"Ubik" - Philip K. Dick
"Une pulvérisation invisible d'Ubik et vous bannirez la crainte obsédante, irrésistible, de voir le monde entier se transformer en lait tourné".
Le récit débute en 1992, soit vingt-trois ans après sa date de publication.
Certaines avancées scientifiques témoignent de l’incessante quête de jeunesse éternelle. Des agonisants sont conservés dans un état proche du coma, et temporairement réveillés par leurs proches pour des échanges ponctuels de plus en plus laborieux au fur et à mesure que le capital vital ainsi préservé s’épuise. Les individus les plus riches se font greffer des organes artificiels pour remplacer les vrais lorsqu’ils sont défaillants, prolongeant ainsi leur existence de plusieurs années.
Car ici, tout se monnaye, l’allongement de la vie comme le simple fait d’ouvrir la porte de son appartement ou d’y prendre une douche.
La publicité ponctue le quotidien, comme l’évoque chaque entame de chapitre, sous forme d’annonce vantant le fameux "Ubik", notion qui englobe tout et n'importe quoi, bière ou déodorant, société de crédit ou nettoyant pour parquets…
Le monde est alors divisé en deux camps : celui des Psis, composé entre autres de télépathes et de Précogs capables de prédire l’avenir, dont les talents sont utilisés à la surveillance des citoyens, et celui de l’organisation Runciter, dirigée par un magnat du même nom, qui lutte contre ces premiers, mission qu’elle peine depuis quelques mois à assurer. Dans ce contexte, et afin de sécuriser l'installation lunaire contre des intrusions psychiques, Glen Runciter et une équipe d’élite s’y rendent. Parmi eux Joe Chip, éternel fauché mais Antipsy de grand talent, et Pat Conley, nouvelle et belle recrue aux pouvoirs spectaculaires que Joe considère comme potentiellement dangereuse. Dès leur arrivée sur la lune, Runciter perd la vie dans un attentat. Joe prend le commandement du groupe.
A partir de là, l’intrigue enserre ses héros, et nous avec, dans des rets aussi énigmatiques qu’angoissants. La réalité, qui semble avoir perdu son assise, reflue vers des formes antérieures avant de plus ou moins se stabiliser en 1939. La sensation même d’être présent au monde vacille sous les différentes strates d’un réel que semble manipuler une entité infantile que tout ce cirque amuse. Vient un moment où la distinction entre morts et vivants elle-même devient incertaine.
Joe et les membres de son équipe, qui se décime peu à peu, sont-ils victimes d’une hallucination collective ou d’une machination machiavélique ?
A ces questionnements déjà bien flippants s’ajoute la mélancolie existentielle qui hante Chip face à la vacuité de l'existence, emplie de "désirs tristes, de besoins nébuleux (…) qui ne mènent à rien", son amertume face au constat de la fin de la compassion, de la chaleur humaine et du désintéressement.
Une amertume qui fait écho à celle de l’auteur, hanté par l’impossibilité d'échapper à l’automatisation grandissante et à la normalisation dévastatrice d’une société en perdition. Avec "Ubik", inspiré par la crainte du surgissement d’un pouvoir de plus en plus autoritaire et réactionnaire (Nixon sera bientôt président), l’auteur anticipe l'omniprésence de la surveillance et de la publicité, les dérives du capitalisme et d’une technologie qui lui serait entièrement dévouée.
D'autres titres pour découvrir Philip K. Dick :
Un excellent roman du non moins génial Dick !
RépondreSupprimerC'est un auteur en effet fascinant, avec lequel je suis loin d'en avoir fini... après ce titre culte, je me tournerai sans doute vers un Blade Runner ou un Minority Report.
SupprimerUn de ses meilleurs romans à mon avis.
RépondreSupprimerOn ne peut pas dire que je l'ai lu beaucoup, au regard de son imposante bibliographie, mais ce titre est en effet excellent, et représentatif, il me semble, des grands questionnements et obsessions qui hantent son œuvre. Je me réjouis d'avoir encore de nombreux titres à découvrir, en tous cas.
SupprimerJamais lu cet auteur (Jre sais...), et bravo pour cette excellente chronique.
