"L'angoisse du gardien de but au moment du penalty" - Peter Handke
"Des vaches dormaient dans les prairies en bordure de la route. Il était vain de le contester."
Nous y suivons Joseph Bloch, ex-célèbre gardien de but reconverti dans un emploi de monteur. Le récit débute au moment où, persuadé qu’il est congédié, il cesse de se rendre à son travail. Première étrangeté : c’est le seul fait que le contremaître ait été l’unique personne à lever les yeux de son casse-croûte lorsqu’il a ouvert la porte de l’abri où les ouvriers font leur pause qui l’a convaincu qu’il était licencié… Et cette interprétation fantaisiste de gestes ou d’événements va se reproduire fréquemment au cours du récit, le héros les parant d’une signification que lui seul semble percevoir. A la suite de son pseudo-renvoi, il se lance dans une sorte d’errance urbaine qui l’aimante régulièrement vers une salle de cinéma dont il finit par étrangler la caissière. Il prend alors la fuite, et échoue dans une petite ville proche de la frontière alors secouée par la disparition d’un petit garçon. Il s’y livre à un nouveau périple erratique, ponctué de l’utilisation régulière de cabines téléphoniques d’où il tente de contacter une interlocutrice que l’on suppose être son ex-femme. Il se fait agresser à plusieurs reprises, lui-même se montrant parfois insultant et bagarreur, pris d’une sorte de paranoïa qu’alimente sa manie de voir des signes ou des codes cachés dans les comportements d’autrui. La communication avec les autres est contrariée, comme s’ils ne parlaient pas la même langue, ou qu’un même mot n’avait pas le même sens pour chacun.
Il a la sensation récurrente d’évoluer dans une vaste mascarade, comme si la réalité, dont il a du mal à saisir les contours, n’était qu’un jeu, qu’un théâtre. Il éprouve un contact désagréable avec lui-même, se sent devenu "odieusement autre", se voit soudain comme "quelque chose de lubrique, d’obscène, d’incongru, une véritable agression".
Cette plongée dans ce qui s’apparente au délire d’un dément est déroulée en phrases brèves, d’une neutralité déconcertante, comme supprimant toute hiérarchie morale ou émotionnelle des comportements et événements. Tout est ainsi placé au même niveau, la violence et l’anodin, le sanglant et le banal. La dimension strictement factuelle du récit laisse le héros à distance, inaccessible, incompréhensible.
Quelle horreur ! C'est peut être une description du cerveau d'un malade mental mais cela donne l'idée très répandue et pourtant fausse que sont des gens très dangereux sans critères moraux, dangereux ils le sont mais surtout contre eux mêmes. Je n'ai vraiment pas envie de lire ce livre.
RépondreSupprimerCe qui m'a surtout dérangé, c'est la froideur, la banalité de l'ensemble.. on est loin, ici, du "Jérôme" de Jean-Pierre Martinet, par exemple, où la plongée dans la folie est bouillonnante, riche d'émotions... là, rien ne m'a accrochée.
SupprimerTa chronique me rassure... j'ai tenté cette lecture il y a des années, j'ai abandonné avant la fin.
RépondreSupprimerComme je l'écris, je ne serais sans doute pas allée au bout s'il avait été plus long... il a rejoint une boîte à livres sitôt terminé !
SupprimerHeu aucun rapport avec le foot, dommage, le titre est superbe!
RépondreSupprimerIl y a un rapport, mais très lointain, vers la fin.. et oui, je le reconnais, le titre est bon, c'est d'ailleurs ce qui m'a attirée vers ce roman.
SupprimerJe l'ai lu il y a très longtemps, à une époque où lire du Handke était un marqueur de prise de tête intellectuelle (j'étais en fac de lettres) ... On allait voir du Fassbinder aussi ... Bref, tout ce dont je me souviens, c'est de l'ambiance de cette lecture ( j'ai insisté et j'ai lu d'autres titres du même auteur) et que je n'y comprenais rien.
