"La Constellation du Chien" - Peter Heller
"N'avoir rien à perdre c'est déjà quelque chose."
Alors ?
Alors, si certains éléments de contexte peuvent en effet rappeler "La route", "La Constellation du Chien" en est sinon, par son style et son propos, par sa tonalité, radicalement éloigné (et oui, j’assume même mon éventuelle exagération, qui aura principalement pour but de convaincre Athalie -qui je crois m’aura comprise-… !)
Colorado. "Neuf ans après la Fin de Toute Chose" ; des allusions évoqueront au fil du récit une pandémie, un climat qui se réchauffe encore et toujours, diminuant les ressources en eau, la disparition des élans, des tigres ou des éléphants, une course à la compétitivité ayant sonné le glas de vies dont l’Homme n’a voulu mesurer ni l’importance ni la fragilité.
Hig et Bangley sont des survivants. Il se sont installés sur un ancien aéroport, peut-être le seul endroit sûr de la planète : ils ont un périmètre, de l’eau, de l’électricité, de la nourriture… Et des armes. Car ils défendent leur territoire comme un camp retranché, Hig survolant les environs à bord d’un Cessna 182 de 1956 pour anticiper toute approche, Bangley en jouant les snipers à la moindre intrusion.
C’est un duo improbable, l’un -Hig- sensible et en perpétuelle quête de sens, l’autre pragmatique, taiseux et sans pitié, sa maîtrise des tactiques de défense et d’attaques laissant deviner une solide expérience guerrière qu’il n’évoque pourtant jamais. A l’image d’un vieux couple s’accommodant de ses différences en évitant tout sujet susceptible de révéler ses divergences, ils ont trouvé un équilibre dans une répartition des rôles censée assurer, jour après jour, leur survie : réparer l’avion, cultiver quelques légumes, piéger des lapins…
Hig est le narrateur. Sa femme a été l’une des premières victimes de la grippe qui a décimé la majeure partie de l'humanité. Il en a gardé une douleur profonde, irrémédiable. Excepté la vie et son chien Jasper, il a tout perdu. Et pourtant. Il a, naturellement, un don pour la vie, une capacité inconsciente à combattre le délitement moral et la tentation de repli sur soi qui guettent, insidieusement. Il s’accroche à ses valeurs de solidarité en allant visiter régulièrement, lui apportant de l’eau et des vivres, une communauté de mennonites contaminée, vivant en quarantaine. Et il a gardé une insatiable curiosité pour le monde qui l’entoure, l’envie d’aller voir toujours plus loin, à bord de son avion, quitte, faute de carburant, à trouver le point de non-retour.
Il a surtout su préserver sa capacité à l’émerveillement face aux beautés simples de la nature et à jouir de plaisirs basiques, physiologiques, comme celui que lui procure sa passion pour la pêche à la truite.
Ainsi son récit, lent et minutieux, déroulé en paragraphes brefs et percutants où de nombreuses ellipses traduisent l’âpreté, voire la violence, de ce quotidien de survie, est en même temps riche d’une émouvante poésie. Alors "La Constellation du Chien" est peut-être un roman post apocalyptique, mais c'est surtout un texte vibrant, une ode à la vie où la simple évocation d'une fleur, d'un flocon de neige ou de la possibilité de réinventer la vie devant les flammes d'un feu de camp, baigné par l’odeur des pins, suffit à vous serrer la gorge.
C’est, au nom de la richesse du vivant, un cri d’amour autant qu’un cri d’alerte. Pour Hig en tous cas, cette quasi-fin du monde devient paradoxalement l'occasion de nouer un autre rapport à l'autre et à l'environnement, de reprioriser ce qui est important.
Bref, bouleversant. Parce que moi, un homme qui se réveille en larmes au milieu de la nuit parce que les carpes ont disparu, ça me fait autant d’effet que…
Un très bon roman mais c'est le seul, après ses autres livres n'ont plus le niveau... dommage !
RépondreSupprimerAh oui, dommage, je m'apprêtais déjà à me lancer dans la lecture d'un autre de ses titres..
SupprimerAh oui 'accord, parce que moi au départ, je n'ai pas tellement aimé la route, et à feuilleter le bouquin de Heller ça me paraissait une écriture qui ne m'attirait pas. Mais si tu le dis, j'ai tendance à te faire confiance;.;
RépondreSupprimerC'est vrai que le style est particulier, et demande un petit temps d'adaptation, avec ses phrases tronquées (parce qu'elles sont la transcription des pensées du narrateur, et qu'il ne va pas au bout de toutes ses pensées...), et le rythme est lent, mais une fois qu'on est "installé"... quel régal !
SupprimerOh non...!!! Pas encore un que tu me donnes envie de lire !
RépondreSupprimerEt le pire, c'est que je ne parviens même pas à en être désolée !
SupprimerJ'ai tellement aimé ce roman que je suis ravie de lire ta chronique qui devrait donner envie aux méfiant(e)s de sauter le pas !
RépondreSupprimerJe l'espère aussi, c'est vraiment un beau roman, et je ne voudrais pas qu'il soit "enfermé" dans une étiquette de simple récit post-apocalyptique, ce qu'il n'est pas..
