblay n'est, depuis, arrivé à la cheville de L'orangeraie. Sans mauvais jeu de mots, c'était une bombe, ce roman!
RépondreSupprimerOui, une lecture marquante, en effet. Dommage que le reste de l'œuvre le soit moins...
SupprimerJe me souviens que cette lecture m'avait laissée mitigée. Le cheminement de la famille m'avait paru trop abstrait, d'ailleurs tu emploies plusieurs fois "facile" ou "facilement" dans ta note, et c'est cette facilité qui m'avait dérangée, elle m'avait paru comme un moyen de construire la fable tragique en évitant de creuser l'absurdité.
RépondreSupprimerAh mais je suis complètement d'accord avec toi, sauf que cela ne m'a pas gênée, car je l'ai vu comme un parti pris narratif de l'auteur : on est dans la fable oui, avec ses raccourcis, ses schémas en effet caricaturaux, et je trouve que c'est en partie cette facilité qui alimente la dimension absurde des mécaniques à l'oeuvre.
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