"Les jours de silence" - Phillip Lewis
"À chaque heure qui passe en courant, il y a un rideau noir qui me tombe dessus".
Dernier d’une fratrie de cinq, Henry Aster voit le jour à Old Buckram, dans les Appalaches. Ancienne station ferroviaire où le train ne passe plus depuis des années, où les quelques commerces qui vivotent ferment tôt les sombres jours d'hiver, c’est une ville semée de petites églises en brique rouge où l’on prie un Dieu vivant mais distant, foi et superstitions faisant bon ménage au sein de la communauté. Très tôt Henry fait preuve d'une intelligence exceptionnelle et affirme sa singularité en manifestant un amour obsessionnel pour les livres. Ses parents, aimants, dotés d’un solide bon sens, considèrent cette passion comme un hobby futile et laissent faire, sans doute persuadés que ça lui passera… Mais cela ne passe pas, et le besoin d’écrire s’ajoute bientôt à celui de la lecture. Dès qu’il le peut, Henry fuit sa ville natale, son excellents résultats scolaires lui permettant d’intégrer une université. C’est là qu’il rencontre la lumineuse Eleonore, femme à l’esprit insoumis, passionnée de chevaux. Elle est bientôt enceinte. C’est alors que Maddy, la mère adorée d’Henry, tombe malade, l’obligeant à revenir à Old Buckram. Il s’installe avec femme et enfant aux confins de la ville dans les grises étendues des Barrowfields, plus précisément dans une immense demeure d’une noirceur maléfique, monstrueux squelette gothique marquée par la mort violente et suspecte de la famille qui les y a précédés.
C’est l’histoire d’un père puisque c’est par la voix de l’aîné des enfants du couple Aster (qui auront ensuite deux filles) que nous découvrons la triste épopée d’Henry.
C’est donc aussi l’histoire de ce narrateur, celle de l’enfance du fils d’un écrivain obsédé par l'écriture, s’égarant dans la quête éternellement insatisfaite de sa propre singularité. Il a ainsi vécu dans un déluge de prose, de mots, de poèmes, à la fois stimulé et désespéré par la folie paternelle, et surtout spectateur de la chute d’Henry dans le gouffre de son inatteignable ambition, la souffrance de l’écriture devenant par un obscur et inconscient processus le purgatoire par lequel il négociait le maintien en vie de sa mère Maddy.
C’est une histoire d’abandons, portée par la détresse que provoquent l’absence et la perte, la douleur d’aimer, et l’amère solitude dans laquelle nous plonge l’incapacité à comprendre l’autre et à lui pardonner.
C’est une histoire d’histoires, celles des livres qui consolent et créent du lien, celles que l’on tente de reconstituer à partir de souvenirs tronqués, celles que l’on invente pour tromper soi-même ou les autres…
Très belle chronique ! je ne connaissais pas du tout, je prends note de ce livre :)
RépondreSupprimerBonne journée !
Je n'en ai entendu "parler" que sur quelques blogs, mais il mérite d'être largement diffusé. Et je crois qu'il s'agit d'un premier roman, ce qui ajoute à mon admiration : l'écriture, le ton, sont parfaitement maîtrisés, et surtout très évocateurs.
SupprimerJe me suis demandée un moment si je l'avais déjà lu... Le titre et surtout la couverture, me "parlaient". Mais non, et je pense qu'il me plairait.
RépondreSupprimerJe le pense aussi, c'est un texte fort, qui traite de la complexité des liens familiaux avec subtilité.
SupprimerOk, je prends le lien, et je me rends compte, après, que je possède ce roman, mais en grand format, avec une autre couverture. Pas encore lu et là, tu me refroidis d'un coup ! mdr
RépondreSupprimerC'est une couverture avec un cheval, non ? L'explication de cette illustration est absolument glaçante... te voilà pour le coup non plus refroidie mais gelée, mais c'est à lire quand même hein ?!
SupprimerJe pense qu'il me plairait aussi
RépondreSupprimerOui, sans doute !
SupprimerUn grand roman à mon avis. http://eeguab.canalblog.com/archives/2020/02/07/37835687.html
RépondreSupprimerTon billet m'avait échappé, je vais le lire de suite !
SupprimerMerci de ton avis sur ma chronique. 📚 Nous sommes d'accord.
RépondreSupprimerJe n'ai pas entendu parler de ce roman. Je m'aperçois qu'il est pourtant dans mes bibliothèques (3 exemplaires, couverture cheval !). Donc, si je veux ... je peux.
RépondreSupprimerOui, tu peux, je recommande chaudement !
SupprimerJe pense qu'il pourrait me plaire celui-ci...
RépondreSupprimerJ'en suis persuadée : le ton, le style, l'intense mélancolie qui se dégage du texte, il est pour toi !
Supprimermon roman préféré de 2021 ! oh que je suis heureuse de le voir chez toi ! je l'ai lu en anglais, et son écriture est juste INCROYABLE !
RépondreSupprimerEt je dois te remercier, parce qu'en dépit de mon (léger) bémol sur cette 2e partie (je n'ai pas trop compris l'intérêt de la partie sur la quête d'identité de la fille, et elle ne m'a pas paru très crédible), j'ai vraiment adoré le reste : les personnages de la famille Aster, leur histoire, la profonde mélancolie qui se dégage du récit, l'omniprésence de la littérature..
SupprimerComme toi j'ai trouvé la deuxième partie moins aboutie mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un très bon premier roman!
RépondreSupprimerNous sommes bien d'accord, et je suis prête à me lancer dans son prochain titre (s'il y en a un) les yeux fermés !
SupprimerMoi itou!
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