RépondreSupprimerBah mince, je n'avais visiblement pas publié ma réponse... je disais juste que je n'y avais rien compris non plus !
SupprimerGrâce à ton billet et au commentaire d'Athalie, je ferai un grand détour autour de Handke. Absurdité et prise de tête intellectuelle, très peu pour moi.
RépondreSupprimerHeureusement, tu as eu deux très bonnes lectures avant celui-ci!
Oui, on ne peut pas gagner à tous les coups...
SupprimerJe n'ai pas lu cet auteur, qui n'a jamais eu la réputation d'être facile .. et ton billet m'en dissuade totalement.
RépondreSupprimerIl aura donc au moins eu l'utilité de t'éviter définitivement une lecture pénible !
SupprimerLe titre interpelle (je pensais qu'il s'agit d'un livre sur ce thème à l'approche de la coupe du monde), mais je passe mon tour, cet univers m'a l'air très particulier. Par hasard, je lis un livre préfacé par Peter Handke en ce moment, mais ma chronique sera bien plus positive !
RépondreSupprimerC'est un roman de 1972, et sans rapport finalement avec le foot. Mais de quoi traite-t-il vraiment ? Je serais bien en peine de le dire...
SupprimerJe n’ai lu qu’un seul livre de cet écrivain « Histoire d’enfant ». A l’époque j’en disais « S’il existe une catégorie « livres intellos » on l’y rangera directement. (…) Il est évident que ce n’est pas le genre de lecture que je préfère, pourtant j’ai été hypnotisé par le rythme des phrases et séduit par l’effet apaisant et lénifiant de cette prose étrange. » Et je n’y suis plus revenu…
RépondreSupprimerMoi c'est un peu le contraire, sa prose m'a hérissée .. et je n'y reviendrai probablement pas non plus !
SupprimerJe crois que je vais passer mon tour... je lirai peut-être un autre titre du même auteur... ou pas. Les différents commentaires m'en dissuadent un peu.
RépondreSupprimerJe serais curieuse en effet de lire des avis sur d'autres titres, car je me suis demandée si toute son oeuvre était à l'avenant de cet étrange roman..
SupprimerCa a l'air assez particulier... pour le coup, je passe mon tour.
RépondreSupprimerC'est très particulier, ça oui.. mais bien que je sois habituellement plutôt friande de textes originaux, là, ça n'a pas pris...
SupprimerJ’ai lu le même livre cette semaine, ma première incursion dans l’œuvre de Handke, et je l’ai beaucoup aimé, pour les mêmes raisons qu’il vous a irrité. Il m’a hypnotisé, comme le dit Le bouquineur plus haut et je me suis empressée d’en lire un autre, La femme gauchère, que j’ai carrément adoré. Je viens de passer dans ma librairie préférée pour en acheter trois autres.
RépondreSupprimerBonjour chère anonyme, et bienvenue ici,
Supprimervous me convaincriez presque de retenter l'expérience avec l'auteur, peut-être plus tard.. ! Lycéenne, j'ai beaucoup lu Ionesco que j'adorais, justement pour la dimension absurde et déstabilisante de ses textes. Je me suis posée la question de savoir pourquoi, avec Handke, cela n'avait pas pris, et je crois que cela tient essentiellement à cette neutralité constante, qui m'a laissée en dehors...
Je suis @schryve sur Instagram si vous voulez voir mes avis sur ces deux livres de Handke. Je comprends votre ressenti. Contrairement à vous, j’ai un faible pour les écritures froides, cliniques et distantes. Elles me touchent paradoxalement.
SupprimerBonjour,
Supprimermerci pour ces précisions. Je serais allée lire avec intérêt vos avis sur Handke, mais n'ayant pas de smartphone, je ne suis pas sur Instagram :).
Au plaisir de vous revoir par ici...