"Une ardente patience" - Antonio Skármeta
"Au Chili, tout le monde est poète. Tu seras plus original en restant facteur."
Mario Jimenez, fils de pêcheur que les corvées de la pêche rebutent, préfère passer son temps en rêveries et à aller au cinéma, jusqu’à ce que son père lui impose de trouver un travail. C’est ainsi qu’il devient le facteur de l’unique résident de l’Ile Noire, Pablo Neruda, qui reçoit quotidiennement des kilos de courriers.
Grand admirateur du poète, le jeune homme s’investit dans sa mission avec enthousiasme, et se pique d’écrire lui aussi des vers, certain qu’il pourra ainsi conquérir le cœur de la belle Beatriz, dont il est éperdument amoureux, mais que sa timidité l’empêche d’aborder. Neruda, dont il sollicite les conseils, se prend peu à peu d’affection pour ce jeune homme sincère et ingénu, avec lequel il entretient bientôt de longues conversations, des échanges rendus réjouissants par la spontanéité de l’un et la bienveillance amusée de l’autre.
Pendant que Mario apprivoise l’art de la métaphore pour séduire Beatriz, contrecarré par sa potentielle future belle-mère qui se méfie comme de la peste de ces hommes qui attaquant avec la parole, parce "qu’il n’y a pas pire drogue que le boniment", l’Histoire est en marche. Pablo Neruda renonce, en faveur de Salvador Allende, à être candidat à la présidence de la République, et obtient le Prix Nobel, occasion d’une fête orgiaque qu’organise Mario à San Antonio. Puis la tragédie rattrape le Chili…
Quel bon moment j’ai passé avec ce roman, certes court mais riche d’une énergie et d’un humour roboratifs ! L’auteur mêle crudité et sensualité, gouaille et poésie en un parfait équilibre, tout en introduisant progressivement, avec beaucoup de subtilité, une dimension mélancolique qui lui confère sa profondeur.
"Mais les trains qui mènent au paradis sont toujours des omnibus et ils restent en souffrance dans des gares moites et suffocantes."
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