LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Mathilde ne dit rien" - Tristan Saule

"La morale n'a pas de gosses à nourrir."

Mathilde est un mystère. Un mystère d'allure robuste, masculine même, avec sa grande et large carrure, ses cheveux courts et mal peignés, ses survêtements. Pourtant, bien que physiquement imposante, Mathilde est une discrète, une solitaire, qui a toujours vécu en retrait, exclue mais n'en souffrant pas vraiment, se construisant ainsi, à l'écart et mutique. En compagnie des autres, elle ne sait jamais vraiment très bien comment se conduire, ce qu’il faut dire pour paraître "normale".

D’aucuns la pensent insensible. C'est faux, bien sûr, Mathilde en a, des sentiments, c'est juste que sa vie est vidée par le renoncement, comme anesthésiée. 

Quadragénaire, elle travaille au service social du Conseil Général, et vit dans une cité HLM aux côtés d’existences qui louvoient entre pauvreté et misère, des travailleurs précaires, au noir, des jeunes tentés par l’argent facile de la délinquance. Elle y est une sorte de voisine améliorée à qui on peut demander plus qu'une plaquette de beurre, mais qu'on n'invite pas aux fêtes. C’est toujours avec patience et cordialité qu’elle renseigne, aide à constituer les dossiers d’aide sociale.

Bref, elle connaît par cœur les étapes de la chute, mesure la fragilité des vies suspendues au coup dur, à la maladie, elle sait que sortir définitivement de la mouise, ça n'arrive presque jamais... pour autant, elle n’a aucune conscience politique, ne se sent d’affinités avec aucun mouvement, à l’instar de ceux qu’elle côtoie, trop occupés à survivre, trop dépassés pour battre le pavé avec les Gilets Jaunes.

Et pourtant, un jour, elle décide qu’il faut que ça s’arrête. Une rage profonde, face à l’injustice et à l’impuissance de ceux qui la subissent, la submerge. Mathilde part en guerre, pour ses voisins, Mohammed et Nadia. C’est la fin de la trêve hivernale, ils sont surendettés et menacés d’expulsion. Et tout ça parce qu’un des habitants de la zone pavillonnaire voisine -de ceux qui s'accrochent au bonheur promotionnel et consumériste incluant les maisons qu'ils habitent, tout en étant obsédés par les cambriolages-, dont Mohammed a construit la terrasse, avançant le coût des matériaux, refuse maintenant, sous un fallacieux prétexte, de le payer.

En même temps que se déroule l’engrenage violent et dangereux où sa soif de réparation mène Mathilde, des incursions dans son passé éclairent le lecteur sur les drames qui l’ont faite échouer dans cette morne solitude.

D’un réalisme noir, "Mathilde ne dit rien" est aussi et surtout un roman profondément humaniste, qui redonne chair et complexité à ceux que l’on qualifie habituellement "d’invisibles".



Petit Bac 2022, catégorie PRENOM.


Commentaires

  1. Réponses
    1. Oui, et on peut bien le considérer comme tel, bien qu'il n'y ait pas d'enquête, ou du moins comme un roman noir.

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  2. J'ai raté pas mal de rentrées et pas mal de bons livres... Je voudrais ne pas faire de liste de livres à lire mais alors à quoi bon reprendre le chemin des blogs... mais je sais qu'il faut du temps pour lire et chroniquer... autre problème : l'accès aux livres ici n'est pas celui de la grande ville. Quand je cherche un titre sur le catalogue de la bibliothèque de la grande ville d'à côté (Lannion, 20 000 habitants), eh bien c'est souvent le néant... ça a l'avantage de simplifier la liste : pas à la bibliothèque = pas sur la liste !

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    1. C'est en effet simple, pas besoin de se torturer les méninges pour savoir quels titres retenir ! Je connais mal Lannion, je n'y suis passée qu'une fois, mais j'ai découvert en revanche à Paimpol (mais ça te fait un peu loin..) une librairie sympa, où Guirec Soudée, qui vit près de ton nouveau chez toi, était venu faire dédicacer le récit de son tour du monde en compagnie de sa poule Monique !

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  3. Je l'avais noté, puis perdu de vue. J'avais vu qu'il allait sortir en poche, plus de raison de se priver. Et le tome 2 doit être sorti.

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    1. Oui, il est en poche. Le tome 2, pas encore, en revanche (donc j'attends un peu).

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  4. Je suis contente que tu en parles (bien et en bien) car j'ai vraiment beaucoup aimé, et aussi le deuxième Héroïne. L'auteur possède un style, un univers bien à lui.

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    1. Tu n'as pas chroniqué "Héroïne", je n'ai pas vu passer de billet ? En tous cas, je le lirai aussi, j'attends juste sa sortie poche. Et merci pour ce chouette conseil.

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    2. Non, je ne l'ai pas chroniqué, je craignais de me répéter un peu... (comme bien souvent)

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    3. Donc je suppose que tu as aimé...

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  5. je crois l'avoir vu passer - mais bon, non je passe mon tour ! et au final, tu as aimé ? parce que je ne sais pas en lisant ton billet si tu as aimé ?

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    1. Oui j'ai aimé : le personnage est original, et l'ensemble est très prenant, bien noir, et en même temps crédible car ancré dans un quotidien qui nous est familier.

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  6. J'ai l'impression que ça pourrait me plaire finalement. J'en doutais chez Kathel chez qui je l'avais repéré aussi mais ta dernière phrase me laisse entendre que je pourrais y trouver mon compte.

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  7. J'aime bien l'idée d'une héroïne en colère qui part en guerre ! Et puis réalisme noir, c'est mon truc.

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    1. Et elle est en plus exploitée avec intelligence, sans démonstration d'héroïsme ni grandiloquence. Tristan Saule nous met vraiment dans le dur, dans un quotidien dont la chance et les perspectives sont absentes.. c'est un titre qui devrait te plaire. Et il y a une suite ! (mais j'attends sa sortie poche). On peut toutefois s'arrêter à la lecture de celui-là sans que ce soit gênant (si on en m'avait pas dit qu'il y avait une suite, je ne l'aurais pas deviné, je crois d'ailleurs que plus qu'une suite, c'est une nouvelle intrigue qui reprend le même cadre et une partie des personnages).

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