LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Requiem pour une République" - Thomas Cantaloube

"Si tu crois qu'on ne se salit pas les mains juste parce qu'on garde les ongles propres..."

A la fois polar et roman historique, le roman de Thomas Cantaloube est porté par le cynisme et la violence d’une période encore taboue de notre histoire.

Paris, fin des années 50. Une famille entière est assassinée à quelque cinq cents mètres du Quai des Orfèvres. L’affaire est sensible : parmi les victimes figure le couple formé par Abderhamane Bentoui, avocat algérien renommé en lien avec le FLN, et son épouse Jeannette de la Salle de Rochemaure, membre de l’aristocratie française. Leurs deux enfants, ainsi que le frère d’Abderhamane, complètent la liste des victimes.

Nous suivons en alternance trois personnages qui, pour des raisons diverses, traquent l’auteur du meurtre.

Luc Blanchard, jeune recrue de la Police, est chargé de l’enquête avec son binôme Amédée Janvier, flic désabusé et alcoolique. Mais lorsque l’affaire est classée à la demande expresse du Préfet de police Maurice Papon et le crime imputé à un ouvrier algérien dont le cadavre a été repêché sur les bords de Seine, Luc s’obstine, convaincu qu’elle n’est pas résolue. C’est en quelque sorte un candide, ce jeune Blanchard, qui est devenu flic pour servir une idée de la justice qu’il semble être le seul, parmi ses pairs, à défendre. Cette affaire va sonner le glas de ses illusions, en l’amenant à comprendre que justice et intérêts supérieurs de l’Etat ne font pas toujours bon ménage.

Sirius Volkstrom est un ex-collabo dont l’opportunisme et l’appât du gain sont les seules idéologies, homme de l’ombre à qui fait appel Jean-Paul Deogratias, l’une de ses vieilles connaissances et accessoirement bras droit du Préfet, pour une mission délicate. Il s’agit d’éliminer Victor Lemaire, recruté par le même Deogratias pour assassiner Abderhamane Bentoui, une fois qu’il aura commis son forfait. Sauf que rien ne se passe comme prévu, et que Lemaire s’évapore dans la nature après avoir occis sa cible mais aussi ses proches, censés être absents au moment du crime.

Antoine Carrega, enfin, après avoir choisi les rangs de la Résistance, vit depuis l’après-guerre de divers trafics bien rodés, s’étant refusé à suivre le chemin de ses ascendants corses, pêcheurs de génération en génération. Félix de la Salle de Rochemaure, père de Juliette, le contacte, en tant qu’ancien compagnon d’arme, pour enquêter discrètement sur la mort de sa fille, le vieil homme n’éprouvant aucune confiance pour les sbires de la préfecture.

Nos trois quidams, en quête du même homme, vont se croiser, s’affronter, parfois collaborer, louvoyant entre milieux interlopes et préfecture de police, les pires bandits n’appartenant pas toujours aux premiers.

Le tout dans un contexte explosif de guerre qui ne dit pas son nom. Ayant admis que le temps de l’asservissement était révolu, De Gaulle s’apprête à accorder l’indépendance à une Algérie que d’autres, parmi lesquels certains de ses proches collaborateurs, s’obstinent à vouloir garder française. Pris entre nostalgiques de la puissance coloniale française et indépendantistes de plus en plus organisés, le chef de l’Etat tergiverse, entretient une incertitude qui met le feu aux poudres et incite chaque camp à fourbir ses armes.

L’intrigue à la fois complexe et énergique nous mène de quartiers populaires aux bureaux des organes d’Etat, nous faisant côtoyer truands et hommes politiques -parmi lesquels François Mitterrand ou Jean-Marie Le Pen-, nous introduisant au cœur d’une mécanique où anciens ennemis s’acoquinent, les bancs de l’Assemblée nationale comme les sièges des hautes administrations rassemblant gaullistes et nostalgiques de Vichy, d’anciens collabos occupant des postes clés avec la bénédiction de leurs anciens adversaires.

Et au milieu de tout ça, un peuple réclame son droit à disposer de lui-même, et en paie le prix fort…

Commentaires

  1. Epoque peu évoquée sous cet angle là, tu as raison. Cette lecture est tentant malgré son côté sûrement très sombre, dès que l'infâme Papon est dans le coup.

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    1. Oui, c'est sombre, d'autant plus que certaines épisodes, inspirés de la réalité, sont particulièrement violents.. mais c'est, pour son contexte, un roman très intéressant..

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  2. A surligner après l'avoir noté ! ( je me souviens d'une conférence passionnante avec l'auteur lors de Quais du Polar ).

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    1. A lire, oui, et je pense que tu y trouveras ton compte, notamment pour l'aspect historique.

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  3. Le sujet et le contexte semblent intéressant... je vais vérifier tout de suite, je crois l'avoir déjà noté.

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  4. Cela me changerait des polars exotiques

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    1. C'est sûr, pas vraiment d'exotisme ici ! Mais du lourd, comme l'écrit Keisha !

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  5. pas ma tasse de thé mais je le note pour mon beau-père !

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    1. Une idée de cadeau de Noël ? J'espère qu'il lui plaira en tous cas.

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  6. je le note au cas où... Je n'ai pratiquement rien lu sur cette époque mais c'est le côté lourd qui freine un peu mes ardeurs...
    2022 doit être une année consacrée en priorité à la vidange de ma PAL sinon cela va exploser :-)

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    1. Je vois ce que tu veux dire, à la fois pour la PAL à vider et le côté "lourd" du sujet : moi qui apprécie la noirceur en littérature, je dois dire que je sature un peu, là, ayant enchainé après celui-là sur d'autres titres pas très gais non plus, et là je suis dans un roman qui évoque la conquête espagnole de l'Amérique latine, autant dire que c'est le pompon !! Je m'octroierai sans doute un peu de légèreté après ça !

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  7. Ce n’est sans doute pas le roman idéal pour redonner le moral …

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    1. C'est sûr, mais c'est un contexte suffisamment délaissé pour que l'on ait envie de s'y attarder...

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