RépondreSupprimerJe m'y connais très peu en SF, où je ne fais que des incursions occasionnelles (bien que souvent avec plaisir), mais il est sans doute un des auteurs incontournables du genre. Sa personnalité même est complètement romanesque, j'ai d'ailleurs lu cette année l'excellente "biographie" qu'a écrit Emmanuel Carrère à son sujet, et qui met très bien en évidence la dimension vertigineuse de ses obsessions... je n'y avais pas pensé, mais j'ajoute le lien vers le billet conséquent dans celui-ci.
SupprimerEncore un livre dans ma liste à lire !
RépondreSupprimerUn classique de la SF, en tous cas, que je suis ravie d'avoir découvert à l'occasion de l'activité organisée par Moka et Fanny.
SupprimerBonsoir, la SF est compliquée pour moi en général mais votre chronique me donne envie d'essayer Ubik dès que possible 😀
RépondreSupprimerBonjour & bienvenue ici,
SupprimerJe ne suis pas suffisamment experte du genre pour confirmer qu'il s'agit là d'un titre adapté à sa découverte, d'autant plus que l'univers de K. Dick est particulier... mais il faut essayer !
Pas tentée du tout ; je suis sûre que ce n'est pas pour moi.
RépondreSupprimerJ'en suis également persuadée !
SupprimerJe me lance tout doucement dans la SF contemporaine (et avec de bonnes surprises) mais je ne suis pas encore mûre pour la SF plus ancienne, je crois.
RépondreSupprimerC'est en effet un genre qui peur avoir tendance à mal vieillir, je crois... il m'est arrivé d'être très très déçue per de vieux titres de SF considérés comme des classiques (à une époque j'ai tenté entre autres A. E. Van Vogt et ça n'a pas été une réussite !).
SupprimerK.Dick est un auteur que je dois lire depuis longtemps mais je n'ai pas encore sauté le pas. Ce titre est sur ma PAL. Il ne me reste qu'à me lancer. Merci pour ta participation ce mois-ci.
RépondreSupprimerK. Dick est sans doute un incontournable du genre. C'était aussi un auteur très prolifique, qui n'a pas écrit que des chefs-d'œuvre, mais il me semble qu'en se tournant vers ses "classiques", on a peu de chance d'être déçu..
SupprimerIl est dans ma pal depuis longtemps ! Allez, je le mets dans ceux à lire cette année !
RépondreSupprimerBonne idée, c'est un des classiques de l'auteur, et je le trouve représentatif des thématiques qui traversent son œuvre (et qui ont hanté sa vie)..
SupprimerJamais lu cet auteur (je sais bien... honte à moi). Grâce à ce défi, on fait des découvertes extraordinaires! Bonne année 2024!!!!
RépondreSupprimerAh mais on ne peut pas tout lire, il n'y a pas de honte à avoir ! D'autant plus que la SF est un genre particulier, auquel tout le monde n'adhère pas... très belle année à toi !
SupprimerJe n'ai lu que Le maître du Haut-château auquel je n'ai pas du tout accroché, je suis donc peu tentée de renouer avec cet auteur dans l'immédiat... Mais je vois que tu en as déjà lu plusieurs, c'était donc intéressant de te lire !
RépondreSupprimerSa bibliographie est foisonnante, et assez variée. Un titre comme Le temps désarticulé est très différent du Maître du Haut Château par exemple. En revanche, on retrouve dans son œuvre certaines constantes, notamment cette idée de la dimension incertaine du réel qu'il exploite ici.
SupprimerCet auteur fait partie de ceux que je voulais lire pour ce mois-ci (finalement je n'ai rien lu) mais c'est avec grand plaisir que je le découvre ici :-)
RépondreSupprimerMais il n'est pas trop tard !
SupprimerJ'admire beaucoup Philip K. Dick (l'auteur du moins, pas forcément l'homme) Dans son domaine, c'est vraiment LE Maître.
RépondreSupprimerC'est en effet un auteur fascinant.
SupprimerJe n'ai lu de Dick que "Le maître du haut château" qui m'avait plu au plus haut point. Je note "Ubik" sur ma Liste A Lire. C'est le genre de sujet SF qui m'intéresse énormément.
RépondreSupprimerMerci pour le partage.
Il devrait te plaire, dans ce cas.. bonne future lecture !
SupprimerVraiment j'ai adore ce livre, je picore dans le monde de Dick et ce fut un regal a lire...
RépondreSupprimerCet auteur ne m'a déçue qu'une fois, avec Les clans de la lune Alphane, que je n'ai d'ailleurs même pas chroniqué, mais sinon, tous les autres titres listés en fin de billet valent le détour !
Supprimer