SupprimerJe suis ravie qu'il t'ait plu... Et tu donnes envie de le lire...
RépondreSupprimerEt je sais que c'est déjà fait, te concernant... ton avis est d'ailleurs l'un de ceux qui m'a conforté dans ma propre envie de le lire !
SupprimerC'est le genre d'histoire que j'aime beaucoup au cinéma mais auxquelles je n'accroche pas dans les romans. Je manque peut-être d'imagination pour apprécier.
RépondreSupprimerL'histoire n'a finalement pas trop d'importance, ici... c'est la personnalité du héros, ses réflexions sur le mode qui l'entoure, qui font de ce roman un très beau texte.
SupprimerJe suis contente de constater que nous sommes sur la même longueur d'ondes! Je ne suis généralement pas très friande de romans post-apocalyptiques mais celui-ci a vraiment une saveur particulière.
RépondreSupprimerMerci pour la LC. On remet ça ? En octobre? Avec Betty?).
Oui, j'ai lu rapidement ton billet, sans encore prendre le temps de te laisser un commentaire, et j'ai en effet constaté une grande similitude dans nos avis alors qu'à l'inverse, je ne suis pas forcément friande du genre (et La route m'a tellement échaudée..).
SupprimerEt ok pour Betty en octobre, ta date sera la mienne !
Chouette! On dit vendredi 21 octobre?
SupprimerOui, c'est noté de mon côté !
SupprimerNoté chez moi aussi !
Supprimerje suis un peu à contre courant de la blogosphère j'ai beaucoup aimé "la rivière" qui pour mon goût pose très bien les limites de la gentillesse en période de grande violence et les descriptions de la nature qui est la proie des flammes sont extraordinaires en revanche beaucoup moins celui-ci qui pourtant m'était recommandé dans les commentaires sur mon billet à propos de "la rivière"
RépondreSupprimerDu coup je viens de relire ton billet, et c'est fou comme un même roman peut être accueilli de manière différente selon le lecteur ! Avec le recul, j'ai complètement occulté la violence et la dimension "anticipation" de ce titre, pour n'en retenir que la manière dont le narrateur se raccroche, malgré le contexte terrible et désespéré, aux bribes de beauté qui ont survécu... Je ne sais pas si je lirai "La rivière", qui suscite des avis contradictoires..
SupprimerJ’ai plutôt apprécié La Route, mais celui-ci a l’air bouleversant. Ce truc sur les carpes me touche complètement.
RépondreSupprimerNathalie
Il est bien mieux que La route !! Bon mon avis est complètement subjectif, évidemment, mais il y a dans cette "Constellation du chien" une force vitale, une sensibilité, qu'on ne retrouve pas dans le roman de McCarthy dont ce n'était pas, j'en suis bien consciente, le but, mais le texte de Peter Heller m'a beaucoup plus touchée..
SupprimerMince, c'est le seul de l'auteur qui ne figure pas sur le site de la bib départementale, mais, vu qu c'est un poche, je vais le commander chez mon libraire, parce que, flûte, tu donnes vraiment envie de le lire
RépondreSupprimerJ'espère qu'il te plaira autant qu'à moi, je m'en voudrais de t'avoir engagée dans toutes ces délarches sinon... :)
SupprimerJe ne connaissais pas, ça m'intrigue :)
RépondreSupprimerC'est un auteur dont on parle pas mal, notamment sur la blogosphère, mais je n'avais rien lu de lui jusqu'à présent. Une belle découverte, mais j'hésite, notamment au vu du commentaire du Bouquineur, à poursuivre avec un autre titre..
SupprimerCa fait longtemps.... Mais j'en garde un excellent souvenir, qui m'a fait acheté d'autres romans de Peter Heller...
RépondreSupprimerEt tu ne les as pas encore lus ?
SupprimerJe me laisserais bien tenter par ce type de récit, j'ai l'impression que Hig découvre vraiment ce qui a de la valeur quand tout s'effondre autour de lui. Merci pour ce belle recommendation. Patrice
RépondreSupprimerTon impression est bonne, et résume bien le sens global du roman, qui en plus bénéficie d'une écriture singulière.. je confirme : à lire !
SupprimerJe suis très content car j'arrive de nouveau à t'envoyer des messages après avoir changé d'ordinateur :-)
RépondreSupprimerTu m'en vois ravie, merci d'avoir insisté !
SupprimerOh que oui que je te comprends ... Je me retrouve dans l'image de la taupe ( mais pas certaine que l'arc en ciel n'ait pas été mirage ... ). Du coup, vu ton avis, il est fort possible que je me laisse tenter ... Même si je ne suis pas particulièrement carpe !
RépondreSupprimerRien à voir, mais nous lançons nous dans l'organisation du challenge " sous les pages les pages" ? J'ai réactualisé l'adresse mail orange du blog qui était obsolète ( sinon, tu dois avoir mon autre adresse mail, je pense ...)
Ce n'est pas la carpe qui m'émeut, mais l'homme qui la pleure !!
SupprimerOui, j'ai ton adresse (ce n'est pas une adresse orange), et tu fais bien de ma relancer, j'avais un peu oublié ce challenge, après avoir commencé à dresser une liste de titres (qui a dû rester courte, il faut que je la cherche..) ..
je t'écris par @ !